Abdelmadjid Tebboune n’est pas satisfait du travail accompli par le gouvernement, du moins en ce qui concerne certains départements ministériels qu’il a tenu à pointer lors de la réunion du Conseil des ministres qu’il a présidée, quatre jours seulement après son retour d’un premier séjour médical en Allemagne.
En effet, le 3 janvier, il avait déjà adressé des critiques assez sévères touchant la gestion de certains dossiers relatifs au développement local, notamment dans les « zones d’ombres » et la gestion du secteur bancaire, notant que le bilan gouvernemental oscillait entre le bon et le moins bon.
En revanche, il s’était félicité des progrès enregistrés dans des secteurs vitaux tels que l’industrie pharmaceutique et les start-up. Avant-hier, dimanche, et alors qu’il était en partance pour l’Allemagne, afin de suivre un traitement médical, qui, selon la Présidence, était programmé mais avait dû être reporté en raison des engagements liés à des procédures officielles, le chef de l’Etat est revenu une seconde fois sur le même sujet, en exprimant à quelques minutes de son départ, son mécontentement à l’égard de la prestation de l’Exécutif dirigé par Abdelaziz Djerad.
Après avoir rendu un hommage appuyé à l’armée, « digne héritière de l’armée de libération nationale, pour ses efforts dans l’assistance aux citoyens et la préservation de la sérénité au niveau national », selon ses propres propos, et salué la mobilisation de l’ensemble des responsables, citant notamment les institutions élues, en présence des présidents du Conseil de la nation, l’APN, le Conseil constitutionnel, ainsi que celles du chef d’état-major de l’ANP, le directeur du cabinet de la Présidence, il s’est tourné ensuite avec une expression dubitative en direction du Premier ministre. « El Houkouma fiha wa aliha » a-t-il lâché dans une attitude qui en disait long sur son opinion intime sur les performances mitigées d’un gouvernement, qui vient de boucler une année, en attendant la présentation de son bilan d’action devant l’APN.
La scène était loin d’être banale, dans la mesure où la situation ne se prêtait pas à ce genre de commentaires. La scène était plutôt inédite, et c’est ce que de nombreux observateurs ont relevé, en pronostiquant la fin d’un Exécutif gouvernemental, qui a surtout brillé par une sorte d’ambivalence allant jusqu’à mettre en péril la concrétisation d’un des thèmes majeurs endossé par Abdelmadjid Tebboune : une « Algérie nouvelle » en rupture avec les pratiques érigées en ligne de conduite durant deux décennies. En un mot, il s’agit d’un constat d’échec que le chef de l’Etat a mis en relief, en prenant le soin de le formuler diplomatiquement. Le limogeage du ministre des Transports et dans son sillage celui du PDG d’Air Algérie serait-il donc le prélude à un réaménagement gouvernemental ou à un départ annoncé de l’ensemble de l’équipe et à sa tête Abdelaziz Djerad ?
La question ne souffre d’aucun anachronisme. Puisqu’elle a été entrainée par l’avis du président de la République en personne. La réflexion d’Abdelmadjid Tebboune sur l’action du gouvernement a sonné comme un désaveu public et une sentence qui n’attend que le passage de la parole à l’acte. Il est à rappeler qu’en une année, plusieurs ministres n’ont pas cessé de multiplier les déclarations intempestives et les dérapages, suscitant la consternation des Algériens. A vrai dire, aucun membre du gouvernement, y compris le Premier ministre, n’a échappé aux critiques souvent justifiées. Maintenant, il reste à savoir quand sera porté le coup de grâce et qui en fera les frais ?
Mohamed Mebarki
L’Est Républicain, 12 jan 2021
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