par Saadeddine Kouidri
Si les victoires de notre peuple ne sont pas enseignées dans nos propres écoles, on ne peut pas en vouloir à ceux qui les ignorent sauf aux historiens et particulièrement à l’historien, chargé par son Président de faire un «Rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation, et la guerre d’Algérie».
Ce qu’il appelle la «Guerre d’Algérie» et qu’il nommait «les évènements d’Algérie» s’est terminée en 1962 par la victoire des anticolonialistes menés par le peuple algérien. Une victoire actée à l’ONU. Elle est universelle et devient naturellement un acquis de toute l’humanité.
Le vaincu qui ne reconnaît pas sa défaite est comme un animal blessé. Il n’a que du ressentiment envers le vainqueur à ce sujet. C’est par le billet de l’histoire et des mémoires qu’il tente de se venger et cherche toujours à nuire aux peuples qui l’ont vaincu.
Le peuple algérien ne peut être qu’heureux, d’être toujours vivant, grâce à la résistance de ses aïeux contre l’extermination coloniale française qui a duré, de 1830 à 1860. A l’unanimité il est fier de sa victoire sur la colonisation française de 1954 à 1962 quand le FLN/ALN, lui avait appris, entre autres, dès le 1er Novembre à distinguer entre le colonialisme français et le peuple français. L’autre victoire du peuple algérien et qui ne fait pas l’unanimité est sa victoire sur le terrorisme-islamiste. Sa dernière victoire qui, elle aussi fait l’unanimité, est celle du mouvement citoyen du 22.02.19 qui a enterré le 5e mandat et dégagé les frères Bouteflika et leur bande.
Qu’est ce que cet historien qui en parlant de mon pays ne retient pas ses victoires et qui n’arrive même pas à s’élever au niveau de son Président pour qui la colonisation est un crime contre l’humanité et non seulement une critique du système colonial comme il le prétend dès les premières lignes de son rapport ?
Bouteflika a fait la Réconciliation avec les islamistes sans les nommer. Avec qui la France veut-elle se réconcilier ? Les vainqueurs n’en ont cure d’un vis-à-vis qui ne respecte pas ce qu’il aime par-dessus tout, leur mère patrie qu’ils viennent de récupérer des entrailles du monstre colonial, où elle échoue après tant d’occupations, presque en entier, après tant de siècles. Dans ce cas, il n’y avait que la Révolution pour la sortir indemne et la remettre à jour, après ce temps abyssal. Le mouvement citoyen en est le dernier témoin, et nous restons, bien sûr, demandeurs de nos biens dont les archives et autres objets d’art, d’histoire et d’objets de souveraineté selon les lois universelles. Devant tant de contradictions nourries par le dénie, Stora finit par avouer : «On ne peut pas réconcilier l’irréconciliable» Ses contradictions ne sont pas dénudées de malice. En clair, Il cherche à se réconcilier mais pas avec un vainqueur, d’une rive qu’il a déserté lui et ses coreligionnaires !
La lecture du rapport destiné à Macron m’a donné l’impression que Benjamin Stora est installé dans un gourbi abandonné, aux environs de Mélouza avec les harkis ou sans honte bue, traine leurs enfants, comme les fantômes du Musée où il travaille, celui de Vincennes, qui servait jadis, l’histoire de la coloniale. Il cultive les anecdotes comme des outils qui servent sa profonde conviction, celle de faire de l’éclatante victoire du peuple algérien, non seulement une défaite au passé mais aussi du présent, qui justifierait les problèmes actuels. La mission de faire un rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la Guerre d’Algérie que lui a fixé le Président Macron lui a permis de relater encore une fois ses histoires qu’il rabâche depuis des lustres pour influencer le récit commun des relations qui se font naturellement entre les peuples et qui s’écrivent librement sans le consentement d’ autorités quelles qu’elles soient
La réponse à sa question «Comment comprendre l’âpreté de ce conflit ?» nous oblige, à une longue citation de Mostapha Lacheref qui explique le mieux, ce qu’est la colonisation de peuplement, synonyme de génocide du peuple algérien que Macron, le premier Président Français a eut l’opportunité de reconnaitre :
«La France trouve en face d’elle une société bien organisée, à la civilisation propre, parfois comparable à celles du Bassin Méditerranéen, peut-être imparfaite dans son développement, mais dans l’amour de la liberté, l’attachement à la terre, la cohésion, la culture, le sens patriotique, les ressources et les idéaux communs à défendre contre l’ennemi national, donnent leurs preuves tout au long d’une guerre de conquête de près de 40 ans. Cette société dont les cadres et les élites de valeur avaient été décimés pour être remplacés par des féodalités mercenaires et dynastiques, est, de plus systématiquement détruite ou appauvrie ; on entreprend, dans le dernier tiers du siècle, de la submerger sous le poids d’un peuplement européen seul détenteur du pouvoir politique, seul maître des richesses nationales; elle résiste désormais par tous les moyens, surtout pacifiques, subit les ravages des famines, des épidémies et des lois d’exception, colmate ses brèches grâce à l’effort conjugué d’à peu près tous ses groupes sociaux, et, vers les débuts du XXe siècle, la partie est gagnée puisque l’extermination, objectif avoué ou inavoué par lequel le colonialisme visait à substituer au peuple algérien un autre «peuple» est conjurée. Il est d’ailleurs vraisemblables (et en grande partie prouvé) que cette extermination directe et indirecte du fait de la guerre de conquête et de ses conséquences, se soit soldée entre 1830 et 1860 environ par plusieurs millions de morts dans un milieu rural acculé aux famines par destruction, décimé par les combats et l’exode, et un milieu citadin contraint à l’exil».
