“Fiha ou aliha”, littéralement en langage populaire veut dire du bon et du mauvais. C’est justement la phrase énigmatique, mais pleine de sens, qu’a prononcé avant son départ en Allemagne le président de la république, Abdelmadjid Tebboune, à l’adresse de son Premier ministre, Abdelaziz Djerad. Une phrase aussi lapidaire que sentencieuse sur un gouvernement qui peine depuis un an à trouver la bonne cadence et qui fait l’objet de sévères critiques.
En fait, pour beaucoup d’analystes, il est bien clair que Tebboune a signé l’arrêt de mort de cet exécutif hétéroclite, magma de technocrates et d’illustres inconnus, formé à la va vite dans l’agitation et la confusion qui avaient régné juste après la prestation de serment du président en cet fin de décembre 2019.
Comme il est évident aussi que le chef de l’État a laissé aux membres du gouvernement un temps assez court, pour préparer leurs valises, le temps d’achever son actuel séjour pour des soins au pays de Merkel. Un sursis de plus.
Pour certains cercles politiques et médiatiques, le remaniement est déjà ficelé, la liste des nouveaux ministres connue et il ne reste plus que l’annonce officielle du changement. Ces sources affirment que des tractations ou consultations sont en cours pour les derniers réglages, avant le retour du chef de l’État d’Allemagne, soit dans au moins dix à quinze jours.
Les mêmes sources évoquent, dans la foulée, que le futur cabinet comprend moins de portefeuilles ministériels et qu’une majorité des ministères délégués seront supprimés. Par contre, selon leurs informations, Djerad sera encore maintenu dans son poste, pour plusieurs considérations.
Quoiqu’il en soit, ce gouvernement est arrivé à bout de souffle, accablé par de mauvaises appréciations sur sa gestion de nombreux secteurs, paralysé tout de même par la crise sanitaire, et incapable de répondre rapidement aux doléances des citoyens. Certains ministres sont en décalage, apprivoisant maladroitement les discours populistes et démagogiques. D’autres pêchent par des dérapages verbaux impardonnables et préjudiciables.
Un petit tour dans les réseaux sociaux est édifiant sur le lynchage en règle de ces ministres, qui n’osent plus faire des visites sur le terrain, et évitent toute sortie surprise.
Le nombre de leurs incartades, de leurs zèles est impressionnant. De Khaldi, ministre des Sports à Bendouda, ministre de la Culture, en passant par Krikou ministre de la Solidarité nationale. Sans parler de discours contradictoires sur un même projet ou secteur, comme celui des énergies renouvelables ou Desertec, entre Attar ministre de l’énergie et Chitour, entre des ministres et des DG d’organismes publics dépendants du même département ou secteur. La cacophonie est encore plus cocasse entre Rezig ministre du Commerce et celui de l’industrie.
Les cafouillages entre ministres sont indescriptibles. Alors que le pays s’enfonce dans la crise, ces ministres étaient incapables de trouver des solutions durables, se limitant aux petites parades de circonstance.
Avec ce gouvernement, la crise de liquidités dans les bureaux de poste et le versement des pensions de retraite sont devenus un feuilleton dramatique. Épisodes qui s’agglutinent aux pannes de l’Internet et des réseaux, aux chantiers fermés et projets annulés, à l’inflation et au chômage, au pouvoir d’achat des ménages rogné par la dévaluation du dinar, aux tergiversations dans la gestion des examens scolaires, aux dérives bureaucratiques dans la gestion des rapatriements de nos compatriotes bloqués à l’étranger. La litanie des ratages de ce cabinet est fastidieuse.
Plus que ” l’incompétence” de ce gouvernement qui est ciblée, c’est encore le Premier ministre lui même, qui subira une attaque en règle par un parlementaire, l’accusant directement de rouler pour sa propre personne, en préparant sa candidature à la prochaine élection présidentielle, profitant de l’hospitalisation du chef de l’État.
Au dernier conseil des ministres, Tebboune a choisi de faire un premier bilan de ce cabinet, qui n’a pas été épargné à chaque séance plénière des deux chambres parlementaires, notamment lors des débats sur la loi de finances 2021. Un premier examen de l’action de ce gouvernement qui pourrait être fatal.
Reste à savoir quels seront les profils des futurs ministres sélectionnés et qui seront appelés à réajuster l’action gouvernementale, à créer une harmonie et une complémentarité dans la démarche, à mieux parler et discourir et à mieux communiquer. Souvent dans ce genre de profil, les politiques et les activistes dans les mouvements associatifs sont les plus indiqués que les cadres technocrates, froids et recroquevillés dans leurs bulles. Mais les voies et les logiques des pouvoirs sont impénétrables.
Le Jeune Indépendant, 12 jan 2021
Tags : Algérie, Gouvernement, Djerad, Tebboune,
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