L’ONU doit enfin agir au Sahara Occidental


Alors qu’un conflit gelé depuis longtemps dégèle, il est temps pour l’ONU d’agir avant qu’il ne soit trop tard.

Alexander Bertschi Wrigley

L’effondrement récent d’un cessez-le-feu de près de trente ans dans le Sahara occidental disputé risque de se transformer en crise humanitaire et de saper la stabilité régionale. Les hostilités entre le Maroc et le Front Polisario – un mouvement indépendantiste sahraoui – ont repris le mois dernier après la rupture d’un cessez-le-feu en 1991 entre les deux parties. Les tensions qui ont conduit à cette flambée de violence la plus récente ont cependant été maintes fois confrontées au silence du Conseil de sécurité de l’ONU. Les États membres ont toujours choisi de préserver un statu quo intenable. Pendant ce temps, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, n’a pas nommé d’envoyé personnel au Sahara occidental depuis la démission de l’envoyé précédent il y a plus de 18 mois. Les États-Unis et d’autres dirigeants de l’ONU doivent enfin intervenir et agir pour veiller à ce qu’une solution politique mutuellement acceptable au conflit soit trouvée avant qu’il ne soit trop tard.

Au Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, le conflit entre le Maroc et le Front Polisario a véritablement commencé après le retrait de l’Espagne de la région en 1975. Au cours de la guerre qui a suivi, le Maroc a pris le contrôle d’environ 80% du territoire contesté et des dizaines de milliers des Sahraouis ont fui vers des camps de réfugiés de fortune dans le sud-ouest du désert algérien, où ils sont restés ces 45 dernières années. Aceasefire a été signé en 1991 et l’ONU a créé la MINURSO, une mission de maintien de la paix dont le mandat central reste «d’organiser et d’assurer un référendum libre et équitable» sur l’indépendance du territoire.

Cette dernière série de combats, la plus grave depuis le cessez-le-feu, a commencé à un petit poste frontière dans la zone démilitarisée entre le Sahara occidental et la Mauritanie, où des manifestants sahraouis se sont rassemblés fin octobre pour dénoncer les violations des droits de l’homme largement présumées dans le Sahara occidental sous contrôle marocain. et l’inaction de l’ONU dans l’organisation d’un référendum sur l’indépendance de la région. Le 13 novembre, l’armée marocaine a lancé une opération militaire pour briser ces manifestations par la force. Ces actions ont conduit à un conflit plus large entre le Maroc et le Polisario, qui a déclaré le cessez-le-feu de 1991 «terminé» plus tard dans la journée.

La situation actuelle au Sahara occidental met en relief les échecs de la diplomatie internationale du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’ensemble du système onusien. Près de 30 ans se sont écoulés depuis la création de la MINURSO, mais peu de choses ont changé pour le peuple sahraoui. Le référendum sur l’indépendance promis depuis longtemps ne s’est pas encore concrétisé, et le peuple sahraoui n’est pas plus près de la fin de son exil en Algérie qu’il ne l’était en 1991. Alors qu’un porte-parole du Secrétaire général Guterres a déclaré: «La MINURSO s’est engagée à continuer de s’acquitter de son mandat», il est clair que l’échec abject de la MINURSO dans l’exécution de son mandat est l’une des principales causes de ce redémarrage des hostilités.

Malgré son échec global, l’ONU a fait des progrès récents vers une solution politique. Le dernier envoyé de l’ONU au Sahara occidental, Horst Köhler, a pu réunir le Maroc et le Front Polisario pour un dialogue constructif à Genève en 2018. Pourtant, depuis la démission de Köhler en mai 2019, le secrétaire général Guterres n’a pas d’envoyé, sabordant ainsi toute dynamique positive potentielle.

Le Sahara occidental a été victime de la diplomatie intermitente et du statu quo depuis trop longtemps. Les Sahraouis des camps de réfugiés, abandonnés par les diplomates internationaux et les décideurs politiques, ont décidé de prendre leur situation en main dans un ultime effort pour attirer l’attention du monde entier sur leur sort. Ça ne doit pas forcément être comme ça.

La résurgence des combats au Sahara occidental doit inciter les dirigeants de l’ONU à agir d’urgence. Pour résoudre ce conflit sans perte significative de vies des deux côtés, le Secrétaire général Guterres doit immédiatement nommer un nouvel Envoyé personnel qui pourra convoquer à la fois le Maroc et le Front Polisario pour des pourparlers constructifs. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit enfin lancer un processus politique légitime conduisant à un référendum et à une solution mutuellement acceptable. Le moment est venu pour l’ONU d’honorer enfin ses engagements envers le Sahara occidental.

Alexander Bertschi Wrigley (@BertschiWrigley) est un expert émergent sur l’assistance au secteur de la sécurité au Maghreb avec le Forum on the Arms Trade et est titulaire d’une maîtrise en sécurité internationale avec un accent sur l’Afrique du Nord de Sciences Po Paris.

Source : Instick Media, 4 décembre 2020

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