Si Louisa Hanoune fait usage d’une métaphore empruntée au poète français Arthur Rimbaud, en évoquant la résolution du Parlement européen sur l’Algérie et la situation actuelle du pays, qu’elle compare à celle d’un « bateau ivre », Amar Belhimer, lui, fait appel à Vladimir Maïakovski, pour démanteler une « fredaine » telle qu’elle a été assimilée par le poète russe. « Je ne mords pas à l’ordure, à l’appât de basses fredaines ». Inspiré par ce passage tiré d’un poème intitulé « Lettre de Paris au camarade Kostrov sur l’essence même de l’amour », le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement sollicite tout son talent d’intellectuel pour résumer la résolution de Strasbourg en un seul mot : une « vulgarité. Une « vulgarité qui véhicule, selon lui, « le flot ininterrompu d’agressions verbales qui nous parvient de France ».
Irrité par « le document en question dressant un tableau sombre de la situation des libertés et droits de l’Homme », en Algérie, Amar Belhimer, qui fut à la fin des années 80 un des précurseurs du Mouvement des journalistes algériens (MJA), sort « l’artillerie lourde » en puisant dans une expérience de plus de 40 ans acquise sur le terrain, pour contrer « ces agressions » qui « empruntent plusieurs canaux : le Parlement européen, les ONG et leurs rares relais médiatiques et politiques locaux ainsi que les réseaux sociaux et leurs influenceurs parisiens ».
Sa réaction reprise par l’agence officielle, APS, diffère des autres réactions de par sa portée intellectuelle, transcendant les prismes politiques à la recherche des véritables causes d’un acharnement, qu’il est peut-être temps d’interpréter dans le cadre de cette conception ségrégationniste de l’anthropologie, telle qu’elle est toujours vue par l’eurocentrisme. « Ce n’est pas la première fois que des lobbies évoluant au sein du Parlement européen tentent vainement d’épingler l’Algérie sur le registre des droits humains et des libertés individuelles, en pondant des résolutions similaires qui, au fil du temps, deviennent ennuyeuses et provoquent un sentiment de « déjà vu » », rappelle-t-il.
« C’est devenu presque un marronnier qui se répète chaque fin d’année. Une sorte de cadeau de Noël ou de service fait à l’adresse des commanditaires qui tirent les ficelles de ces lobbies », écrit-il à l’adresse « de parlementaires européens, censés représenter leurs peuples au lieu de jouer aux mercenaires ».
Se référant à un passage de la réaction du ministère des Affaires étrangères, assimilant le document à un « parchemin frappé du sceau de l’urgence » adopté par le Parlement européen selon « une procédure pour le moins douteuse, dont le contenu outrancier se résume à un chapelet d’injures et d’avanies à l’endroit du peuple algérien, de ses institutions et de l’État algérien, Amar Belhimer répercute l’interrogation d’un ami à lui sur ces tentatives d’ethnicisation de la vie politique, voire de retribalisation de l’identité à l’ère de la globalisation », en citant le témoignage d’un ami à lui. « Les valeurs universelles défendues en grandes pompes par l’UE sont-elles réellement affranchies de l’eurocentrisme » ; s’interroge-t-il à son tour.
« Ces groupuscules sont encore en attente de la promesse de l’ancien président français Nicolas Sarkozy : l’Algérie dans un an, l’Iran dans 3 ans». « Les ONG et leurs relais médiatiques et politiques locaux ne sont pas en reste de ces agressions », relève-t-il, avant de dénoncer l’immaturité des groupuscules laïco-démocrates, ultra-minoritaires dans le corps social et arrimés au sacro-saint logiciel atlantiste transitionnel et constituant, ne laisse planer aucun doute sur leur amateurisme politique, même s’ils font grand bruit dans les médias étrangers ». « Ces groupuscules », a-t-il affirmé, « sont encore en attente de la promesse de l’ancien président français Nicolas Sarkozy : l’Algérie dans un an, l’Iran dans 3 ans ». « Le propos est tiré d’une conversation qui a eu lieu entre le président français Nicolas Sarkozy et le président du Conseil de transition de la Libye en septembre 2011, à l’occasion de la visite de ce dernier en France.
Le ministre souligne par ailleurs que « les relais internes de ces ONG feignent d’ignorer qu’aucun des pays ayant emprunté la voie du processus constituant issu des laboratoires atlantistes n’est sorti indemne de la partition territoriale et de la guerre civile ». « RSF n’a rien d’une ONG. Elle est un élément actif de la chaine d’expression du soft power français à travers le monde »
Il soutient dans le même contexte que « les bouleversements préfabriqués – exportés principalement par les nouveaux acteurs du droit international que sont les organisations dites non-gouvernementales – révèlent chaque jour davantage leur caractère contre-révolutionnaire ». « Des ONG qui ont pignon sur rue à Paris, à Genève ou à Londres, des résidus irréductibles de l’ex-FIS et des partisans du statu quo ante, parfois à partir de leurs retraites dorées (forcées ou choisies), s’attellent à propager les mots d’ordre de désobéissance civile, de troubles et de recours à la violence pour imposer leur logiciel », écrit-il, rappelant le rôle de RSF. « RSF n’a rien d’une ONG. Elle est un élément actif de la chaine d’expression du soft power français à travers le monde, bénéficiant d’ailleurs du soutien, sous une forme ou sous une autre de l’AFD, l’Agence française de développement, de TV5 et de TV5 Monde, chaines de l’Audiovisuel extérieur français, de Radio France, de la Fondation de France, de l’entreprise publique EDF, du ministère de la Culture, du Conseil de l’Europe, de l’Instrument européen pour la démocratie et des droits de l’Homme », fait-il savoir.
RSF est, selon lui, un instrument entre les mains des « fondations américaines, Ford, American Express et surtout la NED, la fameuse National endowment for democracy, le cheval de Troie par excellence des révolutions colorées dans le monde, Maghreb et monde arabe en première ligne ». « L’objectif poursuivi en Algérie est on ne peut plus clair : éloigner l’Armée nationale populaire de son rôle historique naturel de protection de l’État-nation – seul garant de la souveraineté nationale, du progrès et de la justice sociale », conclue-t-il. « Si l’Algérie n’avait pas manifesté une forte volonté de revoir l’accord d’association pour mettre fin à un marché de dupe et avait accepté d’aligner le prix de son pétrole à celui de son gaz naturel, jamais ces pseudos parlementaires n’auraient été poussés à écrire de telles contrevérités », fait-il remarquer. « Si l’Algérie avait renié une partie de sa souveraineté, acquise grâce à un lourd tribut, en acceptant de devenir la décharge, notamment des voitures diesel européennes, devenues une menace pour l’homme européen et son environnement, car « trop polluantes », de telles résolutions n’auraient jamais vu le jour, fait-il observer ».
« C’est parce que l’Algérie campe sur ses nobles positions en faveur des causes justes, à l’instar de celles des peuples sahraoui et palestinien, et refuse toute normalisation avec l’Etat sioniste, très en vogue ces derniers temps, qu’elle fait et fera l’objet d’attaques médiatiques et de critiques de la part de mercenaires de tout bord », argumente-t-il. Selon lui, « la voie idoine empruntée pour ces attaques est la guerre électronique », conçue et développée par la NSO « la plus grande société de surveillance israélienne fondée en 2010 dont le logiciel espion Pegassus est utilisé par certains gouvernements arabes partisans de la normalisation, notamment le Maroc, pour l’intimidation, la menace ou le discrédit des patriotes sur les réseaux sociaux ».
Mohamed Mebarki
L’Est Républicain, 3 déc 2020