Mohamed Mahmoud
Au début de l’année 1975, j’ai eu l’occasion de travailler pendant quelques mois à la Radio espagnole d’El Aaiún, à l’époque sous occupation espagnole. Parmi ses programmes se trouvait Taraïf wa hikayate sahraouiya (Comptes et relats sahraouis) dirigé et présenté par un homme aveugle mais qui jouissait d’une autonomie surprenante : Sidati Ould Sellami. Il se débrouillait pratiquement tout seul pendant qu’il préparait son émission si chère à la population sahraouie.
Je viens d’apprendre qu’il n’est plus de ce monde. Une nouvelle triste pour le peuple sahraoui non seulement parce qu’il a consacré sa vie à la préservation et la diffusion de la culture populaire en tant qu’élément de l’identité nationale qui nous distingue des peuples voisins, mais aussi un militant qui a connu les prisons et la torture marocaines les plus atroces. En vue de lui faire parler, les marocains torturaient sa fille sans pitié.
En 1987, Sidati se rendait parfois à la ville de Las Palmas où il retrouvait Ualina Chej Lekbir, responsable de la diaspora sahraouie dans la capitale canarienne. Il lui transmettait des précieuses informations sur l’occupation marocaine et ses pratiques de répression. Le Sahara Occidental se préparait à accueillir une mission onusienne dans le cadre du processus de paix qui aboutira à un cessez-le-feu le 6 septembre 1991. Le jour de son arrivée, Sidati venait d’arriver de Las Palmas avec des brochures et des drapeaux de la RASD qui seront brandis devant la mission onusienne. Ils se sont réunis le long de l’autoroute qui mène de l’aéroport vers la ville. Ils ne s’attendaient pas à ce que les marocains fasse recours à une vieille ruse que le Makhzen utilisait lorsque le roi Hassan II avait l’intention de se déplacer entre les villes marocaines.
Les autorités marocaines ont préparé un faux convoi diplomatique. En voyant les limousines arriver, Sidati et les siens ont pensé que c’était le cortège de la mission onusienne et ils ont sorti leurs drapeaux et leurs tracts. C’était le moment attendu par les forces de police. Sidati et des centaines de jeunes ont été emprisonnés et torturés.
On raconte qu’en dépit de sa cécité, Sidati a appris à démonter et à réparer le magnétophone qu’il portait lors de ses randonnées à travers le désert du Sahara dit Espagnol en quête de comptes et de fables pour son programme.
Aujourd’hui, il n’est plus, mais sa place a été forgée dans la mémoire de chacun des sahraouis par son intégrité, sa sagesse et son travail infatigable en vue de sauvegarder le patrimoine culturel sahraoui que l’occupation marocaine tente d’effacer.
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