Plusieurs eurodéputés ont tiré la sonnette d’alarme sur la situation inquiétante des détenus du Hirak du Rif et des prisonniers sahraouis au Maroc, lors d’une visioconférence organisée récemment par l’ONG « Freedom and Human Rights Organisation ». La visioconférence mise à profit par les eurodéputés, a permis de jeter le voile sur « la situation inquiétante des détenus du Hirak du Rif et des prisonniers sahraouis au Maroc », constituant également une occasion pour tirer la sonnette d’alarme sur l’instrumentalisation de la pandémie de Covid-19 comme « moyen de pression et d’atteinte à l’intégrité physique de ces détenus politiques ».
Quatre eurodéputés membres de la Commission en charge des Droits de l’Homme au Parlement européen, en l’occurrence les néerlandaises Kati Piri et Tineke Strik et les espagnols Miguel Urban Crespo et Pernardo Barrena Arza, ont exprimé leur inquiétude quant à l’exploitation du contexte de crise sanitaire mondiale liée au Covid-19 à des fins de répression des détenus politiques au Maroc, notamment ceux originaires de la région du Rif et des territoires occupés du Sahara occidental. »Dans le contexte du coronavirus, il y a de fortes raisons de s’inquiéter de la situation des prisonniers sahraouis et rifains », d’autant que « les prisons marocaines ne sont pas conformes aux standards internationaux et souffrent d’un manque patent d’infrastructures sanitaires », a déclaré M. Barrena, avant que sa collègue néerlandaise, Mme Strik, n’indique que « beaucoup de manquements sont à relever dans un pays caractérisé par l’oppression et par un déficit démocratique » et d’ajouter que ces manquements sont « le cas typique d’instrumentalisation de la pandémie par un pouvoir autoritaire ».
Pour sa part, l’eurodéputée Piri a regretté le fait que le Maroc persiste sur la voie de l’oppression et de la violation des droits de l’Homme, malgré les multiples mises en garde de la communauté internationale et l’appel lancé par le Haut-Commissaire aux droits de l’Homme en faveur de la libération des prisonniers en période de pandémie. L’eurodéputée néerlandaise a rappelé le fait qu’elle a envoyé une lettre au ministre marocain de la Justice lui demandant de libérer les prisonniers politiques « pendant cette pandémie qui trouve, dans les établissements pénitentiaires marocains, un foyer de propagation, en raison du manque des mesures d’hygiène et de distanciation sociale ». Elle a également déploré que les récentes libérations annoncées au Maroc n’aient pas touché les prisonniers politiques et les détenus d’opinion, rappelant que ses missives n’ont jamais reçu de réponse, y compris celle adressée au Roi Mohammed VI. Pour ces eurodéputés, l’heure est à l’action et l’Union européenne (UE) doit s’acquitter de ses obligations face à ce type de violation des droits de l’Homme. »L’UE doit dénoncer les violations récurrentes des droits de l’Homme par le Maroc et adopter une position politique forte qui ne doit pas être fonction d’intérêts économiques et sécuritaires étroits », a insisté, pour sa part, l’eurodéputé Urban Crespo.
Annuler les peines prononcées à l’encontre de Zefzafi
Il a également appelé le président du Parlement européen, Mme David Sassoli, à exiger au gouvernement marocain l’annulation des peines à l’encontre du leader du mouvement de contestation rifain, Nasser Zefzafi, finaliste de prix Sakharov en 2018. En outre, Mme Piri a assuré que « les violations des droits de l’Homme au Maroc sont au cœur du travail qu’elle mènera durant les prochaines années au parlement européen, de même que sa compatriote, qui a indiqué qu’elle œuvrera pour l’inscription de cette question à l’agenda du Parlement européen. » Ce doit prendre cette question au sérieux », a-t-elle insisté, appelant les diplomates étrangers installées au Maroc à soulever ces problèmes avec les autorités marocaines. Pernardo Barrena a reconnu que beaucoup de ses compères, des différents groupes politiques au sein du Parlement européen, sont otages des positions officielles de leurs États-membres et de leurs intérêts propres vis-à-vis du Maroc.
« Cette situation rend difficile l’adoption d’une position ferme à l’égard des violations des droits humains commises par le Maroc », a-t-il regretté. Il a considéré que la mise en place au niveau du Parlement européen d’un groupe de solidarité avec le Rif est d’une importance capitale en vue de mobiliser plus de soutien à cette région et combattre les fausses informations qui parviennent aux eurodéputés sur la véritable situation de cette population marginalisée du Maroc. M. Barrena a expliqué que « nous avons demandé au gouvernement espagnol de maintenir une position plus ferme envers le Maroc, s’agissant du respect des droits de l’homme ou d’autres aspects concernant le Rif et la situation au Sahara occidental ».
Il a précisé que « l’Espagne se montre assez faible pour demander au régime marocain de respecter les droits de l’homme en raison du fardeau de l’histoire et de l’épineuse question de gestion des flux migratoires », indiquant que « l’Europe est très consciente de cette situation ».
Pour sa part, M. Miguel Urban a considéré qu’il est fondamental que l’UE insiste sur la question des droits de l’Homme au Rif, pour amener le Maroc à remplir ses obligations en la matière. Il a notamment noté que les droits de l’Homme au Maroc sont toujours violés et que « toutes les plaintes, toutes les demandes que nous avons formulées jusqu’à présent n’ont pas eu de résultats concrets, mais nous pourrions créer un mouvement qui puisse aider le Rif », a-t-il annoncé, en proposant d’ »organiser un mouvement à l’intérieur de la région pour aider ses populations à réaliser leurs aspirations en matière de libertés et de développement ». Enfin, les députés européens se sont mis d’accord pour multiplier ce genre de conférences, en vue de coordonner leurs actions et faire avancer les droits de l’Homme au Maroc.
M. B.
Le Courrier d’Algérie, 28 mai 2020
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