Maroc : Le Makhzen sur une pente glissante

Le Makhzen est-il sur une pente glissante? Tout porte à le croire. Et ce, d’autant plus que le retour de manivelle à ses dernières actions s’est très vite produit. A une vitesse et d’une ampleur auxquelles, à l’évidence, il ne s’attendait guère. Aveuglé par le soutien que lui apportent ses parrains et protecteurs occidentalo-sionistes et arabes – les pétromonarchies du Golfe, essentiellement et pour être plus clair -, et qu’il pensait à même de lui assurer une impunité pérenne, il a été, en effet, fortement ébranlé par les réactions, dans un premier temps, aux événements d’El Guerguerat, dans l’extrême sud-ouest du Sahara Occidental occupé, survenus le 13 novembre 2020, et dans un second, à la normalisation de ses relations avec l’entité sioniste; une normalistion obtenue, faut-il le rappeler, en contrepartie de la reconnaissance par le président américain sortant, Donald Trump, de son illusoire souveraineté sur le Sahara Occidental.

Tous les faits qui ont suivi l’agression militaire caractérisée, perpétrée par la soldatesque marocaine à El Guerguerat, contre des manifestants sahraouis civils qui protestaient pacifiquement contre la brèche ouverte, en contradiction avec les dispositions de l’accord de cessez-le-feu signé en septembre 1991, sous les auspices de l’ONU, entre le Front Polisario et le Maroc, dans le “mur de la honte et de l’humiliation”, attestent, on ne peut mieux, du désarroi dans lequel le Makhzen a été plongé après l’annonce par le Front Polisario de sa double décision de ne plus se considérer lié à l’accord de cessez-le-feu précité et, surtout, de reprendre la lutte armée. Le plus manifeste de ces faits est le black-out total qu’il impose, aidé en cela par une presse, locale, aux ordres et, internationale, complice, sur les attaques et les revers que son armée subit au quotidien, depuis le 13 novembre dernier, au Sahara Occidental; un black-out qu’il croit, contre tout bon sens, à même de tromper les opinions publiques marocaine et internationale sur la réalité de la situation y prévalant.

La trahison, une tradition chez le Makhzen…

Dénué de tout argument solide pouvant justifier la normalisation de ses relations avec l’entité sioniste, le Makhzen, dans une pitoyable tentative de faire oublier que celle-ci n’est que la contrepartie éhontée de la reconnaissance, par un président américain en fin de parcours, de son illusoire souveraineté sur le Sahara Occidental, essaye, tordant ce faisant le cou à une réalité amère, d’expliquer ladite normalisation par “les liens solides existant entre le royaume et la communauté des juifs marocains” établis en terre palestinienne et, summum de la duplicité, par le devoir qu’a celui-ci de protéger “ces sujets de Sa Majesté”, feignant sournoisement, dans le même temps, d’ignorer que ces derniers ne sont que des sionistes convaincus. C’est ce qu’a asséné au Makhzen, Fuad Batayneh, un ancien diplomate jordanien, dans un article paru, il y a quelques jours, dans le site électronique “rai alyoum” que dirige l’éminent journaliste palestinien Abdelbari Atwan. Ne se contentant pas de s’étaler sur l’ancienneté et la profondeur des relations entre le royaume du Maroc et l’entité sioniste, l’ancien diplomate jordanien a également dévoilé que le Palais royal a carrément versé dans la trahison. Plus précis concernant ce point, il a révélé que le défunt Hassan II avait remis à des agents sionistes les enregistrements de tout ce qui s’était dit lors du Sommet de la Ligue arabe qui s’est tenu, à Casablanca, en 1965; une “remise” qui a permis à l’entité sioniste de prendre connaissance de toutes les mesures arrêtées par les dirigeants arabes dans le cas où une guerre venait à se déclarer au Moyen Orient. Et, partant, de préparer et de mener, avec les résultats que l’on connaît, la Guerre des six jours de juin 1967. Une manière de dire que “le coup de poignard” que le Makhzen vient, par la normalisation de ses relations avec l’entité sioniste, de donner à la cause paslestinienne, n’est pas venu du néant. Et qu’il s’inscrit plutôt en droite ligne dans une tradition de trahison et de revirements qui est la sienne.

