Le Maroc veut faire fructifier la décision de Donald Trump de reconnaitre sa souveraineté sur le Sahara Occidental en contrepartie d’une normalisation avec Israël en mettant la pression sur l’Espagne pour qu’elle s’aligne sur l’attitude du président américain.
Dans un article publié aujourd’hui dans El Confidential, Ignacio Cembrero, spécialiste du Maghreb, indique que Rabat exerce de fortes pressions pour que le gouvernement espagnol s’aligne sur la position de Trump ou, « du moins, qu’il soutienne publiquement, comme le fait la France » la solution préconisée par le Maroc d’une « autonomie » sous souveraineté marocaine.
Le journaliste note que lors d’une conférence de presse virtuelle organisée conjointement avec la diplomatie américaine, le ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita, a exigé que L’Europe « sorte de sa zone de confort » pour « suivre la dynamique des Etats-Unis ».
La France a été, ce n’est pas une surprise, le seul pays européen à participer à cette conférence virtuelle de « soutien » à la position marocaine. Le ministre marocain qui demande, sans la nommer, à l’Espagne de faire « preuve d’audace », a été plus direct avec le correspondant de l’agence espagnole EFE : « Il faut demander à [l’Espagne] pourquoi elle n’était pas là ».
Sommet reporté et ouverture du « robinet » de la migration
Ignacio Cembrero souligne que la pression marocaine sur Madrid, historiquement responsable de la situation qui prévaut au Sahara Occidental, ne fait que s’accentuer. Le sommet bilatéral prévu pour le 17 décembre dernier a été reporté à février par le Maroc qui a invoqué des « problèmes de santé » du roi. La rencontre n’aura pas lieu non plus en février en raison de «la santé délicate du roi Mohamed VI , qui souffre de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) » bien que, précise Ignacio Cembrero, il a reçu le 22 décembre dernier, Jared Kuschner , gendre-conseiller du président Donald Trump .
Rabat veut surtout un changement radical de la position de Madrid qui, rappelle l’auteur de l’article, est toujours considérée par l’ONU comme « puissance administrante » du Sahara Occidental même si elle ne peut l’exercer de fait. Un basculement de Madrid dans la ligne de Trump aurait un effet d’entrainement sur les autres pays européens, estime Cembrero. Le journaliste relève l’afflux massif de migrants irréguliers (23000 en 2020) vers les Canaries, pour la plupart venant des côtes du Sahara Occidental. « Certains diplomates espagnols se demandent si Rabat a ouvert le robinet de l’émigration clandestine massive depuis le Sahara – sans précédent jusque-là – pour commencer à faire pression sur l’Espagne » .
Beaucoup à perdre avec Alger
Cembrero souligne que Madrid a au cours des dernières années apporté un « soutien voilé » à Rabat, mais que le Maroc exige désormais un soutien public mettant ainsi en « difficulté le gouvernement Pedro Sánchez, réticent à modifier la position de l’Espagne, mais désireux d’éviter les tensions avec son voisin du sud. La présence de Podemos dans l’exécutif, très attaché à l’autodétermination des Sahraouis, rend également tout changement difficile. »
L’article d’Ignacio Cembrero n’évoque pas l’impact qu’aura un éventuel alignement total et public de Madrid sur le Maroc sur les relations avec l’Algérie. Même si les liens économiques de l’Espagne avec l’Algérie ne sont pas de la même ampleur qu’avec le Maroc, ils sont suffisamment importants pour que Madrid ait beaucoup à perdre d’une dégradation des relations avec l’Algérie. L’Espagne qui n’assume pas pleinement ses responsabilités historiques dans ce conflit ne peut s’attendre à une attitude passive d’Alger dans le cas où le gouvernement espagnol s’aligne sur la volonté marocaine de dénier aux Sahraouis l’exercice de leur droit à l’autodétermination.
Source : 24hDZ, 19 jan 2021
Tags : Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Espagne,