La Ligue arabe en quête de président de session

Par Mohamed Habili

En septembre dernier, après la Palestine, qui avait renoncé à son tour de présider l’actuelle session de la Ligue arabe, la 154e du nom, en raison de la non-adoption de sa résolution condamnant la normalisation avec Israël par les Emirats et le Bahreïn, cinq autres membres se sont à leur tour excusés de ne pouvoir assumer ce rôle. Ce sont, par ordre d’intervention si l’on peut dire : le Qatar, les Comores, le Koweït, le Liban et la Libye.

Si cette liste n’a pas été plus longue, c’est sans doute parce que l’offre d’occuper le siège laissé vacant par le ministre palestinien des Affaires étrangères ne s’est pas poursuivie. On ne sait trop d’ailleurs comment s’expliquer cette cascade de refus, probablement sans précédent dans l’histoire de l’organisation. Est-ce par répugnance à accepter ce à quoi un autre membre a renoncé de son propre chef, ou par solidarité avec lui ?

Et à ce dernier titre, par conséquent, en manière de condamnation des initiatives des Emirats et du Bahreïn, prises d’ailleurs en contradiction flagrante avec le plan arabe conditionnant la paix avec Israël à l’établissement d’un Etat palestinien. Cela dit, il est bien possible que ce soit pour les deux motifs à la fois : d’une part, pour ne pas avoir à présider une session comportant bien des désagréments, et de l’autre, pour ne pas donner le sentiment d’accabler davantage les Palestiniens.

Ces derniers ne pouvaient décemment pas continuer à présider la session après que leur motion condamnant les initiatives émiratie et bahreïnie n’a pas été adoptée par la Ligue, n’ayant obtenu sur elle qu’une minorité de voix. Toutefois, même attitude abstentionniste lorsque les Emiratis ont proposé une motion contraire, dans laquelle ils demandaient l’approbation de leurs pairs pour leur initiative.

En toute logique, on ne peut s’abstenir et dans le premier cas et dans le second. Si on se refuse à condamner une résolution, c’est qu’on est pour elle, sinon totalement du moins dans une bonne mesure. Et si on est contre elle, c’est qu’à l’inverse, on est pour la condamner. Mais ce n’est pas ainsi que l’entend la plupart des membres de la Ligue, qui veulent conserver leurs bonnes relations à la fois avec les Palestiniens et avec les Emirats et le Bahreïn.

La même incohérence ne peut évidemment pas être imputée à ceux des membres ayant déjà établi des relations avec Israël, c’est-à-dire l’Egypte et la Jordanie. On le peut encore moins s’agissant de la première qui elle s’est empressée de se féliciter de la normalisation en question, à la différence de la Jordanie qui a réservé son opinion.

L’Egypte pourtant n’est pas sans savoir que ce ne sont pas exactement pour les mêmes raisons que les Emirats et le Bahreïn ont normalisé avec Israël. La géographie lui avait fait obligation, comme d’ailleurs à la Jordanie, d’établir des relations diplomatiques avec Israël. Or, ce n’est pas la recherche de la paix qui justifie l’initiative des Emirats et du Bahreïn. C’est même l’inverse, l’idée que la guerre avec l’Iran est quelque chose d’inévitable à terme, et que dans cette perspective l’alliance avec Israël est la meilleure des garanties de ne pas en faire les frais le moment venu.

On peut donc facilement imaginer l’Egypte et la Jordanie se démarquant de l’initiative des Emirats et du Bahreïn, ce que bien sûr elles n’ont fait ni l’une ni l’autre.

Le Jour d’Algérie, 11 oct 2020

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