Le 8 juin éclatait sur tous les téléscripteurs du monde l’annonce de l’attaque pleine d’audace de la capitale mauritanienne, par une unité de l’Armée Populaire de Libération Sahraouie commandé par El Uali Mustafa Sayed, fondateur du Front Polisario.
L’attaque contre Nouakchott n’était isolée, des opérations se déroulaient dans tout le pays, du Nord au Sud, d’Ouest en Est. La spectaculaire opération de Nouakchott est simplement l’extension, à toute la Mauritanie, des combats menés jusqu’alors par le Front Polisario, dans toute la région Nord de ce pays, dans les villes d’Aïn Bentili, Bir Moghrein, Ouadane, Chinguetti, Atar, pour répondre à l’alliance entre le roi du Maroc et Mokhtar Ould Daddah dans l’invasion armée et l’occupation du Sahara Occidental. Des combats sur lesquels les autorités mauritaniennes faisaient le silence le plus total afin que le peuple mauritanien les ignore, se déroulaient régulièrement en effet, depuis janvier 1976, dans la région nord de la Mauritanie.
Avec le bombardement de Nouakchott, le Martyr El Uali visait que le peuple mauritanien prenne conscience des massacres faits en son nom contre le peuple sahraoui frère. Les tirs des mortiers sahraouis se sont abattus sur le palais présidentiel, les stations de radio et télévision, les ambassades et les ministères. Tous les témoignages concordent pour dire qu’une très grande panique s’est emparée de Nouakchott à la suite des bombardements des maquisards sahraouis.
Pour rassurer le peuple mauritanien, le gouvernement d’Ould Daddah a essayé de faire un rideau de fumée autour de cet événement. Pour masquer sa défaite, il a tenté d’expliquer que l’attaque était menée par l’Algérie. Il a tenté ensuite, par une mise en scène utilisant pour décor son propre matériel, d’aligner un équipement militaire impressionnant (devant lequel la population a été invité à défiler) destiné à symboliser les prises de guerre conséquentes à l’anéantissement total d’une colonne armée et blindée de 800 hommes.
Les thèses distillées par le gouvernement Daddah manquaient de concertation et changeaient en fonction de la date, des interlocuteurs et des intervenants, mais il est important d’examiner celles dont la presse s’est fait l’écho.
L’ambassadeur de Mauritanie à Paris (Le Monde du 16/6/76) a fait, par exemple, des déclarations relevant d’une imagination dont les débordements rendent incrédibles la moindre de ses affirmations. Il a parlé d’une colonne du Front Polisario « estimée à 700 ou 800 hommes ». Cela voudrait d’abord qu’entre les limites du Sahara Occidental et Nouakchott, il y a un désert totalement inhabité.
L’attaque qui a eu lieu à 10 heures dans la matinée du 8 juin 1976, est venue déranger les officiels mauritaniens qui étaient entrain de se regrouper pour discuter des dispositions à prendre contre le raid surprise sur Nouakchott intervenu une heure auparavant. Si le gouvernement mauritanien se félicite, à grand bruit, des succès remportés par l’armée mauritanienne avec des chars livrés par la France trois semaines plus tôt, il faut noter qu’il les date du 9 juin (le lendemain du raid sur Nouakchott) et les situe dans la région d’Akjoujt (à 300 km de Nouakchott). Il y a bien eu deux Land-Rover des geurrilleros sahraouis qui se sont trouvées sous le déluge de feu de l’armée mauritanienne. Elle contenaient le Secrétaire Général du Front Polisario et une équipe de déminage qui était entrain d’exploser les points d’eau de la région, à Hassi Bennichab plus précisément.
Ayant des objectifs purement politiques, le bombardement de Nouakchott grâce à des précisions de tirs remarquables a soigneusement évité d’atteindre la population civile. Lors de l’attaque du soir, des fusées éclairantes ont été employées dans le souci d’éviter de faire des victimes civiles. Les tirs ont été dirigés essentiellement sur les cours du palais de Mokhtar Ould Daddah et des ambassades des pays fortement impliqués dans la guerre de génocide menée à l’encontre du peuple sahraoui par les armées marocaine et mauritanienne.
Outre le palais présidentiel et Radio Nouakchott, ce sont les ambassades de France, des Etats-Unis et de la République Fédérale d’Allemagne qui ont été touchées.
