Lors de la visite effectuée jeudi dernier en Algérie par le Sous-secrétaire d’Etat américain en charge des questions du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord au département d’Etat, David Schenke, le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a indiqué à son hôte US que l’Algérie attend des Etats-Unis «l’impartialité qu’exigent les défis actuels» pour faire avancer les causes de la paix sur les plans régional et international.
Selon un communiqué de presse rendu public par le ministère des Affaires étrangères, «M. Boukadoum a souligné la nature du rôle attendu des Etats-Unis pour faire avancer les causes de la paix sur les plans régional et international, dans l’impartialité qu’exigent les défis actuels».
M. Boukadoum et le responsable américain ont évoqué lors de leur échange les questions régionales et internationales d’intérêt commun, y compris le Sahara occidental, le Mali, la Libye et la situation prévalant dans la région du Sahel et au Moyen-Orient.
Concernant la question du Sahara occidental, Schenker a démenti les rapports faisant état de l’intention de Washington d’établir une base militaire au Sahara Occidental, lors d’une conférence de presse tenue, jeudi au siège de l’Ambassade américaine à Alger.
Il a indiqué que les Etats Unis n’envisageaient pas d’établir une base militaire au Sahara Occidental, tel que relayé récemment dans plusieurs rapports médiatiques marocains.
M. Schenker a déclaré : je tiens à être très clair : les Etats Unis ne sont pas en passe d’établir une base américaine au Sahara Occidental», précisant que le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom) n’a pas évoqué le transfert de son siège au Sahara Occidental» Il s’agit d’une information infondée » qui a suscité beaucoup de questions récemment, suite aux informations relayées par plusieurs médias, notamment marocains, a-t-il soutenu.
Quant à l’approche américaine pour le règlement de la crise en Libye, le responsable américain a souligné que Washington et l’Algérie avaient plusieurs intérêts communs à garantir une région plus sécurisée, rappelant que les deux parties étaient favorables à la solution politique en Libye et soutiennent le processus onusien pour le règlement de la crise.
Le processus onusien demeure le meilleur moyen de sortie de crise, notamment le dialogue militaire dans le cadre de la commission militaire (5+5), a précisé M. Schenker.
Et d’ajouter : l’Algérie est un pays leader sur la scène internationale et nos deux pays ont des intérêts communs à garantir une région plus sécurisée, plus stable et prospère».
Il est à signaler que l’année 2020 a été marquée, sur le plan international, par les actions menées par le président américain sortant, Donald Trump en vue de convaincre des pays arabes de normaliser leurs relations avec l’entité sioniste. Le 10 décembre dernier, Trump avait déclaré reconnaître officiellement la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental en contrepartie de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Une décision qui a été largement critiquée au niveau international mais aussi aux Etats-Unis et au sein même du parti du président sortant. L’annonce faite par Trump a été condamnée principalement parce qu’elle va à l’encontre des résolutions de l’Organisation des Nations unies (ONU) en faveur d’un référendum d’autodétermination au profit du peuple sahraoui, mais également parce qu’elle contredit la position américaine par rapport à ce dossier. Cette décision parasite, d’autre part, le rôle que les Etats-Unis sont supposés jouer au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, puisqu’ils prennent en charge la fonction de porte-plume des résolutions sur le Sahara occidental, ce qui implique une neutralité de fait. Le 24 décembre dernier, la délégation allemande à l’ONU s’était précisément attardée sur ce point, rappelant aux Etats-Unis leur devoir d’impartialité en ce qui concerne cette question. «Etre porte-plume implique de la responsabilité. Cela s’accompagne d’un engagement fort pour résoudre un problème, il faut être juste, il faut être impartial, il faut avoir à l’esprit l’intérêt légitime de toutes les parties et il faut agir dans le cadre du droit international», avait déclaré l’ambassadeur allemand à l’ONU, Christoph Heusgen en s’adressant à la délégation américaine à l’ONU. Au niveau international, les regards sont d’ores et déjà tournés vers Joe Biden qui a les pleins pouvoirs pour annuler cette décision qui rompt avec trois décennies de politique américaine au Sahara Occidental.
