Il y a un temps pour tout. Le silence abyssal a trop duré. Par-delà la complicité des fossoyeurs de la liberté, sacrifiée sur l’autel des intérêts commerciaux et des considérations géopolitiques, il y a effectivement matière à méditer sur le cas de décolonisation de la dernière colonie africaine consacrée dans son droit légitime à l’autodétermination et par la reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) par une majeure partie de la communauté internationale, néanmoins victime d’un déni de légalité sans précédent. Malgré les avis de la Cour internationale de justice (CIJ), de la Cour de justice européenne (CJUE) et le consensus international qui ne reconnaît aucune souveraineté marocaine sur le territoire, la chape de plomb continue de sévir en privant un peuple épris de liberté et de paix de son droit inaliénable à l’indépendance.
Sahara Occidental : Légalité et responsabilité
En partenaires reconnues du processus de décolonisation, entériné par les accords du 6 septembre 1991 signés par les deux parties au conflit, l’ONU et l’Afrique ont failli au devoir de décolonisation, vidé de toute substance par la violation du cessez-le-feu, provoquée par l’acte hideux de Guerguerat, et la politique de linkage immorale pratiquée par l’ancienne administration américaine. Si beaucoup d’espoirs sont mis dans la nouvelle équipe dirigée par Joe Biden, la gravité de la situation ne saurait s’accommoder des tergiversations porteuses de périls sur la paix et la stabilité régionales. Le temps des «mesures efficaces et concrètes» interpelle impérativement l’Union africaine (UA) menacée dans ses fondements unitaires et ses principes constitutifs inhérents au droit à l’autodétermination, au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale.
Cette position a été défendue par le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors de la réunion du Conseil de paix et de sécurité (CPS), consacrée à l’examen de la situation au Sahara occidental et au changement climatique. «L’Afrique, qui a vaincu l’occupation européenne par sa lutte politique et armée parfois et qui est venue à bout de l’apartheid, se doit aujourd’hui d’en finir avec le dernier foyer colonial», a affirmé le président de la République. Emmuré dans le mur de la honte et plus que jamais voué à un isolement, le Makhzen est incontestablement confronté à un désaveu total de l’UA, réaffirmant, lors du 34e sommet, la souveraineté de la RASD et appelant le CPS à mettre en œuvre les modalités susceptibles de favoriser le retour au cessez-le-feu et à la table de négociation.
La victoire sahraouie est confortée par la décision d’ouvrir un consulat à Laâyoune occupée par la commission de Haut niveau des chefs d’État et de gouvernement. En attendant la consultation du conseiller juridique de l’UA sur le cas des «consulats» africains, cette présence effective permet une évaluation de la situation dans les territoires occupés, jugée désastreuse par les militants des droits de l’homme.
Unie et solidaire, l’Afrique est appelée à rendre justice au peuple sahraoui, lassé par trois décennies de promesses non tenues et contraint au retour à la lutte armée, pour arracher son droit à l’indépendance que la communauté internationale n’a pas su garantir. «Nous plaçons l’Afrique devant ses responsabilités et son devoir face à la question sahraouie», a déclaré le Président sahraoui, Brahim Ghali. Elle est tenue prioritairement de défendre un État fondateur privé de son droit à l’autodétermination et livré à un génocide à ciel ouvert.
El Moudjahid, 10 mars 2021