La région du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord (Mena) est en proie à des conflits qui s’enchaînent et se répandent comme une traînée de poudre, les conséquences sont dramatiques et gravissimes aux plans social et économique.
Par. Le général à la retraite Rabah Aggad
NOUS assistons, ces derniers temps, à une sorte de déliquescence de certains Etats-nation, due, selon les experts, au vide géopolitique laissé par l’effondrement de l’Union soviétique au cours des années 1990.
Les révolutions afghane et iranienne, survenues à une année d’intervalle, ont été les deux événements déclencheurs, dont les conséquences étaient inattendues sur les situations politique, économique et sécuritaire des pays de la région, voire au-delà. Elles ont réveillé de vieilles rivalités séculaires, territoriales, ethniques et confessionnelles, et donné naissance à de nouvelles formes de conflits qui structurent le monde depuis la fin de la Guerre froide.
Par la suite, les «guerres du Golfe» et ce qu’on appelle le «printemps arabe» ont généré des mutations dont les impacts dévastateurs sur la région et les pays de l’Afrique subsaharienne sont loin d’être pleinement identifiés et encore moins maîtrisés. Ces conflits impliquent tout à la fois des armées régulières, des milices de différentes obédiences, des clans et des régimes politiques locaux ou régionaux et surtout les grandes puissances qui attisent et alimentent politiquement, matériellement et militairement le feu du brasier.
La région est un enjeu majeur pour ces puissances, particulièrement les Etats-Unis, la Russie et, aujourd’hui, la Chine. Des Etats de la région ayant aussi des ambitions d’hégémonie vont s’impliquer également ouvertement dans des conquêtes de territoires, soutenus par certaines parties qui ont pris part au conflit. Enfin, l’entité sioniste, située au cœur du monde musulman, bénéficiant de la protection et de l’aide militaire et économique inconditionnelle des Etats-Unis et de ses alliances, ne cesse de tirer profit, depuis sa création, des évolutions géopolitiques régionales, au détriment du monde arabo-musulman.
La première guerre d’Afghanistan (1979-1989) : la boite de pandore
Le 27 avril 1978, la République démocratique d’Afghanistan est proclamée. Le nouveau régime pro-soviétique décide d’entamer des réformes et rencontrer l’opposition représentée par le courant conservateur islamiste mais il sera confronté à des tentatives de renversement, soutenues par les Etats-Unis, et leurs alliés notamment le Pakistan, dont le régime du général Zia Ul Haq est totalement opposé à celui de son voisin, l’Afghanistan, qui fera alors appel à l’Union soviétique, qui justifierait son intervention au nom du principe de non-ingérence.
En effet, le 3 juillet 1979, le président Carter signe une première directive portant sur une assistance aux opposants au régime de Kaboul, autorisant ainsi les services secrets américains à apporter un soutien aux islamistes afghans. A la demande des nouveaux maîtres de Kaboul, le 27 décembre 1979, les forces armées soviétiques pénètrent en Afghanistan. Les premiers objectifs opérationnels étaient de neutraliser l’opposition armée, encouragées par les échecs politiques du nouveau régime afghan, incapable de faire face aux mouvements de la rébellion islamiste. En février 1989, soit plus de neuf années après, les forces soviétiques se retirent et la première guerre d’Afghanistan prend fin.
La grande désillusion des volontaires islamistes étrangers
La réalité est plus complexe. La guerre d’Afghanistan est une sorte d’entreprise tripartite entre les Etats-Unis, l’Arabie saoudite et le Pakistan. Si les Etats-Unis veulent avoir leur revanche sur l’URSS, en raison du bourbier vietnamien, l’Arabie saoudite est plus soucieuse du poids que prenait l’Iran chiite dans le Golfe persique ou arabe et pour y faire face, elle encouragerait un fondamentalisme sunnite concurrent, dira-t-on. Enfin, le Pakistan nourrissait des craintes envers l’Inde et appréhendait l’avènement à Kaboul d’un gouvernement nationaliste laïc qui s’alliera avec New Delhi. Ignorant toutes ces stratégies et calculs, les volontaires voyant dans l’Afghanistan un symbole de l’unité musulmane affluaient de partout. Cette résistance contre un ennemi commun allait occulter, pour un temps, les rivalités séculaires héritées d’une longue histoire de clivages ethniques, notamment entre Tadjiks et Pachtounes. Mais, au moment où les Soviétiques quittent, en 1989, Kaboul, le conflit interethnique se transformait en véritable guerre civile. Les volontaires étrangers se trouvent ainsi dans une situation des plus déroutantes, au fur et à mesure que l’Afghanistan sombrait dans un conflit interethnique. Certains décident de rentrer dans leurs pays et tentent de donner un sens à leur djihad en se soulevant, cette fois-ci, contre leur propre gouvernement et société.
