Le célèbre historien français, Benjamin Stora vient de remettre son rapport sur « la guerre d’Algérie » qui énonce 22 recommandations somme toute « banales », dont notamment l’érection, en France, d’une stèle à la gloire de l’Emir Abdelkader, de la reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel et la possibilité que les autorités algériennes acceptent d’accueillir en visite des harkis et de leurs enfants.
En parcourant le rapport Stora, on comprend vite que l’historien connu pour sa vision progressiste et honnête de ce que fut la colonisation, a dû travailler sur un canevas qui lui a été remis par l’Elysée. Sans doute que le président Macron qui joue gros dans ce chaud dossier, à la veille de l’élection présidentielle, l’a instruit de ne pas évoquer des excuses de la France ou une autre formulation qui mettrait la France face à son très lourd héritage en Algérie. Cette réalité saute aux yeux.
Le document ne ressemble pas, loin s’en faut, aux positions exprimées publiquement dans les médias par Benjamin Stora. Il est complètement dépouillé de toute référence aux excuses et à la reconnaissance des crimes de guerre que l’armée coloniale française a commis en Algérie en 132 ans d’occupation. L’historien a dû élaborer un rapport à la carte de sorte à ce qu’il ne compromette pas le deuxième mandat de Macron. Face aux lobbies des harkis, des anciens de la sinistre OAS et autres « nostalgerie », le président français a grandement reculé sur des déclarations antérieures.
Elle est loin sa fameuse et fumeuse reconnaissance en 2016, en tant que candidat à l’Elysée, que la colonisation française était « un crime contre l’humanité ». Le Macron président a totalement oublié le candidat Macron… Et pour cause ! A l’époque et à partir d’Alger, le jeune candidat qui avait à cœur de draguer l’électorat d’origine algérienne, qui pouvait faire la différence, n’avait pas hésité à faire cette « déclaration d’amour » pour les Algériens. Et ça avait fait mouche puisque les hauts responsables algériens l’avait gratifié d’un « ami de l’Algérie ». Mais c’était sans compter sur la stratégie de ce jeune loup de la politique française qui a pris ses distances aussitôt après son élection. Et à la veille de réclamer un deuxième mandat aux Français, il sait qu’il doit faire un cadeau à une opinion publique globalement hostile à la reconnaissance des crimes coloniaux et encore moins à la présentation d’excuses officielles à l’Algérie.
Ce rapport de Benjamin Stora prouve que la France officielle, de droite comme de gauche reste cohérente dans sa démarche négationniste à l’égard de la guerre d’Algérie. Pour preuve, le communiqué rendu public mercredi passé par l’Elysée précisant que la France ne va pas présenter des excuses à l’Algérie ni faire acte de repentance sur les crimes coloniaux. Clair, net et précis. Qu’en pense le gouvernement algérien ? On attend…
Imane B.
L’Est Républicain, 27 jan 2021
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