Le représentant du Front Polisario en Slovénie, Zenan Mohamed Brahim a répondu, avec preuves à l’appui, au directeur de l’Institut international d’études sur le Moyen-Orient et les Balkans (IFIMES), Bakhtyar Aljaf dont l’analyse sur le conflit du Sahara Occidental est truffée de coquilles, voire de contre-vérités, intitulée «2020 Morocco-Western Sahara : un des conflits les plus anciens d’Afrique au bord d’une nouvelle guerre ?
Dans cette réponse plusieurs questions ont été avancées sur la légitimité de l’indépendance du Sahara occidental, au premier paragraphe sous-titré «Les droits historiques du Maroc sur le Sahara occidental», IFIMES écrit : «Le Maroc a des droits historiques sur la région du Sahara Occidental qui remontent à plusieurs siècles», l’on se demande d’où et comment le centre slovène d’études a pu déterrer ces prétendus droits historiques que le Maroc en manque d’arguments découvre très tardivement dans cette analyse en ce XXIe siècle.
Très sommairement, il y a lieu de rappeler, à ce titre, les nombreux témoignages des explorateurs et historiens occidentaux, notamment Portugais, Britanniques, espagnols, français, qui ont parcouru la région de long en large depuis le XVIe siècle, affirmant clairement que le Maroc n’a jamais exercé sa souveraineté sur le Sahara occidental. D’ailleurs, les Sultans marocains eux-mêmes reconnaissent cet état de fait. En effet, le Sultan du Maroc, Sidi Mohamed Ben Abdallah écrivit en mai 1767 au Roi Carlos III d’Espagne «Sa Majesté impériale (du Maroc) n’a pas d’opinion à formuler sur la traite que sa Majesté catholique (d’Espagne) souhaite établir au sud de l’Oued Noun car son autorité ne s’étend pas jusque là et par conséquent ne peut assumer la responsabilité des heurts et accidents qui peuvent s’y produire».
L’Oued Noun marque la frontière méridionale du Maroc et se trouve à plus de 200 km de la frontière du Sahara occidental. Cette délimitation des frontières du Sahara Occidental est aussi soutenue et renforcée par les différents traités et conventions signés par les puissances coloniales de l’époque-France et Espagne fixant le pourtour des frontières actuelles du Sahara occidental, notamment les conventions de Paris du 27 juin 1900 et du 3 octobre 1904, ainsi que celle de Madrid du 27 novembre 1912.»
Fermons cette parenthèse sur la littérature historique et tenons-nous seulement aux faits récents qui meublent de nos jours les manuels de l’histoire contemporaine :
*La Cour internationale de justice (CIJ) qui regroupe d’éminents juristes reconnus pour leur probité intellectuelle, après avoir publié une dizaine de tomes volumineux sur la question sahraouie, en présence d’une panoplie d’avocats marocains, mauritaniens et espagnols et en l’ absence d’une représentation des Sahraouis, a rendu le 16 octobre 1975 son verdict solennel, affirmant sans ambages que «les renseignements et informations portés à sa connaissance n’établissent l’existence d’aucun lien de souveraineté entre le Maroc et le Sahara occidental d’une part ou avec l’ensemble mauritanien d’autre part, de nature à modifier l’application de la résolution 1514 de l’Assemblée générale de l’ONU relative au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et que par conséquent le peuple sahraoui a droit l’autodétermination».
*Depuis 1963, l’ONU a inscrit à son agenda le territoire du Sahara Occidental comme territoire non autonome et n’a cessé de réaffirmer résolution après résolution le droit inaliénable du peuple sahraoui à l’autodétermination. La quatrième commission de décolonisation a réitéré ce droit imprescriptible du peuple sahraoui à l’autodétermination et que le Sahara occidental figure toujours sur la liste des territoires non autonomes. D’ailleurs ce n’est pas sans raison que l’ONU a dépêché dans le territoire sa MINURSO (Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara Occidental) en vertu du plan de paix qu’elle a signé conjointement en 1991 avec le Front Polisario et le Royaume du Maroc.
*Le conseiller juridique du Secrétaire Général de l’ONU, Hans Corell, a publié en 2002 l’avis consultatif de l’ONU sur l’Etat du Sahara Occidental, affirmant clairement que le Maroc n’a aucun droit de souveraineté sur le Sahara Occidental, que l’Espagne reste, au vu des Nations unies et du Droit international, la puissance administrant du territoire et que les richesses sahraouies relèvent de la souveraineté du seul peuple sahraoui représenté par le Front Polisario.
*La Cour de Justice de l’Union européenne a, elle aussi, rendu publique deux sentences, on ne peut plus claires, en 2016 et 2018 confirmant le caractère distinct et séparé du Sahara occidental et du Maroc et attirant l’attention sur l’interdiction d’exploiter les ressources naturelles du Sahara occidental sans le consentement préalable du peuple sahraoui.
*La présence la République sahraouie à l’Union africaine siégeant aux côtés du Maroc avec les mêmes droits et devoirs et entretenant des relations diplomatiques suivies avec de nombreux pays dans le monde, est un coup dur qui enterre définitivement les prétendus droits historiques du Maroc, si besoin est.