La révolution islamique d’Iran : le réveil du chiisme politique
Les 5, 6 et 7 janvier 1979, les présidents, américain et français, le Premier ministre britannique et le chancelier allemand se rencontrent en Guadeloupe. En apparence, il s’agirait d’une simple réunion. Mais en coulisse, c’est l’avenir de l’Iran et le chah Mohammed Reza Pahlavi, au pouvoir depuis 1953, qui se jouent. La révolution gronde et les jours du chah sont comptés. Il est temps de le remplacer mais par qui ? Bien avant le sommet de Guadeloupe, les Etats-Unis, qui officiellement soutiennent le chah, ont porté leur choix sur l’ayatollah Khomeiny pour deux raisons : la première est qu’ils veulent éviter que le parti communiste iranien prenne le pouvoir, ce qui offrirait à l’URSS un accès maritime sur l’océan Indien et une position privilégiée pour accéder au pétrole. La seconde est qu’ils souhaiteraient «encourager les mouvements islamistes de manière à générer un chaos régional, susceptible de se propager dans les provinces musulmanes de l’Union soviétique et provoquer ainsi sa destruction».
Le 16 janvier 1979, le chah quitte l’Iran, officiellement pour les EtatsUnis, pour se soigner d’un cancer. Le président américain dépêche le général Robert Huyser à Téhéran, le but étant de convaincre l’état-major de l’armée d’accepter de ne pas s’opposer à l’arrivée des islamistes au pouvoir. L’ayatollah Khomeiny rentre triomphalement à Téhéran pour fonder la République islamique d’Iran. En novembre 1979, la colère gronde contre les Etats-Unis, surnommés «grand satan» (Israël, petit satan), à la suite de leur décision d’héberger le chah. L’ambassade américaine est prise d’assaut et ses occupants pris en otages, les activités clandestines de la CIA y sont révélées. Les négociations diplomatiques pour libérer les 53 otages retenus prisonniers dans l’ambassade américaine à Téhéran échouent. La rupture est consommée entre les deux pays. Sur décision du président Jimmy Carter, une opération militaire est envisagée. Elle aura lieu les 24 et 25 avril 1980 mais se soldera par un échec. Les otages furent finalement relâchés après 444 jours de captivité, le 20 janvier 1981, lors du mandat de Ronald Reagan.
La guerre Irak-Iran : d’une pierre deux coups
Au cours de l’année 1980, malgré l’accord et les bons auspices d’Alger, l’Irak et l’Iran s’engagent dans un conflit armé. Le 22 septembre 1980, après une série d’incidents frontaliers de grande envergure, le pouvoir irakien décide de «porter des coups dissuasifs aux objectifs militaires iraniens», espérant ainsi tirer profit de l’instabilité politique post-révolutionnaire qui régnait en Iran. Les forces irakiennes bombardent les bases aériennes iraniennes et pénètrent en territoire iranien, deux jours plus tard. Le 28 septembre 1980, l’ONU adopte la résolution 479, exigeant un cessez-le-feu immédiat mais pas le retrait de l’Irak des territoires iraniens qu’elle occupe. Par cette opération, le but est de renverser la République islamique d’Iran et faire de l’Irak un Etat puissant, dans un contexte régional qui s’annonce assez difficile. Cependant, au début de l’année 1981, l’armée iranienne prend l’avantage et en juin 1982, l’Irak décrète unilatéralement un cessez-le-feu. Deux ans de guerre, l’Iran aurait «décidé» de réduire la puissance de l’Irak, de provoquer la destitution de Saddam Hussein et l’instauration d’un régime islamique. Ainsi, la guerre, qui s’inscrivait principalement dans la lignée des multiples dissensions liées aux litiges frontaliers opposant les deux pays et dans d’autres rivalités et enjeux, s’enlisait dans une guerre d’usure qui risquait d’embraser l’ensemble de la région. A partir de l’été 1982, l’Irak paralyse les infrastructures pétrolières iraniennes et s’attaque à ses pétroliers. De son côté, l’Iran poursuit ses attaques terrestres et oblige plusieurs tankers koweïtiens à accoster. Le Koweït sollicite l’aide des grandes puissances, à leur tête les Etats-Unis et l’Union soviétique. Le Conseil de sécurité de l’ONU vote la résolution 598, le 20 juillet 1987, mais l’Iran rejette le cessezle- feu. En 1988, l’Irak reprend l’offensive terrestre et réussit à restituer plusieurs positions occupées par les troupes iraniennes. En raison de la recrudescence des tensions et de la présence étrangère, notamment américaine, dans le Golfe arabo-persique, qui est loin d’arranger quiconque, l’Iran a fini par se rendre à l’évidence et accepter la résolution 598 de l’ONU : le cessez-le-feu prend effet le 8 août 1988.
