Source : The Indian Express, 7 mars 2021
La reconnaissance par le président français Macron de la torture et de la mort de Boumendjel aux mains des soldats français est considérée comme un pas vers la guérison de vieilles blessures.
Dans un effort visant à améliorer ses relations avec l’ancienne colonie algérienne, la France a admis que ses soldats ont torturé et tué l’avocat et combattant de la liberté algérien Ali Boumendjel, dont la mort en 1957 avait jusqu’à présent été couverte comme un suicide.
Mardi, le président Emmanuel Macron a déclaré aux petits-enfants de Boumendjel : « [Il] ne s’est pas suicidé. Il a été torturé puis tué ».
Qui était Ali Boumendjel ?
Agé de 37 ans au moment de sa mort, Boumendjel était un nationaliste et un militant de l’indépendance algérien lorsque le pays d’Afrique du Nord était sous la domination coloniale française. Opposant actif au colonialisme français, Boumendjel a servi d’intermédiaire entre les modérés et les révolutionnaires luttant pour la liberté du pays.
En 1957, les troupes françaises l’ont détenu et placé à l’isolement pendant la bataille d’Alger, dans le cadre de la guerre d’indépendance algérienne qui a duré huit ans. Pour faire passer sa mort pour un suicide, Boumendjel a été jeté du sixième étage d’un immeuble après avoir été tué.
Ce conflit sanglant, marqué par la torture, les morts en détention et les disparitions forcées, a duré jusqu’en 1962, et a pris fin avec lui 132 ans de domination française.
Au fil des ans, plusieurs organisations en France et en Algérie ont réclamé la découverte de la vérité sur la mort de Boumendjel.
Paul Aussaresses, le chef des services de renseignements français en Algérie pendant la guerre d’indépendance, a avoué en 2001 qu’il avait ordonné l’assassinat de plusieurs prisonniers algériens, dont Boumendjel.
Ce que la France a dit
La France a eu une relation compliquée avec l’Algérie. Bien que des personnes ayant des liens avec le pays vivent en France (y compris les descendants d’anciens colons), la réticence de l’ancienne puissance impériale à admettre les atrocités qu’elle a commises pendant la période coloniale a longtemps jeté une ombre sur les relations bilatérales avec l’Algérie, ainsi que sur les relations avec sa propre grande communauté musulmane.
Les deux pays sont également en désaccord sur le nombre d’Algériens qui ont été tués pendant la lutte pour l’indépendance. Selon les historiens français, environ 4 lakh algériens sont morts pendant la guerre, alors que le gouvernement algérien a affirmé que le nombre était supérieur à 10 lakh, selon la BBC. Pendant des années, le conflit a été désigné avec dédain en France comme les « événements algériens ».
La reconnaissance par le président français Macron de la torture et de la mort de Boumendjel aux mains des soldats français est considérée comme un pas vers la guérison de vieilles blessures. Dans une déclaration, Macron a déclaré : « Au cœur de la bataille d’Alger, [Boumendjel] a été arrêté par l’armée française, placé à l’isolement, torturé, puis assassiné le 23 mars 1957 ». S’adressant aux petits-enfants de Boumendjel, Macron a déclaré que l’aveu avait été fait « au nom de la France ».
Macron a également précisé que le cas de Boumendjel ne serait pas le seul qui serait réexaminé. « Aucun crime, aucune atrocité commis par quiconque pendant la guerre d’Algérie ne peut être excusé ou dissimulé », peut-on lire dans la déclaration de son bureau.
Importance de la reconnaissance
L’Algérie, qui célèbre l’année prochaine les soixante ans de son indépendance vis-à-vis de la France, s’est félicitée de cette admission. Elle a déclaré jeudi que « l’Algérie note avec satisfaction l’annonce par le président français Emmanuel Macron de sa décision d’honorer le combattant et martyr Ali Boumendjel », a rapporté l’AFP.
En 2018, Macron avait admis que la France avait créé un « système » pour pratiquer la torture pendant la guerre, et avait également reconnu que le mathématicien français et militant communiste indépendantiste Maurice Audin avait été assassiné en Algérie. Lors de sa campagne électorale de 2017, Macron avait qualifié la colonisation française de l’Algérie de « crime contre l’humanité » et les actions françaises de « véritablement barbares ».
Pourquoi certains sont encore mécontents
Bien que Macron ait reçu des éloges pour ses efforts en vue de rétablir les relations entre la France et l’Algérie, certains lui ont reproché de refuser de présenter des excuses officielles pour les atrocités commises pendant le conflit.
En janvier, Macron a déclaré qu’il n’y aurait « ni repentance ni excuses » mais des « actes symboliques », comme la formation d’une « commission de vérité » qui étudiera la guerre. Le rapport du gouvernement français qui a recommandé la création d’une telle commission a été critiqué par l’Algérie, qui l’a qualifiée de « non objective » et de « inférieure aux attentes ».
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