Par ailleurs, le président Donald Trump a brillé en ce début d’année par son rejet des résultats des élections présidentielles américaines remportées, en novembre, par son rival démocrate, Joe Biden. Une résistance qui a donné lieu à des actes de violences à Washington par des partisans du président sortant qui devrait être remplacé officiellement le 20 du mois en cours. Des manifestants ont fait irruption dans la Chambre des représentants où a été confirmée la victoire de Joe Biden aux présidentielles. Une personne a été tuée dans ces violences qui ont duré plusieurs heures.
La politique américaine envers l’Algérie «constante et stable»
Au cours de la visite de l’hôte US, de nombreuses questions constituant les intérêts communs des deux pays ont été soulignées.
La coopération économique et commerciale, la sécurité dans la région nord africaine, la paix, les investissements américains en Algérie et les partenariats étaient, entre autres, au menu des discussions entre les responsables algériens et David Schenke.
Évoquant, lors d’une conférence de presse, la politique de l’Administration américaine, M. Schenke a indiqué qu’elle «est constante» concernant la région de l’Afrique du Nord, notamment l’Algérie qui joue un rôle «pionnier et fructueux» dans le continent.
Il a précisé qu»en dépit du fait que chaque administration américaine dispose de prérogatives différentes, mais cette dernière reste +constante et stable+ en ce qui concerne les approches relatives à l’Afrique du Nord, notamment l’Algérie».
Il a ajouté que les administrations américaines issues soit des camps des Républicains ou des Démocrates ont participé au renforcement des relations avec l’Algérie», relevant «le partenariat et la coopération stratégique avec l’Algérie notamment dans le domaine économique».
«La profondeur des relations bilatérales historiques qui datent des années 1950 lorsque John Kennedy avait annoncé, dans son discours de 1957, le soutien à l’indépendance de l’Algérie», a rappelé M. Schenke.
Il a souligné aussi la profondeur de la coopération des diplomaties des deux pays, affirmant que «la diplomatie algérienne ayant contribué, il y a 40 ans, à la libération de 52 diplomates américains pris en otages par l’Iran pendant 444 jours».
Il a souligné que Washington, qui a œuvré de concert avec l’Algérie pour intervenir comme médiateur en vue de mettre terme à la guerre entre l’Ethiopie et l’Erythrée en 2000, a soutenu le rôle pionnier de l’Algérie dans la conclusion de l’accord de paix et de réconciliation au Mali, issu du processus de l’Algérie en 2015.
L’hôte US a qualifié les relations algéro-américaines dans le domaine économique de «fructueuses de part et d’autre».
«La nouvelle administration élue sous la direction de Joe Biden maintiendra «la même approche», à la faveur des changements survenus au niveau des lois économiques en Algérie pour attirer davantage l’investissement étranger. «Nous œuvrons aujourd’hui à aller de l’avant pour renforcer l’investissement américain direct en Algérie», a-t-il prédit.
Quant au domaine commercial, il a affirmé que l’Algérie dispose de potentiel pour jouer «un rôle important» en la matière tant en Afrique qu’en Europe, un critère essentiel que les Etats unis tiennent en compte.
En ce qui concerne le volet sécuritaire, il a souligné l’engagement de Washington à le renforcer entre les deux pays notamment en matière de lutte antiterroriste.
Concernant les engagements des Etats unis avec l’Algérie, le sous-secrétaire d’Etat américain adjoint a évoqué, outre la visite de l’actuelle délégation américaine, celle effectuée en octobre dernier par l’ancien Secrétaire américain à la Défense, Mark Thomas Esper et en septembre par le chef du commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom), le Général Stephen J. Townsend. Le sous-Secrétaire d’Etat américain a également mis en avant la place importante qu’occupe l’Algérie en Afrique en tant que «membre important et dirigeant au sein de l’Union africaine ainsi que son rôle fructueux dans la région et son poids au niveau continental», grâce à sa position géographique, sa superficie et sa composition sociale (70% de jeunes).
