par Arezki Metref
Quand Donald Trump se dégonfle, ça fait un sacré appel d’air ! C’est à cette sorte de tirage qui facilite la combustion que nous avons assisté comme à un spectacle plutôt surprenant : le dégonflement d’une baudruche !
Depuis son accession pour le moins tonitruante au pouvoir en 2017, il n’a jamais cessé de brasser de l’air. Ses rodomontades dignes d’un satrape de conte cruel, son incorrection ostentatoire, son absence totale de surmoi, ses outrages répétés à la diplomatie et même, dans certains cas, à la simple politesse, ont installé, dans la première puissance mondiale, un processus de dégénérescence qui a tôt fait de contribuer à polluer le climat international qui, il faut le dire, était déjà pas mal entamé.
Entre autres turpitudes qui resteront comme des stigmates du milliardaire incontrôlable : le déménagement de l’ambassade US de Tel-Aviv à Jérusalem cautionnant de ce fait l’atteinte aux résolutions de l’ONU qui ne reconnaît pas cette ville comme la capitale d’Israël, le troc avec le Maroc de la reconnaissance d’Israël contre la « marocanité » du Sahara Occidental et d’autres joyeusetés du même acabit.
La dernière séquence de la mise en scène, à laquelle a participé Trump, de la forme la plus primitive de la politique, c’est-à-dire l’usage trash de la force, la diabolisation continue de l’adversaire, la division, lui a été fatale. On savait qu’il était capable de tout, mais le dernier round est une surprise pour les plus blasés. C’est « une tentative rapide de coup d’État. En un mot, c’était fasciste », déclare le Parti communiste des États-Unis.
L’assaut donné par les partisans du Président milliardaire populiste contre le Capitole, le cœur nucléaire de la démocratie américaine, considéré comme un lieu sacré, le jour même où les grands électeurs devaient confirmer la victoire de Joe Biden, le candidat démocrate rival honni, est un acte inédit.
Donald Trump, en chef de guerre, lance contre le Capitole ses troupes déterminées à en découdre enfin, c’est l’excès de trop. À partir de là, tout commence à s’effondrer pour l’intrus de la Maison-Blanche. Ses proches le lâchent. A quelques jours de la passation de pouvoir entre lui et son successeur, ses ministres démissionnent en cascade, signe de leur condamnation de son attitude. Son compte Twitter, grâce auquel il sévissait à toute heure du jour et de la nuit, lui est retiré, et définitivement. Mais, et c’est le pire, Nancy Pelosi, responsable des démocrates au Congrès, a entrepris de s’entretenir avec les chefs de l’armée américaine pour s’assurer que Donald Trump – un « Président déséquilibré » et « instable », dit-elle – ne lance, en guise de feu d’artifice avant sa sortie, des hostilités militaires ou n’accède aux codes de lancement et ordonne une frappe nucléaire. C’est le style !
Au-delà de l’anecdote plus ou moins historique, pour spectaculaire que soit le chaos découlant des violences du Capitole, il y a sûrement une ou deux moralités à tirer de ce qui vient de se passer du fait du refus de Trump de reconnaître sa défaite et du complotisme qui lui sert de culture politique. Ces moralités ne sont pas définitives, cela va de soi.
Tout est là, dans le spectre du complot. Trump a instillé cette idée qu’il est victime d’un complot et les États-Unis, auxquels il s’identifie, naturellement, n’échappent pas aux visées des conspirationnistes. Complot de qui ? De tout ce qui n’est pas lui !
Galvanisés par les propos euphorisants de Donald Trump, ses nervis montent à l’assaut du Capitole. Violences. Morts ! Le flagrant résultat chaotique le contraint à dénoncer ses propres ouailles devenues soudain des extrémistes, et cette volte-face ultrarapide, qui n’a pris que quelques heures, a instantanément lézardé la mouvance d’extrême droite, suprématiste blanche, exhalant des miasmes néo-nazis, sur laquelle il s’est toujours appuyé.
On pourrait presque soupçonner, en empruntant un peu de complotisme à Trump et ses fans, que des forces centrifuges ont trouvé le moyen de le pousser à la faute. Si tel est le cas, ça a réussi !
Le casus belli constaté, il est confirmé que l’extrême droite sur laquelle il s’appuie n’a aucun respect de la démocratie. Elle a eu le vent en poupe avec lui. Elle subit un désastre avec cette histoire en apparaissant pour ce qu’elle est, une minorité d’enragés qui met les règles de la démocratie à la sauce de ses intérêts.
Le passage de Trump au pouvoir a coïncidé et donné un coup de fouet à la montée de l’extrême droite dans beaucoup de pays du monde. Outre de nombreux pays d’Europe où il a ses supporters, le Président brésilien Jair Bolsonaro a continué jusqu’au bout à soutenir Trump en déclarant que la crise entraînée par l’attaque du Capitole est causée « par le manque de confiance » des Américains à l’égard des élections en relayant les accusations de fraude de Trump.
L’autre moralité est moins subsidiaire. Les décisions contraires au droit international qu’a osé prendre Trump – (Ambassade des USA à Jérusalem, troc américano-israélo-marocain, etc.) — et qu’aucun président américain n’aurait sans doute pu prendre, ne sont pas antinomiques avec une vision géostratégique. Joe Biden, visiblement plus conscient du devoir de respecter les formes, ne les aurait sans doute pas prises avec cette désinvolture. Mais il a le pouvoir de revenir dessus. On peut gager qu’il n’en fera rien !
A. M.
Le Jour d’Algérie, 10 jan 2021
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