Les réactions s’enchaînent en Algérie et en France sur le rapport de Benjamin Stora

Le rapport de l’historien français spécialiste de l’histoire de l’Algérie, Benjamin Stora, sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie, remis mercredi dernier au Président français Emmanuel Macron, continue de susciter des réactions en Algérie et en France.
Karim Aimeur – Alger (Le Soir) – Le président du parti islamiste MSP, Abderrezak Makri, a dénoncé le contenu de ce document, en soutenant qu’il donne l’impression qu’il ne s’agit pas d’une question de colonisation. « Dans ce rapport remis par Benjamin Stora à son Président, on a l’impression qu’il parle de l’histoire de deux groupes de personnes qui se sont battus dans un terrain commun, disant à celui-ci que tu as fauté ici et à l’autre, tu as fauté là. Il dit à l’un voici ton droit et à l’autre voilà le tien. Il demande aux deux parties de se réconcilier et met fin à la question », a écrit le leader islamiste.
Pour Makri, ce rapport donne aussi l’impression qu’il ne s’agit pas «d’une histoire de colonisation, la pire que l’humanité ait connue, d’un pays étranger violant un autre pays, d’une terre qui n’est pas la sienne, et d’une armée barbare qui a commis les plus terribles crimes contre le peuple algérien durant près d’un siècle et demi». La veille, c’est l’ancien ministre de la Communication et ancien diplomate, Abdelaziz Rahabi , qui avait affirmé que le rapport de Benjamin Stora n’a pas pris en compte la principale demande historique des Algériens, à savoir «la reconnaissance par la France des crimes commis par la colonisation». 
Pour Rahabi, il ne s’agit ni de repentance, notion étrangère aux relations entre Etats, ni de fonder une mémoire commune, car, a-t-il appuyé, «les deux pays étant héritiers de deux mémoires antagoniques sur cette question». Il a ajouté que chaque pays doit assumer son passé, et il appartient aux deux Etats de mettre en place les conditions d’une relation apaisée et tournée vers l’avenir. Des historiens ont également réagi à ce rapport. Hier, le chercheur en histoire, Gilles Manceron, a affirmé que la réaction officielle de la France qui refuse de présenter des excuses à l’Algérie est «inquiétante». 
Dans un entretien accordé à l’APS, l’historien spécialiste du colonialisme français a expliqué que l’important, ce n’est pas le rapport, mais les conclusions que le Président (Macron) va en tirer. Il a rappelé que le thème du «refus de la repentance a été utilisé en France, notamment par Nicolas Sarkozy et ceux qui soutenaient sa présidence, comme un moyen de refuser la reconnaissance des crimes de la colonisation et de dire la vérité à leur sujet». «La presque-totalité des historiens, en France comme en Algérie, demandent une reconnaissance et un discours de vérité», a-t-il dit. 
«En ce qui concerne l’idée d’excuses au nom des institutions de la France pour ce qu’elles ont commis dans le passé, cela me semble différent. Il faudra, à mon avis, que la France officielle vienne à un moment à formuler des excuses, mais l’important aujourd’hui est de faire avancer dans l’opinion l’idée qu’il faut une reconnaissance et un travail de vérité», a-t-il poursuivi. 
L’historien Mohamed El Korso estime, pour sa part, que le rapport doit interpeller la classe politique française. «Avant d’être une feuille de route pour des négociations sur des sujets sensibles entre l’Algérie et la France dans la perspective d’une future réconciliation pas seulement mémorielle, mais aussi politique, stratégique, scientifique, économique, culturelle…, il interpelle d’abord l’ensemble de la classe politique française pour se réconcilier avec sa propre mémoire», a-t-il soutenu. 
Rendu public mercredi dernier, le rapport de Benjamin Stora a fait plusieurs recommandations, dont la mise en place d’une commission «Mémoire et vérité» chargée d’impulser des initiatives mémorielles communes entre les deux pays.
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