Le Koweït et la première guerre du Golfe
Au lendemain de la guerre contre l’Iran, l’Irak se retrouve dans une situation économique difficile, avec une dette colossale, notamment envers les pétromonarchies du Golfe. En 1990, la tension monte avec l’émirat du Koweït qu’il accuse de dépasser les quotas de production de pétrole fixés par l’Opep et, par conséquent, de provoquer la chute des prix. Le Koweït, encouragé par les puissances mondiales, qui avaient alors permis l’effort de guerre irakien contre l’Iran, ne donnera guère de suite. Il en résulte une chute drastique des prix du baril, correspondant à une perte pour l’Irak de sept milliards de dollars par an, soit l’équivalent du déficit de sa balance de paiements, en 1989. Les revenus qui en résultent ne suffisent plus à subvenir aux besoins du gouvernement, et encore moins à réparer les infrastructures endommagées.
C’est dans cette atmosphère délétère que le 25 juillet 1990, l’ambassadrice américaine en Irak, April Glaspie, demande au cours d’une entrevue avec le président irakien, le défunt Saddam Hussein, les raisons pour lesquelles l’armée irakienne se déploie massivement du côté de la frontière koweïtienne. Elle précise néanmoins à son interlocuteur que «Washington, inspiré par l’amitié et non par la confrontation, n’a pas d’opinion sur le désaccord entre le Koweït et l’Irak et pas d’opinion sur les conflits arabo-arabes». L’ambassadrice ajoute que «les Etats-Unis n’ont pas l’intention de commencer une guerre économique avec l’Irak». Ces déclarations ont fait entendre au président irakien Saddam Hussein, à tort ou à raison, que l’ambassadrice des Etats-Unis venait de lui communiquer l’aval de son pays pour l’occupation du Koweït. Le 30 juillet 1990, une ultime réunion de médiation de responsables arabes pour désamorcer le conflit est organisée à Djeddah mais elle fut un échec. Dans la nuit du 1er au 2 août 1990, l’armée irakienne envahit le Koweït.
Réactions de la communauté internationale
Certains pays souhaitaient que le différend soit réglé au niveau de la Ligue arabe. Une option peu probable, tenant compte de certaines intentions et convoitises nourries à l’époque par certaines puissances étrangères, y compris les EtatsUnis. L’invasion du Koweït sera condamnée par les Nations unies qui votent d’abord la résolution 660, le 2 août 1990, conduisant à des sanctions économiques immédiates contre l’Irak puis, le 29 novembre 1990, la résolution 678 autorisant le recours à la force contre les forces irakiennes, si celles-ci n’évacuaient pas le Koweït au 15 janvier 1991. La première guerre du Golfe finira par opposer, du 2 août 1990 au 28 février 1991, l’Irak à une coalition de 35 Etats, à leur tête les Etats-Unis. La guerre est planifiée en deux phases, l’opération Bouclier du désert, du 2 août 1990 au 17 janvier 1991, au cours de laquelle les troupes se renforcent et défendent l’Arabie saoudite, et l’opération Tempête du désert, du 17 janvier au 28 février 1991, phase de combat qui commence avec un bombardement aérien et naval, suivi d’un assaut terrestre qui se termine par la victoire des forces de la coalition qui parviennent à repousser l’armée irakienne hors du Koweït et à avancer vers l’Irak.
La guerre en Afghanistan : acte II.
Pas question de revenir en arrière, les volontaires arabes partis combattre en Afghanistan ont fini par se convertir en terroristes du groupuscule d’Al-Qaïda ou par revenir pour rejoindre des groupes extrémistes dans les pays arabes et ailleurs. Ironie du sort, le terrorisme qui a vu le jour dans les montagnes de l’Hindou Kouch, dans le lointain Afghanistan, sous l’impulsion des services secrets américains, allait frapper au cœur même des Etats-Unis.
