Mohamed Habili
L’Iran s’est saisi de l’occasion offerte par le premier anniversaire de l’assassinat par les Américains du général Qassem Soleimani, commandant de la Force el-Qods du corps des Gardiens de la Révolution, survenu le 3 janvier 2020 à Baghdad, à la fois pour annoncer son intention d’enrichir l’uranium à 20 %, en violation de l’accord de Vienne de 2015, et pour réitérer sa détermination à venger son héros national. Rien de vraiment nouveau ni dans la première annonce ni dans la seconde. Pour autant, leur conjonction n’est pas sans revêtir une certaine signification, a fortiori dans le contexte actuel d’un regain de tension dans le Golfe coïncidant avec la toute fin du mandat de Donald Trump. A celui-ci a été prêté ces derniers jours l’intention de faire mener une opération militaire contre une installation nucléaire iranienne, dont il aurait été dissuadé par le conseil de guerre réuni spécialement pour en décider. Pourtant, c’est dans ce même climat d’exaspération renouvelée que l’administration américaine sortante a pour la première fois autorisé l’Iran à transférer des fonds en vue de se procurer des vaccins contre le coronavirus. Comme quoi dans la réalité, les choses ne sont jamais ou tout à fait noires ou tout à fait blanches.
Autre détail à prendre en considération donnant à penser que la tension n’est peut-être pas aussi vive qu’il y paraît entre les deux pays. En effet, dans sa lettre à l’Agence Internationale de l’Energie atomique, dans laquelle il fait état de son intention de porter l’enrichissement à un niveau nettement supérieur à celui auquel il a droit conformément à l’accord de 2015, l’Iran s’est bien gardé de donner ne serait-ce qu’une indication sur le moment où il compte joindre l’acte à la parole. Pas plus que par ailleurs il n’a donné le sentiment de vouloir venger le général Soleimani dans le quart d’heure qui suit.
Du côté américain aussi, le ton de la menace est peut-être plus destiné à empêcher l’Iran de commettre un acte inconsidéré, nécessitant en tant que tel des représailles concrètes, que l’indice d’une attaque réellement, sérieusement envisagée, et qui aurait été annulée à la dernière minute. Encore que des deux bords, ce soit l’administration Trump qui pourrait sembler plus disposée à créer l’incident, moins d’ailleurs en haine de l’Iran que sur des motifs de politique interne. Si Donald Trump avait réussi à obtenir un deuxième mandat, l’éventualité d’un nouvel embrasement du Golfe ne serait pas à écarter d’un revers de main. En revanche, on voit mal l’intérêt qu’il aurait à déclencher une guerre avec l’Iran à quelques jours de son départ de la Maison-Blanche, pour en faire cadeau à son successeur. Cette intention lui a été prêtée pourtant par bien des gens aux Etats-Unis. L’explication à l’acrimonie qui s’exprime aujourd’hui entre les deux bords est peut-être plus simple.
L’administration Trump quitte la scène sans avoir obtenu de l’Iran qu’il retourne à la table des négociations en vue d’un accord se substituant à celui de 2015. Elle part donc sur un échec, ce qui ne dispose à l’amitié à l’égard de l’autre. Cet échec, l’Iran y voit une victoire remportée de haute lutte sur elle. C’est un peu comme s’il retournait le couteau dans la plaie en faisant part de son intention d’augmenter le taux d’enrichissement de l’uranium produit par lui. Mais une chose est de jouer à ce jeu consistant à mettre à rude épreuve les nerfs de l’adversaire, autre chose de se mettre réellement à dos les grandes puissances en passant outre une des limites au respect desquelles elles tiennent le plus.
Le Jour d’Algérie, 2 jan 2021
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