par El Yazid Dib
On aura tout vu. Des sombres cieux, des cimetières, des scandales et aussi des incompétences et du populisme. Une année à multiples virus. Peu de joies masquées et beaucoup de chagrin, de mal et d’illusions à proche distance.
Je ne saurais dire, si au moment où on lira ces lignes, le président serait là ou non, parmi nous pour signer la loi de finances en ce 31 décembre, délai exigé par l’orthodoxie budgétaire de par son principe d’annualité. Je ne saurais dire si en ce jour, des changements ont eu lieu la veille ou bien la vie allait continuer son cours malgré l’anormalité des choses. L’essentiel en toute évidence est que les choses vont bouger un jour ou l’autre, que le décor politique connaitra des nuances, que des noms vont apparaitre, d’autres disparaitre. Un jour ou l’autre de l’année qui commence et s’annonce en vaccin hypothétique, en défis continuels, en danger permanent, en clans résistants, en anémie économique et pénurie financière et en angoisse sociale.
Tous les espoirs que l’on aurait récoltés au cours d’une année passée, semée de hirak, de nouvelle version de vie, de nouveaux réflexes, de nouvelles têtes, de nouvel air politique, de volonté à ne plus rêver, de et de… se sont tous échoués à la naissance de cette fatidique année. 2020, commençait déjà par l’odeur funéraire, les emprisonnements téméraires, les fermetures libertaires. Que de membres de famille, d amis, de voisins, de personnalités sont partis par cette démente saloperie. Que d’autres sont encore sous ses affres. Il n’y a pas, diront certains que ce virus qui tue. Il y a l’autre ; la frustration, le déni de droit et se justice, la faillite du pays qui, certes n’ôtent pas la vie mais font suffoquer les poitrines et rétrécissent l’expression.
Nous aurions vu en cette année là, encore ces visages dégarnis de toute conscience, imparfaits à la tache qui de surcroit ont fait les annales de la décennie révolue. Ces mêmes gueules recrutées sur le bûcher d’un Hirak mutilé à bon escient. Des conseillers, des médiateurs et communicants installés impoliment sur les devant d’une précarité présidentielle. Les mêmes gens détenteurs de portefeuille publics sont toujours en service. Ils sillonnent le pays, crèvent les écrans sans rougir aucunement. Qu’a-t-il à faire à Sétif ou à Batna le médiateur de la république ? Il n’a en tant que tel nulle attribution pour résoudre le moindre problème d’un tracé routier, d’une cantine scolaire ou d’un déblocage communal. Voilà une façon de pérenniser l’ancienne Algérie qui demeure encore debout. Cette année là, aurait été bénéfique pour garder les contestations au stade d’un confinement que ce maudit virus en amplement favorisé. C’est en son nom que tout avait été bouclé, cadenassé, sauf sa propagation et ses atteintes mortelles. Un malheur annihile le bonheur des uns et s’accroit chez les autres et semble parfois faire un bonheur chez certains.
Le hic, c’est que ceux qui dirigent le pays ou disent agir pour son compte n’arrivent pas à évaluer le temps. Âgés et conséquemment malades, parfois impotents, ils ne peuvent penser à partir. Seule la biologie saura faire son œuvre. Ni l’usure des os, ni la fébrilité des sens n’ont pu leur exprimer que tout doit avoir une fin, que le pays a grandement besoin d’un sang neuf, qu’il est plein d’une jeunesse qui vieillit à mesure que grandissent ses problèmes et qu’il est largement temps de reprendre enfin ce « flambeau » éteint, déteint et mal remis. Ils sauront lui insuffler la flamme qui lui manque, l’étincelle qui fera briller l’avenir. Toute une gérontocratie est toujours aux manettes du pouvoir. Tout un arsenal obsolète d’arguments et de communication est toujours mis à l’avant sans toutefois ne convaincre aucun. Du spectre complotiste étranger à la suspicion malveillante des forces néfastes intérieures, le rituel ne s’arrête pas. Un président de sénat illégal, tant l’intérim assuré l’est aussi, avance en guise d’acte de présence que des slogans qu’il ressort des fonds du grenier poussiéreux qu’il veut remettre au goût du jour. Personne ne croit à vos élucubrations. Vous avez donné certes soi-disant, plus de 60 ans de vos vies à l’Algérie, mais cette même Algérie vous a suffisamment honoré, glorifié, chouchouté. Elle a fait de vous ce que vous ne pensiez jamais l’être. Les martyrs sont partis, vous êtes toujours là. Le pays tout au plus aurait besoin de vos mémoires et non vos déboires.
Le pays est en proie à un désespoir, qui venu tôt remplir les cœurs encore attachés aux lueurs à venir, avait vite fait mourir les jours et leur joie de les vivre. Le brouillard à envahi tout le paysage. On ne distingue rien, ni du mal ni du bien. Un président absent, des institutions figées, un gouvernement à l’arrêt, des assemblées pourries, des geôles investies, des libertés retenues, que dire de plus ?
