La réhabilitation posthume du militant nationaliste Ali Boumendjel, arrêté en pleine Bataille d’Alger et exécuté par l’armée française, constitue un nouveau chapitre dans l’histoire de la colonisation. Plus qu’un «acte isolé», comme l’affirme l’Elysée dans un communiqué, la quête mémorielle procède de gestes à forte charge symbolique préconisés par l’historien Benjamin Stora, recommandant une politique des «petits pas».
La reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin et le rapatriement des 24 restes mortuaires de chouhada représentent indéniablement des progrès qui en appellent d’autres dans la voie de la réconciliation mémorielle initiée par le président Macron et le président Abdelmadjid Tebboune. La démarche louable et porteuse d’une dynamique de rapprochement entend tourner des décennies d’amnésie et d’occultation imposées par les tenants du négationnisme et des nostalgiques d’un passé à jamais révolu. Il suffit seulement de relever la levée de boucliers subie par le président Macron, qualifiant le colonialisme de «crime contre l’humanité» et levant le voile sur la torture et les exécutions sommaires pratiquées par l’armée coloniale.
A trois semaines d’intervalle, l’exécution de Larbi Ben M’hidi (4 mars 1957) et l’assassinat d’Ali Boumendjel (23 mars 1957) par le même bourreau, le tristement tortionnaire «commandant O», Paul Aussaresses, renseignent sur le mensonge d’Etat longtemps entretenu. Le temps de la vérité historique a sonné.
En socle de la nouvelle Algérie, la question de la mémoire, en fondement de l’identité nationale, est «un devoir sacré» proclamé par le président de la République engagé à rapatrier tous les restes de chouhada, à récupérer les archives et traiter avec toute la rigueur voulue la question de l’indemnisation des victimes de l’explosion nucléaire au Sahara et de la décontamination des zones irradiées. La mise en place d’une chaîne spécialisée en histoire et l’institution de la Journée nationale de la mémoire, célébrée le 8 mai, indiquent clairement le sens d’un engagement qui n’est pas le fait d’une «quelconque tendance conjoncturelle».
Au cours de la dernière rencontre avec des responsables de médias nationaux, le président de la République a appelé à faire preuve de discernement et de sérénité dans le traitement de cette question sensible, relevant que les «bonnes relations» entretenues avec la France d’Emmanuel Macron ne sauraient toutefois se faire au détriment de notre histoire. «Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire qui ne peut faire l’objet d’aucun marchandage», a-t-il souligné. La réconciliation en marche reste tributaire de la manifestation de la vérité et, comme le montrent les «petits pas» accomplis jusque-là, de la reconnaissance pleine et entière de la responsabilité de l’Etat français dans les crimes coloniaux.
Horizons, 6 mars 2021
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