Le responsable a souligné que le partenariat américano-algérien «est beaucoup plus profond que la coopération politique et sécuritaire», annonçant que son pays participera en tant qu’invité d’honneur à la Foire internationale d’Alger prévue cette année, où les entreprises américaines exploreront des partenariats gagnant-gagnant avec leurs homologues algériens. «Il existe de nombreuses entreprises américaines en Algérie qui créent des opportunités d’emploi et une croissance économique dans plusieurs secteurs, tels que l’industrie pharmaceutique et le secteur de l’énergie». «Les Etats-Unis établissent quotidiennement des relations entre les deux peuples dans les domaines de l’éducation, de la culture et des arts, en sus de nombreux autres domaines», a-t-il rappelé. Et d’ajouter: «nous avons de nombreux points en commun et vouons un respect profond et durable pour le gouvernement et le peuple algériens. Nous espérons poursuivre notre précieux partenariat dans les années à venir».
Vers la consolidation de la coopération économique et commerciale
Lors de sa visite en Algérie, le responsable US, M. Schenke, a été reçu par le ministre du Commerce, Kamel Rezig.
Les deux parties ont évoqué nombre de questions économiques d’intérêt commun et les voies de promotion de partenariats dans divers domaines, a indiqué un communiqué du ministère du Commerce.
Lors de cet entretien tenu au siège du ministère, en présence du ministre délégué auprès du ministre du Commerce chargé du Commerce extérieur, Aissa Bekkai, M. Rezig s’est félicité des relations politiques, historiques et commerciales entre les deux pays, précise la même source. A ce propos, M. Rezig a indiqué que le ministère visait à augmenter le volume des échanges avec les USA et à lancer des partenariats gagnant-gagnant dans divers domaines, à la faveur des réformes opérées par l’Algérie pour la relance de son économie, à travers la suppression de la règle 49/51 pour les secteurs non stratégiques, en sus de l’amélioration de son climat d’affaires pour attirer davantage de partenaires étrangers.
A cette occasion M. Rezig a appelé à l’activation du Conseil d’affaires algéro-américain devant orienter et encadrer les investisseurs des deux pays en matière de lois et de critères du commerce entre les deux pays, d’investissement et de concertation.
De son côté, M. Bekkai a affirmé que les relations algéro-américaines allaient être propulsées sur le plan commercial notamment en période post-covid et après l’activation de l’accord sur la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF).
Pour sa part, M. Schenker a indiqué que l’Algérie était un partenaire stratégique pour les Etats Unis d’Amérique en Afrique, en témoigne le nombre de conventions signées auparavant dans divers domaines, ajoutant que les opérateurs économiques américains sont au fait des avantages offerts par le marché algérien, ce qui constitue une véritable opportunité afin d’établir des partenariats actifs à l’avenir, conclut le communiqué.
Par ailleurs, M. Schenker s’est entretenu aussi avec le ministre des Finances, Aymen Abderrahmane.
L’augmentation des investissements directs américains en Algérie a figuré parmi les questions abordées par les deux parties.
«Avec le ministre des Finances, nous avons abordé les questions du développement du commerce entre l’Algérie et les Etats-Unis, de l’assistance technique et des possibilités de l’augmentation du montant des investissements directs américains en Algérie», a déclaré M. Schenker.
« En Algérie des développements incroyables sont en train de se produire (sur le plan économique) avec une fructueuse réforme sur le plan législatif et l’adoption de nouvelles lois qui font de l’Algérie un pays encore plus attractif pour les investisseurs «, a-t-il soutenu.
Concernant le partenariat économique existant entre les deux pays, le conférencier s’est dit satisfait, affirmant s’attendre à ce que les choses se poursuivent avec l’administration Biden.
D’autre part, David Schenker a estimé que les grandes potentialités de l’Algérie sur le plan économique pourraient lui permettre de jouer un rôle important en termes de commerce tout en représentant une voie d’accès à la fois à l’Afrique et à l’Europe.
Samir Hamiche
Ouest Tribune, 9 jan 2021
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