Un revirement éhonté…

Une “tradition”, au demeurant parfaitement illustrée par l’incroyable revirement du chef du gouvernement marocain et, néanmoins, secrétaire général du PJD (Parti de la justice et du développement), un parti d’obédience islamiste, dans la question de la normalisation (avec l’entité sioniste). Oublieux de ce qu’il avait publiquement déclaré, dans un premier temps, en 2008, dans un rassemblement populaire de protestation contre la visite que devait effectuer au Maroc la ministre des Affaires étrangères sioniste d’alors et feignant, à l’évidence, de ne pas se rappeler qu’il avait, au moment de la normalisation, par les Emirats arabes unis et le Bahreïn, de leurs relations respectives avec l’entité sioniste, clamé haut et fort que son pays ne leur emboîterait jamais le pas, Saadeddine Al Othmani, c’est son nom, n’a pas hésité, quand le Maroc s’est engagé dans la même voie, à apposer sa propre signature, à côté de celle du représentant de l’entité sioniste, au bas de l’accord officialisant ladite normalisation. Faut-il dire que cette attitude n’a pas été du tout appréciée et ce, aussi bien au sein de sa formation politique que par les partis arabes affilés à la même mouvance idéologique; celle des Frères musulmans. Si la gronde et la fronde qui sévissent présentement au sein du PJD demeurent circonscrites dans un cadre interne, le mécontentement de ses pairs arabes islamistes s’est traduit par une décision du Congrès nationaliste islamiste de le suspendre de toute participation à ses travaux et activités; une suspension qui, selon des sources concordantes, peut se muer en exclusion de ses rangs si la situation au sein du PJD demeure en l’état; en clair, si Saadeddine Al Othmani demeure à sa tête.

L’opposition à la normalisation s’étend…

Si le Makhzen donne l’impression de maîtriser la situation, des informations concordantes laissent supposer que tel ne sera plus le cas dans un avenir proche. A l’appui de leurs prévisions, ces mêmes sources font état d’une montée en cadence et en ampleur des manifestations de rue dénonçant la normalisation des relations avec l’entité sioniste; une montée (en puissance et ampleur) que la répression exercée par les forces de sécurité du Makhzen contre toute expression populaire hostile au rapprochement “makhzéno-sioniste” n’a pu freiner mais que les médias aux ordres tentent d’en réduire l’importance quand ils ne la passent pas sous silence. Ce qui n’empêche pas que cette opposition s’étende de plus en plus. Et ce, avec l’implication d’organisations ayant un poids certain dans la société marocaine. A l’instar de l’association Al Adl Wal Ihsane ( Justice et bienfaisance), la plus importante dans son genre, dit-on, bien qu’elle demeure, depuis sa création en 1973, toujours non reconnue. Dans un entretien accordé au site Arabi21.com que rapporte El portal diplomatico (Le portail diplomatique), un site proche des thèses du Front Polisario, Mohamed Abadi, son secrétaire général, a fait porter toute la responsabilité de cette normalisation à l’institution royale. Ceci non sans critiquer vertement la mainmise totale de cette dernière sur toute la vie politique, économique et sociale du royaume. Une mainmise, a-t-il explicité, qui vide même certaines institutions officielles des prérogatives que leur confère pourtant la Constitution en vigueur. Une manière, on ne peut plus claire, de dire que la situation au royaume de M6 est “grave”. Pour ne pas dire explosive.

Mourad Bendris

Source : Dzair-tube, 5 jan 2021

Tags : Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Front Polisario, Israël, Donald Trump, normalisation,


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