Cela en ce qui concerne la colonisation, quant à la Révolution, que l’autorité française continue à qualifier de «Guerre d’Algérie» malgré le scepticisme de Macron à ce sujet, j’invite le lecteur à se remémorer ou à prendre connaissance d’extraits de la déclaration du GPRA en 1960 à l’adresse des pieds noirs «La conquête coloniale vous a ouvert les portes de notre pays. Elle vous a donné des droits exorbitants dont elle nous a systématiquement privés…
Les patriotes algériens qui ont accepté de mourir pour vivre libres, ne vous marchandent pas le droit d’user de la même liberté… C’est la terre qui façonne l’homme. Et la terre algérienne nous a façonné». Des milliers d’autres actes du passé glorieux du peuple algérien ne peuvent tous être cités. Certes mais de là à les enterrer par ce «consulaire» le canon de Baba Merzoug dont l’obus est porté par des tortionnaires, des harkis, relève d’une autre guerre. En sus il cite un mort qui disait: «j’ai toujours ressenti mon départ d’Algérie comme injuste» Cet homme avait plus de 22 ans en 1962. S’il ne se sent pas coupable et s’il n’attribue pas la faute à l’OAS, l’auteur laisse sous-entendre que l’injustice est celle des dirigeants de la Révolution. Pour Stora l’histoire commune est dans la continuité de la guerre pour transformer la défaite de sa nouvelle mère patrie en victoire, et rabaisser le caquet aux courageux et fiers anticolonialistes qui ont contribué à sauver l’honneur du peuple français.
Il fuit cette vérité en rusant, et pour rendre son récit vraisemblable, il affirme que «La guerre d’indépendance algérienne semblait ne pas finir, tant elle était devenue un réservoir inépuisable d’arguments pour les jeux politiques du présent» M. Benjamin Stora propose à son Président des actes dans le futur pour embrouiller davantage la cuisante défaite du colonialisme français et déculpabiliser le système politique des génocidaires et leurs acolytes. L’acte principale du travail de mémoire doit avoir comme préalable de mettre en exergue la victoire des anticolonialistes et afficher les vaincus, qui en dernier était de Gaulle dont le seul génie est d’avoir recyclé des résistants antinazis en tortionnaires tout en transformant des pronazis en hauts fonctionnaires de l’Etat français, pour arriver à ses fins. Autrement, ceux qui en parlant d’histoire veulent des actes et non des mots nous cherchent des histoires. Le défi de Stora est de faire de la guerre anti coloniale une guerre fratricide. Il n’est pas le seul à le tenter, malheureusement.
Toute la droite s’y attelle et dans ces cas nous répondrons comme l’a souhaité le jeune dirigeant de la Révolution, Didouche Mourad, mort le 18.01.55 à l’âge de 27 ans lors d’un accrochage face à l’armée française avec six de ses compagnons. Toutes les productions qui nient les victoires des peuples plongent l’historien dans l’anecdotique. Pour terminer, où a-t-on vu un vainqueur demander des excuses à un vaincu ? Il faut être un adepte du 5e mandat pour oser le penser. Un autre écueil : La France s’appelait la Gaule et les français les gaulois. Vient-il à l’idée, à la droite française et ses valets d’ici et de là bas que l’Algérie s’appelait la Numidie et les algériens les numides à l’instar de saint Augustin que Joe Biden vient de citer dans son discours d’investiture.
Le Quotidien d’Oran, 28 jan 2021
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