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A
Monsieur le Secrétaire Général
– Maec –
Objet : Question nationale / Démarches du Polisario auprès des Département des Affaires Juridiques des Nations Unies.
Vous avez bien voulu solliciter l’avis de cette Direction concernant les éléments d’information transmis par la Mission Permanente du Maroc auprès des Nations Unies à New York, et faisant état de discussions engagées par le Polisario le Département des Affaires juridiques des Nations Unies, au sujet de certains aspects légaux liés à la Question Nationale.
Lesdites discussions semblent avoir été initiées depuis un certains temps et donné lieu à des actions concrètes de la part du Secrétariat sur certaines questions, et sur l’ouverture de discussions (toujours en cours) sur d’autres. Le Maroc ne peut rester passif face à ces évolutions. Ci-après les observations préliminaires de cette Direction en la matière :
1. Les 6 questions objets des démarches du Polisario soulèvent 3 thématiques, interconnectées politiquement mais différenciables juridiquement.
La thématique du statut du territoire. Cette thématique se trouve interpellée, directement, à travers les questions de l’exploitation des ressources naturelles, de la désignation géographique et de la représentation cartographique du territoire. De manière plus dangereuse, le statut du territoire est interpellé, indirectement, à travers le faux problème de l’apposition de tampons du Polisario sur les documents de voyage des visiteurs à l’Est du mur (y compris la Minurso) ; mesure qui – si elle est reconnue par l’Onu – consacrerait une partition de jure du territoire en deux parties de chaque côté du mur, là où la distinction actuelle n’est que politique et ne se base que le fait accompli (non définitif) de la présence du Polisario à l’Est du mur.
La thématique du statut des « parties » vis-à-vis du territoire. A cet égard, il est manifeste que le Polisario – en faisant la démonstration de son « effectivité exclusive » à l’Est du mur – cherche à se donner un statut territorial, là où il n’a actuellement qu’u statut politique (et militaire). Ipso facto, il tend à brider les compétences légalement reconnues au Maroc sur le territoire, notamment celles découlant du Sofa de 1999 et concernant l’entrée, le séjour et le départ des membres de la Minurso du territoire. Ainsi, l’enjeu – dont le Secrétariat des Nations Unies ne semble retenir que l’aspect technique et symbolique – est en réalité de nature à modifier fondamentalement les termes politiques et juridiques mêmes du conflit. Derrière l’idée de « statut égal / traitement égal », se profile l’objectif inhérent à la théorie des « territoires libérés », et qui n’est autre que de faire passer le Polisario de la situation d’un mouvement flottant en exile, à une situation où son implantation territoriale serait non seulement un fait accompli, mais aussi une réalité politique légalement reconnue. Or, en termes juridiques, ceci revient à créer un « changement fondamental de situation » au sens du Droit international (rebus sic stantibus), qui est de nature à justifier et à autoriser un ajustement du cadre juridique régissant les multiples aspects du différend.
La thématique du statut du Polisario auprès des Nations unis. A cet égard, l’enjeu manifeste du Polisario est de se prévaloir de la « nouvelle situation sur le terrain » pour revendiquer un statut lui permettant une légitimité et une liberté d’action plus importantes à l’Onu. Ceci n’est pas sans rappeler l’intérêt dont le Polisario avait fait montre en 2007-2008, pour un statut d’Observateur à l’Onu. Dans le même ordre d’idée, l’on se rappelle de la tentative de l’ancien Représentant Spécial du SG, l’italien Francesco Bastagli (dont les affinités pro-Polisario sont depuis sortie au grand jour), de faire admettre au Département des Opérations de Maintien de la Paix l’idée de la conclusion d’un Mémorandum d’entente avec le Polisario, sous prétexte de gérer les activités de la Minurso à l’Est du Mur.
2. La demande du Polisario d’apposer son tampon sur les passeports des membres de la Minurso en mission à l’Est du mur n’a aucun fondement juridique.
Les règles régissant l’entrée et les déplacements des membres de la Minurso dans la Zone de mission, sont contenues dans l’Accord Sofa conclu entre le Maroc et les Nations Unies le 11 février 1999 à New York. L’Accord militaire n°.1 conclu séparément par le Maroc et le Polisario avec la Minurso, contient également certaines dispositions pertinentes.
L’examen de ces Accords permet de conclure que, non seulement aucune de leurs dispositions ne justifie ni n’autorise l’exigence du Polisario, mais aussi que l’esprit et la lettre desdits Accords s’y oppose purement et simplement.
En effet, contrairement aux Accords militaires – qui sont conclus de manière triangulaire entre la Minurso d’un côté et le Maroc et le Polisario de l’autre côté, le Sofa, lui, est conclu exclusivement avec le Maroc. Il ne reconnait que l’autorité du Gouvernement marocain et en fait l’interlocuteur unique et exclusif de la Minurso, notamment en matière de facilitation de l’entrée et de la sortie des membres de la Minurso dans la Zone de mission.