Aucun pays dans le monde ne reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental y compris ceux-là mêmes qui financent sa guerre d’agression contre le peuple sahraoui.
Mais ce que beaucoup de monde ignore malheureusement, c’est que le Maroc a toujours été et demeure une source d’instabilité dans la région.
Au lendemain de l’indépendance de la Mauritanie en 1960, il l’a revendiquée au nom des mêmes droits historiques. Trois années plus tard, brandissant le leitmotiv des supposés droits historiques, il poignarda dans le dos l’Algérie alors sortie exsangue d’une longue guerre de libération. Outre les points susmentionnés, des interrogations s’imposent d’elles mêmes pour connaître le non-fondé des prétentions marocaines des «droits historiques» : Si le Maroc est convaincu de la marocanité du Sahara Occidental, pourquoi alors le partager avec la Mauritanie suite aux accords tripartites de Madrid en novembre 1975 ? Il a agi tout simplement comme les anciennes puissances coloniales qui ont divisé, partagé les pays et peuples d’Afrique selon une règle de géométrie qu’aucun mathématicien ne peut comprendre ni imaginer. Si le Maroc est fort du bien-fondé de ses «droits historiques», pourquoi s’oppose-t-il au référendum d’autodétermination qu’il a pourtant accepté en vertu de l’accord de paix signé avec le Front Polisario en 1991 sous les auspices de l’ONU ? Si le Maroc est convaincu de la marocanité de ce qu’il appelle ses «provinces du Sud», pourquoi refuse-t-il leur accès aux observateurs internationaux ?
Au paragraphe II du même libellé, l’institut slovène certifie, non sans zèle, «depuis 1999, lorsque le roi Mohammed VI est monté sur le trône, le Maroc a amélioré les normes des droits de l’homme au Sahara». Mais de quel Sahara s’agit-il ? Si l’institut omet par inadvertance le Sahara Occidental, il serait souhaitable de consulter d’abord les nombreux rapports accablants contre le Maroc des organisations internationales compétentes en matière des droit de l’homme, Amnesty International, Human Right Watch, Kennedy Center… Toutes ces organisations condamnent sévèrement le Maroc pour ses violations continues des droits de l’homme tant en territoires occupés du Sahara Occidental qu’à l’intérieur du Maroc même.
Tout récemment, l’armée marocaine n’a-t-elle pas tiré le 13 novembre sur des manifestants sahraouis pacifiques à El Guergarat ? L’institut slovène s’est-il inquiété du sort des dizaines de détenus politiques sahraouis qui croupissent dans les geôles marocaines dont plusieurs ont perdu la vie sous la torture et autres traitements dégradants ? Comme institution respectée et respectable, le critère de l’objectivité impose à cette institut slovène d’envoyer une mission en territoire occupé du Sahara occidental pour s’enquérir sur la situation des droits de l’homme et vérifier sur le terrain si réellement le Maroc les respecte ou non.
Dans d’autres passages, IFIMES prétend que le Maroc a investi de gros moyens financiers pour la modernisation des territoires occupés du Sahara occidental —qu’il s’obstine à désigner de «Sahara» tout court— et d’assurer l’emploi aux résidents-et souligne que n’eût été cet investissement «les habitants de la région ne pourraient pas survivre».
Pour information à IFIMES qui paraît ignorer la réalité du conflit, le Sahara occidental est un pays très riche en minerais et en poissons pour subvenir aux besoins de ses habitants pour mieux vivre et non survivre. D’aucuns s’interrogent —hormis IFIMES—que le Maroc s’engage à investir des fonds colossaux dans un territoire objet d’un litige international et sur lequel il ne dispose juridiquement d’aucune souveraineté alors que les deux tiers de la population marocaine vit, selon les rapports de la Banque mondiale, au seuil de la pauvreté absolue.
Durant 45 ans, le Maroc, dans sa trajectoire «modernisatrice», n’a pas pu construire une seule université. Des dizaines d’entreprise ou fermes opérant en territoire occupé, aucune n’appartient à un Sahraoui. Des permis de pêche on n’en n’attribue que moins de 4% aux Sahraouis alors que plus de 95% des prises se font en territoires sahraouis occupés.
Les Sahraouis sont souvent confinés dans des occupations subalternes pour ceux qui ont le privilège de trouver un travail et représentent moins de 20%. Pour clore ce chapitre, on ne veut pas pour IFIMES que son image soit ternie ou exploitée à dessein par certains médias marocains qui viennent de publier dans leurs colonnes cette analyse, pensant y trouver un semblant de légitimité à l’occupation illégale par le Maroc du Sahara occidental.
La déontologie et l’éthique exigent de tout centre de notoriété publique comme IFIMES, de consulter tout d’abord les sources dignes de foi, faire des recherches dans les archives universellement reconnues pour fonder ses analyses sur des bases solides, sérieuses et crédibles.
Z. M. B.
El Moudjahid, 25 déc 2020
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