Par Mohamed Habili
Un mois et demi après son arrivée aux affaires, l’administration Biden, qu’on attendait certes sur ce sujet mais sans présumer chez elle forcément un changement de cap, a reconduit telles quelles les sanctions contre le Venezuela et renouvelé la reconnaissance de Juan Guaido comme président par intérim de ce pays. Le nouveau secrétaire d’Etat, Antony Blinken, a au tournant du mois appelé ce dernier pour le rassurer sur la reconduction de son statut et sans doute aussi sur les privilèges qui y sont attachés. Il faut dire que sans ce geste Juan Guaido risquait gros. En fait, rien d’autre que l’arrestation, lui qui n’est plus ni député, ni par conséquent chef de la majorité, un titre que semble ne plus lui concéder l’Union européenne après la tenue des dernières élections législatives, auxquelles lui-même n’avait pas participé mais que nombre de partis de l’opposition n’avaient pas boycottées comme il leur avait demandé.
L’un des indices les plus fiables que la crise se résorbe au Venezuela, c’est justement que le pseudo président par intérim est arrêté, à moins que sachant qu’il va l’être, il s’en soit prémuni, en quittant le Venezuela par exemple. A l’inverse, tant que Guaido est au Venezuela, et qu’il est libre d’en sortir et d’y retourner, cela voudrait dire que ce pays est toujours sous la menace directe d’une invasion militaire extérieure, que ce soit par l’armée des Etats-Unis elle-même ou par une coalition de forces à leur dévotion.
Ainsi donc le renversement du régime bolivarien au Venezuela est une priorité de politique extérieure pour la nouvelle administration, ce qu’elle était déjà pour l’administration Trump, de même que pour celle qui l’avait précédé. Elle est la troisième à poursuivre ce but. Les premières sanctions avaient été prises du temps de Barack Obama. Aujourd’hui démocrates et républicains américains sont opposés à peu près sur tout, au plan interne comme au plan externe, mais ils sont d’accord pour voir dans le Venezuela de Maduro une menace pesant sur leur sécurité nationale. A croire que ce pays sud-américain est en possession de quelque arme de destruction massive, et qu’il songe sérieusement à s’en servir contre les Etats-Unis. La réalité, c’est que le Venezuela ne demande qu’à être dans les meilleurs termes avec ces derniers. Il a même formé l’espoir que l’arrivée d’une nouvelle administration permette la normalisation de leurs relations. Il faut dire que cet espoir s’est beaucoup amenuisé avant même l’élection de Biden, qui au cours de la campagne électorale avait en effet eu des propos empreints d’une grande hostilité envers le président Maduro. L’idée a quand même prévalu alors qu’il fallait se garder de prendre pour argent comptant des propos de campagne, que leur auteur y avait recouru pour des motifs avant tout électoralistes, qu’il était possible donc qu’il revienne à de meilleurs sentiments une fois élu.
Cette façon de voir n’était pas si naïve, comme on peut le voir aujourd’hui sur un autre exemple, celui de la Corée du Nord. Envers le président de ce pays, Biden ne s’était pas montré moins virulent, qu’il n’avait pas craint de traiter de voyou. Pourtant, pas plus tard qu’il y a deux jours, le monde a appris que le chef de la diplomatie américaine avait cherché à prendre langue avec les Nord-Coréens mais sans y parvenir. Il faut croire que pour ces derniers, il n’y a pas un temps pour les insultes et un autre pour la négociation qui soient séparés par un abîme. Qu’il est possible de passer de l’un à l’autre au contraire, à la condition de jeter un pont entre eux. Un pont qui s’appelle faire ses excuses. Une fois que les Américains l’auront franchi, ils pourront peut-être trouver à qui parler à Pyongyang.
Le Jour d’Algérie, 14 mars 2021
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