Il a toujours entretenu un certain mystère autour de sa personne. Durant la décennie noire, des médias lui prêtaient souvent des déclarations dans un but purement commercial, puisque la simple évocation de son nom à la Une suffisait dans cette période pour attirer le lecteur, mais en prenant la précaution de revoir minutieusement ce qu’ils allaient publier. Des histoires parfois fantasmagoriques ont été racontées sur lui, sans qu’il n’intervienne une seule fois pour déconstruire le « mythe » bâti autour de sa présence-absence. Il a fallu attendre 2015 pour que l’atmosphère surréaliste entourant le personnage se dissipe quelque peu sans répondre pour autant aux innombrables questions posées sur son compte par une opinion publique livrée aux rumeurs.
Lui, c’est Mohamed Mediene, connu sous le nom de Toufik, ex-patron du DRS, devenu subitement justiciable comme n’importe quel algérien, et qui vient de s’exprimer publiquement, après son acquittement dans l’affaire du « complot contre l’autorité de l’Etat et de l’armée ». Ses propos ont été rapportés exclusivement, conformément à une tradition établie depuis le début des années 90, par les quotidiens El Watan et El Khabar. Mais qu’a-t-il dit au juste ? « Un jour peut-être, je parlerai de ce qui m’a amené ici », a-t-il concédé, maintenant un suspense, qui va encore alimenter les spéculations pendant de longues années.
« Comment pourrais-je être accusé de complot contre l’autorité de l’Etat, alors que la rencontre a eu lieu avec le frère et conseiller du président encore en exercice », s’est-il interrogé, avant de faire savoir qu’ « avec les événements que traversait le pays, Saïd Bouteflika a voulu nous voir pour nous demander notre avis sur la situation », sans expliquer le pourquoi du choix des personnes, qui ont assisté à la réunion tenue fin mars à la villa Dar El Afia, et à laquelle ont assisté en plus de Toufik, Saïd Bouteflika et Louisa Hanoune.
« Je me suis dit que c’est une occasion pour dire ce que je pense ». « Vous pouvez me dire de quoi vous mêlez-vous, mais à cette époque, tout le monde était appelé à intervenir pour trouver une solution à la crise ». « Le but était d’échanger les avis ». Des flashs d’informations, que l’ex-patron des renseignements essaie de prolonger, en justifiant sa présence à la réunion par le fait que Saïd Bouteflika « incarnait le pouvoir », en sa qualité de « frère et de conseiller du président encore en poste ».
Selon lui, une situation tout à fait « naturelle » où il s’était prononcé pour un changement du gouvernement avec à sa tête un Premier ministre, crédible et accepté par le peuple, doté de larges prérogatives. Complot contre l’Etat et l’armée ? Toufik s’abstient d’épiloguer, indiquant cependant que la réunion se tenait dans une résidence appartenant à l’armée. « Moi-même j’ai dit à Saïd Bouteflika qu’il faut parler avec le chef d’état-major, Gaïd Salah. Pour moi, tout cela était normal », déclarant tout ignorer à propos de la lettre de limogeage de l’ancien chef d’état-major de l’armée, mais assumant l’appel lancé à Liamine Zeroual pour diriger une période de transition. « C’était mon idée. On a aussi parlé d’autres personnalités, mais c’est le nom de Liamine Zeroual qui a fait consensus », a répondu Toufik au juge, selon les deux quotidiens. Quel était la réponse de l’ancien chef de l’Etat ? « Pour moi, il n’avait pas refusé, mais il a fini par le faire. (…) Je ne sais pas (pourquoi). Je ne l’ai pas revu. L’essentiel, c’est qu’il était la personnalité principale qui a été proposée », a-t-il souligné.
Quant à Athmane Tartag, ses propos sont allés dans le même sens que son prédécesseur à la tête du DRS, sauf qu’il a fait une allusion lourde de conséquences. « Comment puis-je accepter qu’à la fin de ma carrière on m’accuse de complot ? Le traître, c’est celui qui en a décidé ainsi. Lorsque l’Algérie avait besoin de nous, on a donné tout ce qui était possible pour ne pas la laisser tomber durant les années 90. Qui a parlé de complot ? Pensez-vous que le général Toufik puisse comploter ? Le vrai traître, c’est celui qui l’a dit », a-t-il accusé. Sans commentaire !
En ce qui concerne Saïd Bouteflika, dont les propos ont été rapportés par les deux quotidiens, les seuls autorisés à assister au procès, faut-il le signaler, il a révélé que son frère est assigné à résidence. Selon son témoignage, Abdelaziz Bouteflika est en résidence surveillée. « Je répète, en résidence surveillée », a-t-il ajouté, avant de préciser que le président déchu « est toujours vivant ». Rejetant toutes les accusations portées contre lui, il a toutefois déclaré observer le silence pour « ne pas blesser » !
Synthèse Mohamed M.
L’Est Républicain, 4 jan 2021
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