La dernière réunion de haut niveau de l’Union africaine sur le Conseil de paix et de sécurité a été un véritable échec pour le makhzen. Avec pour ordre du jour “la paix durable en Afrique”, cette réunion s’est achevé par un appel pressant à un cessez le feu immédiat entre l’occupant marocain et le Front Polisario et une reconnaissance directe que la situation dans cette région est une menace pour la paix et la stabilité.
Le communiqué signé par les quinze membres du Conseil de paix et de sécurité a demandé à la troïka de l’Union africaine et à l’Envoyé spécial de l’UA pour le Sahara occidental le mozambicain Joachim Chissano de «redynamiser le soutien à la médiation dirigée par l’ONU . »
Le CPS a exhorté le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, à procéder à la nomination imminente d’un Envoyé spécial auprès de la MINURSO (la Mission des Nations Unies au Sahara occidental) pour soutenir les efforts de paix dans ce pays.
Le Conseil a déclaré que le conflit au Sahara occidental avait retardé les efforts d’intégration régionale dans la région du Maghreb, appelant le secrétaire général de l’ONU à accélérer la nomination d’un envoyé spécial pour faciliter la médiation.
Ce communiqué a soulevé la colère du régime marocain, qui ne s’attendait pas à une telle position de la part du CPS. D’ailleurs, avant même cette rencontre, les services secrets du royaume ont voulu anticiper sur le communiqué final, mais aussi sur l’ordre du jour. Rabat cherchait à éviter que la question sahraouie soit inscrite dans les débats. Un intense lobbying avait commencé des semaines auparavant auprès des instances panafricaines. Mais, c’est surtout à Nairobi, la capitale kenyane que les agissements du Maroc se sont concentrés.
En effet, le Kenya avait convoqué cette fameuse réunion en tant que président de ce mois de mars du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, où il avait l’intention de discuter de la paix et de la sécurité ainsi que du changement climatique. Rabat a rapidement réagi en tentant de faire le forcing auprès du président kényan pour ne pas endosser le conflit sahraoui lors de cette réunion.
Nairobi a fait valoir que la question sahraouie a toujours fait partie du tableau noir des conflits dans le continent comme la situation au Soudan du Sud, au Tigré en Ethiopie et d’autres points chauds. Le Kenya a insisté dans sa démarche pour que l’Union africaine joue un rôle prépondérant dans la résolution du conflit maroco-sahraoui, d’autant que l’organisation des Nations unies semble être paralysée depuis la démission de son dernier envoyé spécial dans la région, il y a deux ans.
C’est un journal kenyan, “La Nation”, qui vient de faire des révélations sur le lobbying marocain auprès des autorités de Nairobi durant les préparatifs de cette réunion. Rabat cherchait, soit à l’annuler ou la retarder afin de permettre au diplomate algérien Smail Chergui d’achever son mandat la semaine prochaine en tant que commissaire de l’UA pour la paix et la sécurité.
Selon ce quotidien, le Maroc avait demandé au Kenya de retarder la réunion, avertissant que Chergui utilisait ses derniers jours de son mandat pour «servir l’agenda suspect de son pays d’origine et risquerait de compromettre la position neutre du Kenya concernant la question du Sahara ainsi que son engagement à promouvoir la paix et la stabilité Afrique. »
Le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita avait écrit à son homologue kényan Raychelle Omamo pour lui dire qu’il n’y avait pas de consensus dans les débats sur la question sahraouie.
«Le thème des discussions risque de provoquer de graves divisions parmi les membres du CPS qui seraient plus à l’aise pour examiner les questions unificatrices et prioritaires, sur lesquelles il existe un consensus de base, en particulier pendant la période difficile de la pandémie de Covid-19», a déclaré Bourita dans une lettre le 1er mars à Nairobi, soit une semaine avant le rendez vous africain.
« La Troïka devrait être le seul mécanisme de la tentative de l’Afrique pour résoudre le problème, et qui affirme l’exclusivité du Conseil de sécurité des Nations Unies sur cette question », a-t-il déclaré en se référant au groupe de trois membres des anciens, actuels et futurs présidents de l’Union africaine, connue sous le nom de Troïka sur la question sahraouie. Pour le moment, cela inclut le président sud-africain Cyril Ramaphosa, Felix Tshisekedi de la RDC et Macky Sall du Sénégal.
Le Maroc avait fait tellement de lobbying avant la réunion qu’ils ont contacté le chef de l’ODM Raila Odinga, le Haut Représentant de l’Union africaine pour le développement des infrastructures pour aider à faire passer le message, et influencer la position kenyane.
L’échec est retentissant puisque le président Kenyatta a convoqué la réunion et a ouvert des débats sur la question, qui s’est achevé finalement par l’appel et le communiqué cité plus haut.