Au matin du 11 septembre 2001, dix-neuf terroristes détournent quatre avions de ligne et commettent les plus meurtriers attentats jamais perpétrés, avec un lourd bilan de près de 3000 morts et plus de 6000 blessés. Les Etats-Unis et de nombreux pays réagissent en renforçant leur législation antiterroriste et l’administration américaine déclare la «guerre contre le terrorisme», notamment en Afghanistan, dès octobre 2001, et en Irak, en mars 2003. Le but de l’invasion de l’Afghanistan serait, selon les Etats-Unis et leurs alliés, la capture d’Oussama Ben Laden et la destruction de l’organisation terroriste Al-Qaïda.
En effet, dès le 14 septembre 2001, les Etats-Unis et le Royaume-Uni désignent ouvertement Oussama Ben Laden comme responsable de ces attentats. Le 18 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies adopte la résolution no 1333 et demande aux talibans l’extradition d’Oussama Ben Laden pour comparaître devant les autorités compétentes mais ces derniers refusent, à moins que des preuves ne leur soient présentées. Début octobre, les premières unités militaires américaines gagnent la région et les opérations militaires commencent effectivement le 7 octobre 2001 par des bombardements aériens intensifs sur un pays déjà ruiné par une première guerre. Le lendemain, le secrétaire à la Défense américain, Donald Rumsfeld, annonce que la guerre se poursuivra jusqu’à la «destruction des réseaux terroristes» mais la lutte antiterroriste est loin d’être terminée.
l L’invasion de l’Irak.
L’invasion de l’Irak, paradoxalement baptisée «Liberté irakienne» ou «Liberté en Irak», est l’une des rares mises en œuvre du concept de guerre préventive, menée sous prétexte de parer à la menace des armes de destruction massive dont l’administration Bush prétendait détenir la preuve de leur existence en Irak dans un rapport présenté au Conseil de sécurité de l’ONU, le 12 septembre 2002.
Les négociations devant les Nations unies pour tenter de trouver une solution pacifique au «problème irakien» n’aboutissent pas. La France, la Russie et la Chine, trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, menacent de recourir à leur droit de veto pour empêcher que l’ONU n’approuve l’intervention armée contre l’Irak. La probabilité qu’une majorité du Conseil de sécurité refuse de suivre les Etats-Unis et le Royaume-Uni est forte, quoi que ces derniers aient fini par envahir l’Irak sans l’aval du Conseil de sécurité, ce qui constituait une véritable violation de la Charte des Nations unies. Les forces de la coalition menée par les Etats-Unis, dont les troupes sont déjà pré-positionnées dans le Golfe arabo-persique et prêtes à intervenir, mènent, le 20 mars 2003, l’assaut sur Baghdad, leur objectif étant de faire tomber le régime baâthiste de Saddam Hussein. Le 1er mai 2003, le président George W. Bush annonce la fin des combats. Toutefois, la guerre se poursuivra pour impliquer plusieurs groupes d’insurgés, de milices, de membres d’Al-Qaïda, l’armée américaine et les forces du nouveau gouvernement irakien et l’Etat islamique d’Irak, formé en 2006.
A partir de 2009, sous la présidence d’Obama, les Etats-Unis se désengagent progressivement en finançant notamment les milices sunnites. Le 18 décembre 2011, les forces américaines achèvent leur retrait du pays. La coalition militaire en Irak aura duré près de neuf ans. Elle laisse derrière elle un pays en ruine et, jusqu’à ce jour, profondément divisé sur les plans ethnique et religieux.
Le «printemps arabe» : des changements en cascade
Les Etats-Unis se sont fixés pour mission d’exporter leur modèle de démocratie auprès des peuples de la région. L’administration Bush, sous une influence néoconservatrice, lance dans le courant de l’année 2002 son Initiative de partenariat, en réponse «aux appels pour le changement démocratique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord» (Mena). L’Initiative, dirigée par le département d’Etat, va installer deux bureaux régionaux, un à Tunis et un deuxième à Abu Dhabi. En 2003, un projet à caractère politique : le «Grand Moyen-Orient» (GMO) est lancé. En effet, lors du discours sur l’Etat de l’Union, prononcé le 24 janvier 2004, George Bush expose sa «vision» par ces termes : «Tant que le Moyen-Orient restera un lieu de tyrannie, de désespoir et de colère, il continuera de produire des hommes et des mouvements qui menacent la sécurité des Etats-Unis et de nos amis. Aussi, l’Amérique poursuit-elle une stratégie avancée de liberté dans le Grand Moyen-Orient.»