Une année pleine de crocs et de non-dits. Le retour controversé de Nezzar et des rumeurs l’entourant, la suspension de promulguer une constitution mal votée en suspension de promulgation, la normalisation à nos flancs, le danger y est plus qu’en autres temps. Une année qui a vu d’innombrables soubresauts, des sautes d’humeur et des fâcheries va encore partir pour garnir l’histoire contemporaine d’un pays toujours en quête de son projet, pire encore de sa survie. La caractéristique la plus expresse de l’année a été cette passion dévorante d’exercer le pouvoir et l’ardeur d’y mettre le peuple à ses tendances. Le vœu qu’enfin, l’on pourrait voir de bons présages et de surpasser de sulfureux passages a été rapidement éclipsé. Bien avant la survenance de cette fatidique année, l’espoir de tous de la voir arriver en bonne année, était enveloppé dans les vœux. Mon ami, Belaidi Abdelmadjid internaute prolifique, affichant alors toute la béatitude de son béat optimisme postait ce 28 décembre 2019 : «Nous sommes le vingt-huit. Plus que quelques jours et l’année 2019 sera du domaine des souvenirs et l’année 2020 sera le grand espoir pour nous. L’espoir de voir les voix sages se faire entendre. L’espoir de la prise de conscience de ce qui se trame à nos frontières. L’espoir d’une unification fusionnelle de toutes et de tous, rien que pour la paix intérieure. L’espoir de la réalisation du grand rêve des géants de novembre 1954 » rien de tout cela ne fut.
Des structures de santé débordées mises a pires épreuves, la rupture d’oxygène, des guichets postaux en manque de liquidités, des primes non mandatées, des confinements zélés, des complots dénoncés, des coupures d’eau, d’électricité, d’Internet, des ministres et walis encore en prison, d’autres aussi et tout un chapelet de faits et d’événements ont émaillé cette année virale. L’on n’est pas encore sorti de ses ténèbres malgré sa finition calendaire. Les mesures drastiques prises dans l’objectif d’endiguer la propagation du virus ne se sont pas passées sans faire des dégâts sur la situation économique notamment celle des ménages. La pauvreté s’est accrue d’un cran. Les petits commerces, les taxieurs, les coiffeurs, les journaliers occasionnels ont tous subit la faillite engendrée par ces mesures. La compensation de l’Etat n’était pas au rendez-vous voulu et espéré. Ainsi en plus qu’il est une principale cause de grande mortalité, ce virus est devenu un grand facteur d’appauvrissement des populations déjà pauvres et appauvries. En face, rien n’est garanti pour freiner cette récession économique brutale.
Les jeunes de moins de 30 ans viennent de découvrir les conditions du couvre-feu. Le premier des années 90 était une barrière contre un virus criminel et anonyme, le second un geste barrière contre un virus tout aussi criminel et anonyme. A la différence que le premier était bien de chez nous, plus meurtrier et atroce. 2021, ne sera une bonne année que si tous les virus s’évacueront. Une pandémie peut à la longue, recherche scientifique aidant être vaincue. L’épidémie qui se greffe dans les méninges du système demeure pénible et réticente à vouloir se dissiper de sitôt. Le mal est génétique, il se niche dans les parois infranchissables que contiennent les têtes au pouvoir.
On ne peut oublier cette année qui s’achève tant elle avait pris des êtres chers, causé des destructions familiales en emportant dans son linceul la joie, les doux moments et les radieuses espérances. Elle avait pris toute une année de notre temps et l’avait rétrécit à des masques et des gestes de distanciation. Elle nous avait interdit de s’embrasser, de se serrer ou de faire des câlins à nos p’tits enfants. On était privés de cette liesse dans le partage des gâteaux fait maison lors des deux aids, on ne pouvait s’asseoir au chevet d’un frère malade ou présenter par présence nos condoléances étouffées.
Malgré toutes ces anicroches, l’on reste toujours en quête de ce bonheur né le 22 février et mis en sourdine un temps après. L’on reste accroché à voir une Algérie nouvelle pas au sens de ceux qui la prônent en générique populiste tout en étant bien assis sur le socle inébranlable de l’ancienne, mais une Algérie d’égalité, de droit et de justice. Un pays qui cessera d’être la propriété des uns et une prison pour les autres. Un territoire indivisible, uni qui s’espacera à tout un chacun et où ce tout un chacun aura une part du soleil qui brille, où le mérite l’emportera sur le copinage et surtout où la compétence suppléera l’inertie des vieux et itératifs responsables. Aussi m’abstiendrais-je à tout souhait, que la santé, laissant la providence faire ce qui se susurre dans le cœur de quiconque.
Le Quotidien d’Oran, 2 jan 2021
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