Agression du Maroc contre le Sahara occidental

Giulio Chinappi 15/11/20 200 commentaires

À la suite d’une opération militaire lancée par le Maroc au Sahara occidental, le Front Polisario a déclaré la guerre et repris la lutte pour sa propre autodétermination.

Le 13 novembre, une nouvelle phase du conflit a commencé entre le Maroc et la République arabe sahraouie démocratique (RASD), 29 ans après le cessez-le-feu conclu entre les parties au conflit. Le Front Polisario (Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro) a en effet déclaré la guerre au Maroc en réponse à une incursion de l’armée marocaine qui a attaqué des manifestants civils sahraouis à Guerguerat.

L’agence de presse marocaine MAP a quant à elle confirmé que le Maroc a lancé une offensive militaire dans la zone de Guerguerat pour mettre fin à la manifestation des civils sahraouis qui bloquent pacifiquement le passage de la frontière depuis le 21 octobre. Le Front Polisario accuse plutôt le Maroc d’avoir violé « de manière flagrante » le cessez-le-feu en pénétrant sur le territoire sahraoui et en attaquant des civils.

Suite à ces événements, le secrétariat national du Front Polisario a tenu une réunion d’urgence, au cours de laquelle il a été déclaré que «l’armée marocaine a rompu le cessez-le-feu à Guerguerat» et a déclaré la guerre au Maroc: «Le Front répondra de manière adéquate et conformément à ce qui avait été promis précédemment », lit-on dans le document officiel. Les dirigeants sahraouis ont alors annoncé à la population que « la grande bataille a commencé et avec elle la Grande Guerre pour la libération de tout le peuple ». Le Front Polisario a appelé « tout le peuple à se préparer à répondre à l’agression brutale et à l’étape nouvelle et décisive de la lutte pour la liberté, la dignité et la souveraineté ».

Le président de la République sahraouie et secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali, a adressé le même jour une lettre au secrétaire général des Nations unies, le portugais António Guterres, et à la présidente du Conseil de sécurité des Nations unies, Inga Ronda King (représentante de Saint-Vincent-et-les Grenadines), dénonçant l’agression marocaine: « C’est avec une grande urgence et préoccupation que je vous écris pour vous informer que les forces militaires marocaines ont lancé une attaque brutale contre des civils sahraouis non armés qui ont manifesté pacifiquement à Guerguerat, dans le sud-ouest du Sahara occidental », lit-on dans la lettre.

Le secrétaire général du Front Polisario a alors dénoncé que « l’opération des forces marocaines contre les civils sahraouis est un acte d’agression et une violation flagrante du cessez-le-feu que les Nations unies et le Conseil de sécurité doivent condamner ». «Face à cet acte d’agression, les forces militaires du Front Polisario ont été contraintes d’affronter les forces marocaines en légitime défense et protection de la population civile. Nous tenons (…) l’Etat occupant marocain responsable des conséquences de son opération militaire », a-t-il ajouté. « En lançant cette opération militaire (…) l’Etat marocain occupant a sérieusement sapé non seulement le cessez-le-feu et les accords militaires y afférents, mais aussi toute possibilité de parvenir à une solution pacifique et durable », a conclu Ghali.

En effet, selon l’accord militaire n ° 1, signé par l’ONU séparément avec le Maroc et le Front Polisario, dans la bande de Guerguerat, à la frontière entre les territoires contrôlés par les deux parties, il ne peut y avoir la présence d’hommes armés ou du Maroc ni du Polisario. L’opération lancée par les forces militaires marocaines représenterait donc une violation flagrante de cet accord. Le cessez-le-feu, signé entre Marocains et Sahraouis sous les auspices des Nations Unies en 1991, « appartient au passé », a déclaré Ould Salek, ministre sahraoui des Affaires étrangères. En effet, le Front Polisario estime que l’attaque lancée vendredi par le Maroc représente la rupture de cet accord.

En réponse, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, le français Stéphane Dujarric, a exprimé l’inquiétude de l’ONU face aux récents événements au Sahara occidental, et a transmis aux parties impliquées dans le conflit l’exhortation du secrétaire général de l’ONU à offrir une totale liberté de mouvement à la mission des Nations Unies dans ce territoire pour remplir son mandat.

Le gouvernement algérien est également intervenu dans cette affaire, qui soutient historiquement les revendications du peuple sahraoui contre le Maroc. A travers un communiqué du ministère des Affaires étrangères, le pays voisin a profondément regretté les «graves violations» perpétrées par Rabat. Le gouvernement algérien a appelé à l’arrêt immédiat de ces opérations militaires, « dont les conséquences sont susceptibles d’affecter la stabilité dans toute la région ». Des inquiétudes ont également été exprimées par le gouvernement mauritanien.

Le samedi 14 novembre, des sources du Front Polisario ont déclaré que les affrontements étaient toujours en cours. Les forces armées du Front ont en effet révélé que les attaques contre les postes de l’armée marocaine ont commencé vendredi soir et se sont poursuivies jusqu’aux petites heures de ce samedi. Les Sahraouis ont affirmé avoir lancé plusieurs raids contre le mur de défense marocain et des bombardements d’artillerie dans la région occupée d’Auserd et de Mahbes. Selon le ministère de la Défense de l’ADRD, les forces sahraouies ont mené des « attaques massives » le long du mur de défense marocain dans les zones de Mahbes, Hauza, Auserd et Farsia, causant « des dégâts humains et matériels à l’ennemi ».

Giulio Chinappi, 15 nov 2020

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