La valeur du dinar s’enfonce de plus en plus. Il ne se passe un jour sans constater sur les marchés des changes officiels et informels la dégringolade de la monnaie nationale. Dans les circuits parallèles, l’Euro et le dollar enregistrent des records face au pauvre dinar.
Au square Port Saïd dans la capitale, l’ambiance n’est plus morose comme celle des derniers mois. Certes, il n’y a pas une frénésie dans les achats des devises étrangères, mais pour nos “traders”, c’est une embellie malgré la fermeture des frontières et les nouvelles restrictions dans les voyages et l’importation de marchandises de l’étranger.
Ici, l’Euro flirte avec le seuil des 220 DA à l’achat. Dernièrement, à la vente, un euro s’est échangé au prix de 223,40. Alors que le dollar s’est stabilisé autour des 180 DA, bien loin des cotations officielles des banques. La situation est quasiment semblable pour les autres devises, comme le sterling ou le dirham émirati, ce dernier toujours très demandé ces derniers temps.
Sur le marché officiel, l’euro est coté à 162,12 DA à l’achat et 162,16 à la vente. Le dollar, quant à lui, est coté sur le marché officiel à 132,75 DA à l’achat contre 132,77 à la vente. La flambée de ces devises est réelle et pourrait prendre d’autres proportions en cas de retour à la vie normale, c’est à dire ouverture des frontières, relance des voyages touristiques ou religieux et retour aux flux des importations des produits et matières de l’étranger.
Pour les spécialistes, deux choses expliquent ce phénomène. La première est une dévaluation évidente du dinar décidée par la banque d’Algérie selon une technique bien rodée pour ne pas s’endetter, augmenter les recettes et équilibrer sa balance, alors que l’autre est une réaction des citoyens qui achètent des devises, considérées comme valeurs refuges en ces temps de crise.
Si la crise sanitaire et ses effets dévastateurs sur la croissance économique ont poussé le gouvernement à dévaluer le dinar pour compenser les pertes et atténuer le déficit commercial, le comportement des personnes qui achètent des euros ou des dollars, comme on achète de l’or, est un signe inquiétant sur le pessimisme des algériens, convaincus de leurs sombres perspectives qui les attendent.
Il est vrai que depuis presque trente ans, les devises étrangères sont des valeurs sûres, solides. Elles sont le véritable baromètre de la valeur du dinar, mieux que tous les discours-programme des autorités officielles. Pour les algériens, le marché parallèle des devises ne ment pas.
Déjà, des experts s’attendent à un taux de 240DA pour un euro dans les mois prochains. D’ailleurs, le ministère des Finances a estimé dans un document à plus de 5% la détérioration du dinar au début de cette année, expliquant cela par la dégradation des paramètres macroéconomiques.
Une source au ministère des Finances explique cette dépréciation par la chute des cours du brut et des pertes de recettes de l’État qui dépassent les onze milliards de dollars en 2020. Parallèlement à cela, il faut noter, selon la même source, l’augmentation des dépenses publiques, soit avec les transferts sociaux, ou les nouvelles obligations imposées par la crise sanitaire, comme les budgets spéciaux octroyés pour les primes et les aides financières.
C’est justement cette situation de crise qui va encore déprécier le dinar et impacter lourdement les pouvoirs d’achat des citoyens. Une année 2021 encore plus rude attend les algériens face à l’immobilisme du gouvernement en matière de politique économique, financière et sociale.
Le Jeune Indépendant, 26 jan 2021
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