De même, le Sofa appréhende la Zone de mission comme un tout indivisible. Son §.1 (b) définit la Zone de mission comme étant « le territoire du Sahara occidental et les emplacements désignés au Maroc nécessaire à la conduite des activités de la Minurso ». Il en découle que la partie à l’Est du mur n’est pas une « zone de mission distincte » (comme le voudrait le Polisario), ni même une subdivision de la Zone de mission. Elle n’est autre qu’une une partie indifférenciée de la Zone de mission, où le Sofa doit s’appliquer intégralement.
En matière de mobilité des membres de la Minurso, le §.38 du Sofa distingue deux situations :
Les déplacements à l’intérieur de la Zone de mission ne nécessitent que des documents d’identités délivrés par la Minurso ;
Les sorties et entrée dans la Zone de mission, nécessitent que les membres de la Minurso disposent de passeports individuels ou collectifs en cours de validité, accompagnés d’un ordre de mission délivré par les Nations Unies.
Il en découle que les déplacements membres de la Minurso entre l’Ouest et l’Est du mur constituent des déplacements « dans la zone de mission ». A ce titre, ils ne peuvent être soumis à un régime dérogatoire à celui prévu par le Sofa (§.38).
3. L’Onu est fondée et outillée pour faire preuve de fermeté à l’égard du chantage du Polisario
L’attitude passive, hésitante et excessivement conciliante de l’Onu à l’égard de la demande du Polisario, est difficile à comprendre. Devant la limpidité des dispositions du Sofa, l’Onu est parfaitement fondée – et même tenue – de rejeter purement et simplement la demande du Polisario d’imposer ses tampons sur les passeports des membres de la Minurso.
Ceci d’autant plus que le Polisario n’a aucun argument juridique valable à faire valoir à l’appui de sa demande. Au mieux, il peut restreindre les activités et déplacements des membres de la Minurso dans la partie à l’Est du mur, en guise de rétorsion.
Une telle action du Polisario revient à imposer une restriction indue et injustifiée aux déplacements des membres de la Minurso, et donc à compromettre leur liberté de mouvement. En plus d’être un chantage auquel les Nations Unies n’ont pas intérêt à céder, l’attitude du Polisario recèle un risque de compromettre le Sofa et, par delà, de mettre en danger l’intégrité du mandat de la Minurso. Le Polisario se rendrait, alors, coupable d’une violation caractérisée de l’Accord militaire n°.1.
En effet, l’article 4 de l’Accord militaire n°.1 dispose que « les observateurs militaires ont totale liberté de mouvement/d’action pour mener à bien les tâches […] dans la zone de responsabilité de la Minurso, et tout restriction à cette liberté de mouvement et d’action constitue une violation. […] Toute attitude ou action visant à intimider les observateurs militaires constitue une violation ».
4. Conclusion et recommandations
Il est clair que la volonté du Polisario d’apposer son tampon sur les documents de voyage des membres de la Minurso, n’a aucun fondement juridique.
Le Polisario ne peut imposer sa volonté au mépris des instruments juridiques applicables, conclus entre le Maroc et l’Onu.
Les Nations Unies ne peuvent céder au chantage du Polisario, sans compromettre ces instruments juridiques et, à travers eux, l’intégrité de leur mandat.
Le Maroc gagnerait à faire preuve de fermeté à l’égard des Nations Unies, car c’est à eux que revient la responsabilité de préserver l’intégrité desdits instruments juridiques, et qui sont juridiquement outillés à cet effet.
Toute tentative du Polisario d’empêcher ou de restreindre les déplacements des membres de la Minurso dans une partie quelconque de la Zone de mission, où même de les intimider pour les dissuader de s’y rendre, constitue une violation de l’Accord militaire n°.1.
La Minurso peut exiger du Polisario de renoncer à toute volonté de restreindre ses activités, sous peine d’activation de la « procédure en cas de violation », telle que prévue par l’article 5 de l’Accord Militaire n°.1. Cette procédure prévoit, en première étape, un avertissement écrit et, en deuxième étape, une action diplomatique entreprise par les Nations Unies. Cette action diplomatique peut prendre la forme d’une intervention du SG ou du Conseil de Sécurité. Faut-il rappeler que la pratique du Conseil de Sécurité révèle une fermeté particulière à l’égard de toute partie responsable de restrictions graves aux activités des Opérations de Maintien de la Paix ou mettant en danger la sécurité de leur membres.
Le Maroc gagnerait à entreprendre, avec diligence, les démarches appropriées auprès du Secrétariat, pour le pousser dans ce sens, et prévenir un arrangement qui se ferait au détriment de ses intérêts.
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