Infiltration et manipulation des mouvements sociaux
Analyste politique algérien, Ahmed Bensaâda est enseignant à l’université d’Oran. Il anime un site sur Internet où il publie ses travaux et ses interventions dans la presse. Son thème favori : les mouvements sociaux et le rôle des services de renseignements, notamment la CIA, dans leur manipulation. Il s’est intéressé particulièrement au « printemps » dit arabe et aux soulèvements appelés « révolutions de couleur » ayant ébranlé entre 2 000 et 2 005, l’Ukraine, la Biélorussie, la Géorgie, la Serbie et le Liban.
Dans un entretien accordé à l’APS, il a plaidé pour un encadrement juridique du financement étranger des Organisation non gouvernementales, appelant les autorités à prendre des mesures radicales contre les ONG impliquées dans les manifestations en Algérie. Il a estimé qu’il s’agit d’un « point sur lequel il est impératif de se pencher sérieusement dans un avenir très proche ».
« En Algérie, plusieurs ONG locales financées par les organismes américains ont été très visibles lors des manifestations, aussi bien en 2011 que lors du Hirak, en 2019-2020 », a-t-il fait savoir, soulignant que « lors des protestations populaires, les activistes de ces ONG se mettent aux premières loges des manifestations et tentent de les diriger selon des agendas concoctés à l’étranger ». «Il est quand même curieux de constater que les ONG qui reçoivent des subsides étrangers sont toutes sur la même longueur d’ondes concernant leurs revendications », a-t-il noté, en soutenant que « des activistes locaux, regroupés ou non dans des ONG locales sont choisis, financés, formés et mis en réseau dans leur région d’appartenance comme la région MENA pour les pays arabes ».
En outre, il a fait savoir que l’utilisation de ces organismes a prouvé l’efficacité du « soft power » américain dans les « Révolutions de couleur » (Serbie, Géorgie ou Ukraine) et lors du « printemps » dit arabe en Tunisie, Egypte, Libye, Syrie et Yémen. Ces ONG ont été, selon lui, bannies de certains pays comme la Russie, la Bolivie, Cuba, l’Equateur, Dominique, Nicaragua et Venezuela. Certains pays du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se sont dotés de lois interdisant ou renforçant le contrôle des ONG sur leurs sols, poursuit-il. Il cite aussi l’exemple de l’Egypte et des Emirat arabes, qui ont imposé l’obligation à ces ONG de s’enregistrer auprès des autorités sans quoi, elles risquent la saisie de leurs biens ou des poursuites judiciaires.
Rappelant la position de la militante Ana Minski, qui renvoie la prolifération des ONG au Sud, dans les années 1990 à l’affaiblissement des capacités gouvernementales et à la soumission des Etats à « des politiques néolibérales qui se sont imposées dans le contexte d’un capitalisme mondialisé et fortement financiarisé», il estime que les politiques d’austérité ont contraint les gouvernements à se tourner vers les ONG. Il a expliqué par ailleurs ces ONG distribuent au compte-gouttes, sous forme d’aide ou de bénévolat, ce à quoi les gens devraient normalement avoir droit, ce qui amène certains spécialistes à les qualifier de « cheval de Troie du néolibéralisme».
En conclusion, l’auteur de l’enquête sur les « révoltes arabes », intitulée « Arabesque américaine » a suggéré la satisfaction de certains critères pour mériter l’appellation d’ONG, dont « l’origine privée de sa constitution, le but non lucratif de son action, son indépendance financière, son indépendance politique et la notion d’intérêt public de sa mission ».
Dans le cas d’un nombre important d’ONG ayant pignon sur rue, ces conditions ne sont jamais réunies et les financements non-contrôlés sont souvent d’origine étrangère, fait-il observer.
Synthèse M.M
L’Est Républicain
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