Le Parlement européen récidive. Après avoir adopté une résolution d’urgence le 28 novembre 2019 sur la situation des droits de l’homme en Algérie, l’institution parlementaire revient à la charge en votant une autre résolution, le 26 novembre dernier. Pourquoi cette résolution et pour quels desseins ? Qui sont derrière ces rapports ? Deux questions auxquelles nos interlocuteurs ont tenté d’expliquer. «En premier lieu, il est important de souligner que le Parlement européen est une matrice idéologique du sionisme.
Ses résolutions à l’encontre de l’Algérie constituent une continuation des ambitions du président Macron qui se revendique «le patron de l’espace méditerranéen». Dans l’espoir d’atteindre cet objectif, «l’instance européenne est instrumentalisée à souhait par le gouvernement français pour taper sur tout ceux qui n’adhèrent pas à cette thèse», affirme, sans ambages, le professeur Mohamed Taïbi, sociologue et anthropologue. Il est à noter que le Parlement est une représentation des peuples européens et de la société civile des pays membres de l’Union. Le professeur Taïbi est loin d’être favorable à cette définition. «Dans la forme, c’est le cas. Toutefois, cette assemblée est le fief du lobby sioniste et n’œuvre pas pour soutenir les masses populaires en Europe qui a placé ses membres à ce poste. Pour exemple, durant la crise des gilets jaunes en France, à la fin 2018 jusqu’en 2019 et les exactions policières qui ont entaché ces manifestations, ledit Parlement n’a soufflé mot pour dénoncer la violation des droits de manifester, d’expression des Français», rappelle-t-il.
D’autre part, le politologue Idriss Attia dénonce les cosignataires parmi nos compatriotes des résolutions du Parlement européen. «L’élément aggravant dans ces résolutions reste la participation d’organisations qui activent à l’intérieur comme à l’extérieur de notre pays. Des Algériens instrumentalisés par des forces étrangères pour des desseins bien connus, entre autres la déstabilisation du pays, surtout en s’attaquant à l’institution militaire», estime Attia. Evoquant les journalistes emprisonnés et cités dans le rapport européen, il soutient que «ces derniers sont condamnés pour des chefs d’accusation qui n’ont rien à voir avec l’exercice de leur fonction». «A ce titre, j’invite les parlementaires européens à bien lire la nouvelle Constitution qui offre aux journalistes une protection globale dans le cadre de leur mission d’information», fait-il savoir. Dans le même contexte, le professeur Taïbi met l’accent sur le recours systématique d’une certaine opposition en Algérie à l’institution européenne pour exercer une pression permanente sur les pouvoirs publics. «L’instance de l’UE devient de facto le porte-parole des opposants algériens. Elle leur offre cette tribune pour cracher leur venin. C’est là où réside la différence entre le militant engagé et sincère et les pseudo-opposants», soutient-il.
«Le nouveau paradigme de l’indépendance»
La France fait le constat amer de la régression de son influence en Afrique en se voyant bousculer par d’autres acteurs dans la région, surtout la Chine, la Turquie, la Russie… A ce propos, après le hirak et la présidentielle de décembre 2019 qui a vu l’élection à la fonction suprême d’Abdelmadjid Tebboune, l’Algérie a pris une voie pour se soustraire à l’hégémonie de l’ancien colonisateur dans tous les domaines, note Taïbi. «Un nouveau paradigme est en train de se construire pour une indépendance complète de notre pays. Peut-être que cela n’est pas perceptible actuellement, mais cela se fera par étape», rappelle le Pr Taïbi. «L’Algérie dans sa nouvelle conception ambitionne de devenir un pôle régional puissant en Afrique comme en Méditerranée. Mais cela ne va pas plaire à la France qui utilise tous les moyens possibles pour saper cette volonté. Ces attaques du Parlement européen en sont l’exemple parfait. Il faut s’attendre à d’autres manœuvres et s’y préparer», explique-t-il.
Par ailleurs, Idriss Attia a rappelé que durant plus d’une année de manifestations qui a vu défiler des millions d’Algériens, aucune balle n’a été tirée ou une vitrine vandalisée. Manifestants et forces de l’ordre ne sont pas arrivés à l’affrontement, contrairement à d’autres pays. « Les Rifains au nord du Maroc croupissent toujours en prison sous des peines lourdes, mais le Parlement européen est resté sourd. Quelle déduction retenir de ces deux situations ?», s’interroge le politologue.
Karima Dehiles
Horizons, 28 nov 2020
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