Par Kamal Louadj
Ce n’est pas rien «pour un pays du poids et de la puissance des États-Unis […] de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental» dans le sillage de l’accord de normalisation des relations signé avec Israël, a déclaré le ministre marocain de l’Emploi à Arabic Post. Une position à l’opposé de celle qu’il avait pourtant déjà exprimée.
Après avoir sévèrement critiqué le gouvernement et son chef Saad Dine El Otmani le 12 décembre dans un entretien à la chaîne Al Mayadeen pour avoir approuvé et signé l’accord de normalisation des relations avec Israël, le ministre marocain de l’Emploi Mohamed Amekraz a estimé dans une nouvelle interview, cette fois au journal Arabic Post, que la question fondamentale pour le Maroc est «la souveraineté sur le Sahara occidental».
Alors que lui et le chef de l’exécutif sont issus du même Parti islamiste du Développement et de la Justice (PJD), M.Amekraz rejette les accusations d’appartenance de leur formation politique à la mouvance internationale des Frères musulmans* et affirme que «l’intérêt national marocain est au-dessus de toute autre considération».
«Il est plus facile de préserver cet acquis que de le décrocher»
À ceux qui critiquent le PJD pour avoir soutenu et signé l’accord avec l’État hébreu, le ministre répond «qu’ils ne connaissent pas l’extrême importance du dossier du Sahara [occidental, NDLR] pour les Marocains. […] Ils ne savent pas ce que cela constitue pour eux et n’ont aucune idée de l’ampleur de la percée réalisée dans ce dossier à l’occasion de l’accord de paix signé avec Israël».
Cette percée que le royaume chérifien a réalisée en persuadant les États-Unis de reconnaître sa souveraineté sur le Sahara occidental «peut être considérée comme le deuxième événement historique d’importance après la Marche verte en 1975», affirme-t-il.
Par ailleurs, il explique qu’il n’est pas facile «pour un pays du poids et de la puissance des États-Unis, avec influence à l’échelle internationale, de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental».
Enfin, dans le contexte de l’arrivée d’une nouvelle administration américaine, dont le secrétaire d’État Antony Blinken a d’ores et déjà fait savoir que son pays allait réexaminer les engagements pris par Donald Trump envers les pays arabes ayant signé des accords de normalisation avec Israël, Mohamed Amekraz assure que «la reconnaissance américaine aura des répercussions positives sur l’ensemble de ce dossier à l’avenir, cela ne fait aucun doute». En effet, «il est plus facile de préserver cet acquis après le long chemin et les grands efforts qui ont été nécessaires à le réaliser», juge-t-il.
Aucun lien avec les Frères musulmans
Des partis islamistes issus des Frères musulmans* en Algérie, en Jordanie et au Koweït, ainsi que le mouvement Hamas, ont accusé de «trahison» le chef de l’exécutif marocain et son parti, le PJD, pour l’accord de paix signé avec Israël. Selon eux, il s’agit d’«un coup de poignard contre la cause palestinienne».
Affirmant que le PJD est souverain dans ses positions et les décisions qu’il prend en fonction de l’intérêt national, le responsable réfute les accusations concernant l’appartenance de son parti à cette organisation internationale islamiste, assurant qu’il «n’a aucun lien ni engagement» et encore moins de comptes à lui rendre.
«Le PJD, et avant lui le Mouvement de l’unicité et de la réforme (MUR), a été fondé dans le cadre d’une initiative strictement marocaine indépendante de toute organisation étrangère, que ce soit les Frères musulmans* ou autres, et c’est devenu évident avec le temps», soutient M.Amekraz.
«Il est vrai que le PJD a une référence islamique sur laquelle il s’appuie dans ses positions et décisions, mais il est indépendant du reste des organisations islamistes internationales et il n’a aucune relation organique avec des mouvements étrangers», conclut-il.
La fin des précédentes positions?
Le 12 décembre, prenant le contrepied de la décision annoncée par le palais royal, Mohamed Amekraz a déclaré au média panarabe Al Mayadeen que «notre position à l’égard de la normalisation et sur le reste des questions liées à la cause palestinienne est claire et sans équivoques». «Tous les Marocains considèrent la cause palestinienne comme une question d’injustice et d’usurpation de la terre et des droits des propriétaires légitimes».
Concernant la possibilité de concilier la normalisation des relations avec Israël avec la défense de la cause palestinienne, le ministre marocain de l’Emploi a répondu que «notre position ainsi que celle du peuple marocain est claire à ce sujet, et ce sont les jours à venir qui nous renseigneront sur le sort de cet accord».
Avant lui, en août, lors d’une réunion de l’Organisation des jeunes du PJD, Saad Dine El Otmani avait condamné «toute normalisation avec l’entité sioniste», selon le site d’information Yabiladi. S’exprimant près de trois semaines après la conclusion de l’accord de paix entre Tel-Aviv et Abou Dhabi, M.El Otmani avait souligné que «toutes les concessions en cours étaient inacceptables».
*Organisation terroriste interdite en Russie
Sputnik, 29 jan 2021
Sahara Occidental, Maroc, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Soudan, israël, Normalisation,
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