Farouche opposant à la guerre d’Irak, Barack Obama sera élu, en 2009, président des Etats-Unis. Il partage, en effet, avec la majorité du peuple américain, cette volonté de mettre fin à une décennie d’intervention militaire, marquée par des revers. Ces éléments vont jouer un rôle déterminant dans le changement de la stratégie et la définition des modalités de participation des Etats-Unis dans les conflits à venir. Le 12 août 2010, le président Obama demande aux membres du Conseil de sécurité nationale (NSC) de lui établir une étude approfondie concernant la région du Mena. Il s’agissait en somme de savoir «si le soutien américain aux régimes autoritaires de plus en plus impopulaires et répressifs n’est pas plus risqué pour les Etats-Unis, à long terme, qu’une campagne vigoureuse d’incitation aux réformes». Cette étude est menée cas par cas mais, à peine achevée, l’affaire de Sidi Bouzid éclate. A travers la Tunisie, des dizaines de milliers de personnes expriment leur rage contre un régime répressif et autoritaire à la tête du pays depuis plus de 23 ans, c’est le début de ce qu’on appelle le «Printemps arabe» qui «déferle» sur plusieurs pays.
Pour Washington, le cas de la Tunisie est relativement facile et accorde son soutien quasi-immédiatement aux manifestants. Quant à l’Egypte, pièce maîtresse de l’architecture de sécurité régionale, scellée avec les accords de Camp David de 1979, la situation est plus complexe et provoquera d’importantes dissensions au sein même de l’équipe Obama.
Concernant la Libye, le président Obama refuse d’impliquer son pays, préférant la mise en œuvre de sa stratégie «Direction de l’arrière», limitant le rôle des EtatsUnis à un «simple» soutien logistique à l’action de l’Otan. Et ce, dans le cadre de la résolution des Nations unies 1973/2011, prévoyant une zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye pour protéger la population civile et permettre aux pays membres de l’ONU, qui le souhaitent, de «prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les populations et les zones civiles menacées d’attaques en Jamahiriya arabe libyenne». Plus tard, certaines puissances de cette alliance vont se livrer sans réserve à des frappes et l’intervention en Libye aura abouti au renversement du régime libyen, un fait qui aura conduit au chaos actuel qui menace la région de l’Afrique du Nord et du Sahel.
Membre du Conseil de coopération du Golfe (CCG), la monarchie du Bahreïn est en prise à un soulèvement qui risque de menacer ses intérêts géopolitiques et géostratégiques. La monarchie abrite le commandement avancé de l’United States Central Command qui couvre militairement le Proche Orient, l’Egypte, l’Asie centrale et le quartier général de la Ve flotte qui patrouille dans le Golfe et l’océan Indien. Dans le cadre du pacte d’autodéfense régionale, la dynastie des Al Khalifa fera appel à ses partenaires. Le 14 mars 2011, les armées saoudienne (12000 soldats) et émiratie s’engagent au Bahrein pour mettre fin à ce mouvement de révolte qui menace non seulement la dynastie sunnite des Al Khalifa mais aussi les intérêts occidentaux.
Le 15 mars 2011, la Syrie s’embrase, le conflit va s’internationaliser avec l’entrée en scène de groupes djihadistes mais surtout plusieurs acteurs et pays étrangers dont l’intervention allait hélas compliquer davantage la situation au lieu de la défaire, et ce, en raison, en partie, de certains calculs politiques étroits. L’intervention militaire directe de la Russie, en 2015, n’allait pas également arranger les choses en Syrie dont le régime est accusé par les puissances occidentales de recourir à l’arme chimique contre les civils. Les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France bombardent les positions de l’armée syrienne. Cet imbroglio politico-militaire est loin d’apporter une quelconque solution mais bien au contraire, plusieurs villes syriennes sont en ruine. Enfin, pour certains, le conflit yéménite est une superposition de problèmes internes, d’ordre tribal et/ou confessionnel, qui a été ravivé par le printemps arabe de 2011. Ali Abdallah Saleh, président depuis 1990, est contraint, sous la pression de la rue, de démissionner au profit d’Abd Rabbo Mansour Hadi. Estimée marginalisée et profitant de la faiblesse du nouveau pouvoir, la communauté zaydite, du nord du Yémen, regroupée sous la bannière d’Abdelmalek Al-Houthi, s’empare de la province de Saada, avant de progresser vers le Sud, en 2014, et de prendre la capitale Sanaa, puis le port d’Hodeïda. Ryad et ses alliés des émirats montent une coalition de pays arabes, en mars 2015. Les Etats-Unis apportent à la coalition menée par l’Arabie saoudite un soutien politique et bloquent toute résolution du Conseil de sécurité ou l’envoi d’un émissaire des Nations-Unies pouvant conduire à la réconciliation des frères ennemis au Yémen.
El-Djeich N° 690, Janvier 2021
Les conflits nomades : De l’Afghanistan au Maghreb
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