Cette ambiance transportée brutalement dans la quiétude de la capitale mauritanienne avait pour objectif de faire prendre conscience à un peuple avec lequel le peuple sahraoui a de très nombreux liens et de très fortes traditions de lutte commune contre l’envahisseur étranger, des crimes perpétrés depuis décembre 1975 contre les enfants, les femmes et les hommes sahraoauis par l’armée de l’ancien interprète colonial devenu président qu’est Mokhtar Ould Daddah.
S’agissant d’une interposition d’ambiance de guerre et non des désolations que sème habituellement la guerre, l’attaque de Nouakchott (dont la très grande vulnérabilité était prouvée à ses habitants) était également destinée à montrer l’absence d’hostilité à l’égard d’un peuple dont le gouvernement se comporte pourtant comme un génocidaire à inviter le dit peuple à se dresser contre un régime dont il est la première victime.
Les objectifs choisis par Eluali Mustafa Sayed sont militaires par les moyens employés mais sont avant tout politiques par les résultats escomptés. Les combats se situant directement dans les pays envahisseurs ont pour objet de montrer aux peuples de ces pays, la matérialité, l’horreur de la guerre et la vulnérabilité aussi des forces expansionnistes mais aussi d’affirmer aux yeux du monde entier la volonté farouche d’indépendance du peuple sahraoui.
Biographie d’El Ouali Moustapha Sayed
Il était le fils d’une famille nomade dans la région de la Hamada, près de Bir Lehlou. Ses parents ont pris une part active comme beaucoup de sahraouis à la première guerre de libération contre le colonialisme espagnol en 1957.
Après l’accord tripartie entre la France, l’Espagne et le Maroc, sa famille fut vicitme de l’Opération « Ecouvillon » organisée par les trois armées contre le peuple sahraoui, opération qui décima le cheptell afin de réduire la résistance et d’urbaniser les sahraouis, leur mouvements étant alors facilement contrôlables.
Sa famille gagne alors le sud marocain. El Ouali commence ses premières études à l’âge de 12 ans, mais doit les abandonner pour secourir sa famille. En 1964, il peut se remettre à étudier, mais est expulsé de l’école pour des raisons politiques. Malgré son âge, il reste attaché à l’enseignement et entre à l’Institut Islamique où il restera 4 ans. Il en sort bachelier, gagne l’Université de Rabat et acquiert les premières notions de sciences politiques.
Durant les vacances qu’il passait parmi les siens en milieu réfugié, il prépare la lutte et donne des cours. De temps en temps, il gagne clandestinement le « Sahara Espagnol » et prend contact en 1972 avec des nationalistes du mouvement du Martyr Mohamed Sidi Brahim Bassiri.
Il participe en 1972 à la manifestation pacifique de Tan-Tan. Il est fait prisonnier, interrogé et torturé durant trois semaines à Agadir. Il réussit à rejoindre le Sahara Espagnol et y poursuit son travail de préparation de la lutte armée.
En 1973, il prend contact en Mauritanie avec le mouvement clandestin des Kadihin et participe le 10 mai à la création du Front Populaire pour la Libération de Saguia El Hamra et Rio de Oro (Front Polisario). Le 20 mai, il prend part à la première attaque contre le poste militaire espagnol d’El Khanga.
Envoyé pour prendre contact avec la Lybie, l’Algérie, il visite les pays arabes et africains. En août 1974, il est nommé Secrétaire Général du Front Polisario. A la tête de différentes délégations, il rencontre Kurt Waldheim, Secré
taire Général de l’ONU, Cortina Mauri, ministre espagnol des affaires étrangères, Olof Rydbeck envoyé de K. Waldheim. Il a pu aussi rencontrer le président de la République Islamique de Mauritanie en 1975.
El Ouali, devenu Secrétaire Général, reste un homme du peuple qu’aucune question ne laisse indifférent. Son intelligence très vive fait de lui un excellent organisateur. C’est de plus un homme de grande énergie qui, par son activité débordante, a su se faire apprécier très vite dans tout le Maghreb. Son nom de héros ne vient pas seulement de son militantisme quotidien pour changer les conditions héritées du colonialisme, mais aussi de son courage et de son audace qui mènent les combats à la victoire.
El Ouali restera le symbole de la liberté, de la dignité et l’honneur de tout un peuple. Ce peuple lui a rendu hommage en restant fidèle aux principes auxquels il a consacré sa vie.
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