Le président américain, Joe Biden, a, dès son investiture le 20 janvier dernier, paraphé 17 décrets relatifs à la crise sanitaire, la relance économique et les relations de son pays avec le reste du monde. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche vise, à travers cette démarche, à effacer l’héritage empoisonné de son prédécesseur. Cependant, l’annulation de la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ne paraît nulle part.
Pour le politologue Rachid Grim, «la nouvelle Administration n’est pas très différente de celle de Trump en matière de politique étrangère s’agissant surtout de ses relations avec l’Etat hébreu». «Joe Biden, dans une déclaration, s’est dit un sioniste convaincu. Cela donne un avant-goût de la politique américaine concernant la crise palestinienne et la question sahraouie», rappelle notre interlocuteur. Le tweet de Trump annonçant la proclamation de la souveraineté marocaine sur le territoire sahraoui peut être lu sous plusieurs aspects.
«D’un point de vue juridique ou institutionnel, proclamation et décret présidentiel, selon leur objet, n’ont pas nécessairement force de loi. Ils peuvent être, en principe, retoqués par la Cour suprême ou le Congrès», explique l’enseignant universitaire, Idris Atia. «Toutefois, la Constitution américaine accorde quasiment les pleins pouvoirs au Président en matière de politique étrangère et de reconnaissance des Etats», rappelle-t-il. «En résumé, le président des USA a le droit exclusif de reconnaîatre la souveraineté d’un Etat sur des territoires donnés. Le Congrès ne peut l’obliger à se contredire, mais peut altérer sa décision», poursuit-il. Joe Biden peut-il alors, en vertu des mêmes pouvoirs, retirer cette proclamation de reconnaissance ?
«Pas si sûr. Le locataire de la Maison-Blanche a des dossiers brûlants à traiter, notamment la sauvegarde de l’unité nationale, mise à mal par Trump et ses adeptes. Il y a aussi les ravages de la pandémie de la Covid-19 et son impact sur la vie économique et sociale. La question sahraouie peut être abordée, mais pas dans l’immédiat. La situation dans les territoires sahraouis est appelée à perdurer», estime Grim.
La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental est intervenue dans le sillage de la normalisation des relations des pays arabes avec l’Etat hébreu. En dépit du déni du Royaume chérifien de tout lien direct, les faits disent le contraire. «Du moment que l’Etat hébreu est au cœur de cette transaction, il n’est pas aisé de rallier l’Administration américaine, quelle que soit son obédience, démocrate ou républicaine, à la cause sahraouie. La politique protectionniste des Américains s’agissant de l’entité sioniste est bien ancrée dans les institutions américaines. Cela dépasse le bon vouloir des uns et des autres», soutient Grim. Par ailleurs, Atia met en exergue la possibilité pour le Front Polisario d’exploiter les soutiens exprimés par plusieurs gouvernements dans le monde, notamment en Europe.
«Les Sahraouis doivent mener une offensive diplomatique au Conseil de sécurité et à l’ONU. Ils sont forts de la reconnaissance du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination soutenu et exprimé par la Grande-Bretagne, la Russie… C’est un travail à faire dans les coulisses et en pleine lumière pour faire pression et exiger d’autres termes en cas de négociations», indique-t-il.
Karima Dehiles
Horizons, 22 jan 2021
Tags : Sahara Occidental, Maroc, USA, Etats-Unis, Joe Biden, Donald Trump, normalisation,
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