Depuis le 19 septembre dernier le gouvernement de la république du Tchad est remonté à fond contre la Mission Internationale des Nations Unies pour la stabilité au Mali (MINUSMA). Il n’a d’ailleurs pas pris les gants pour le faire savoir urbi et orbi, menaçant carrément de ramener ses « boys » à N’Djamena si le traitement de ceux-ci n’était pas revu et corrigé dans des délais brefs.
Raison de cette violente montée d’adrénaline : les autorités tchadiennes ont fini par comprendre – et il leur a fallu du temps et des dizaines de morts pour faire l’addition – que les soldats tchadiens ne sont considérés que comme quantité négligeable malgré leur présence constante sur les premières lignes de la guerre du Mali. Un théâtre d’opérations sur lequel ils ne bénéficient d’aucune des conditions courantes réservées à toutes les troupes des autres pays présentes sur le terrain : Ni relève réglementaire, ni le moindre soutien logistique, et encore moins les commodités ordinaires d’alimentation ou de déplacement.
Pourtant Dieu seul sait que sans l’engagement – à la limite suicidaire des soldats tchadiens dès le début des hostilités – les forces française auraient été hachées menu et éparpillées sans la moindre chance par les terroristes et autres djihadistes qui se mouvaient dans le relief terriblement dangereux des Iforas comme des scorpions dans le désert.
Le gouvernement d’Idriss Deby ayant donc fini par réaliser, après plusieurs dizaines de morts et de mutilés, que ses hommes ne sont rien d’autre que de la chair à canon au Mali, il a rué dans les brancards, et ne supportant plus ce qu’il a qualifié de « traitement discriminatoire », il a donné de la voix et exigé que le traitement des éléments de ses troupes change. Avec à l’appui une menace à peine voilée.
Il est en tout cas curieux que ce ne soit qu’aujourd’hui que le gouvernement aveugle, sourd et muet de Deby a compris que ses militaires ont joué à merveille le Remake des tirailleurs nègres uniquement bons pour les premières lignes, inventé avec succès par la France justement, depuis la guerre de 14/18.
Il est clair qu’au moment où François Hollande avait décidé de se transformer en justicier, il ne portait pas spécialement le maitre de N’Djamena dans son cœur; pour tout dire, il ne le considérait que comme ce qu’il est en réalité : un petit roitelet nègre, assassin d’habitude qui opprime ses concitoyens, se maintient depuis plusieurs décennies au pouvoir par la force des armes et par une répression barbare à l’égard de la moindre opposition ou revendication.
Sans qu’il n’ait été sonné, et alors que le Mali se trouve bien loin de l’Afrique centrale, le général-Président du Tchad s’est proposé d’envoyer ses troupes en première ligne – arborant comme pedigree les scalps de tous les chefs de la rébellion du Tchad qu’il a tués ou fait disparaitre.
Et ça a marché. Les guerriers tchadiens ont fait preuve d’une extraordinaire efficacité, s’offrant même en rabiot le luxe d’abattre le plus dangereux des chefs djihadistes.
Il n’en fallut pas plus pour que le dictateur tchadien entre dans l’estime du président mou qui était bien content d’économiser ses hommes dans cette guerre qu’il avait entreprise pratiquement à la légère et de compter par dizaines les morts tchadiens qui sautaient chaque nuit sur les mines ou étaient canardés comme des lapins dans les embuscades sous l’étendard bleu blanc rouge.
En faisant les comptes, c’est bien le contingent tchadien qui a payé le plus lourd tribut dans ce conflit qui a commencé comme une intervention privée de la France, mais qui – à la longue – a changé de forme et de format aujourd’hui, puisque ce sont des forces des Nations Unies qui sont officiellement engagées et qui assurent et la logistique, et les salaires, et bien entendu la sécurité des soldats présents sur le terrain.
Mais malgré le changement de statut, les bidasses tchadiens demeurent les enfants pauvres d’un conflit dans lequel ils n’ont été expédiés que pour la gloriole d’un potentat qui a, jusqu’ici, donné l’impression de ne vouloir aucune contre partie.
Ce qui est certain est que ni la France, ni les Nations Unies ne peuvent se passer de la chair à canon à bon marché du Tchad. Les choses vont certainement s’arranger sans trop de mal, et les tchadiens continueront de se faire buter dans le désert malien. Pendant que, de son côté, Idriss Deby continuera à jouer les Tartarin des tropiques sans coup férir. Il sait que les troupes de Barkhane sont logées dans son aéroport – à N’Djamena, par conséquent, tous les caprices lui sont permis. Suite logique : d’ici quelques temps, les Nations Unies auront vite fait de régler le problème de ses hommes.
Des hommes qui devraient se poser des questions profondes sur leur véritable statut tant dans la vie que sur leur motivation réelle à risquer leur vie sous le soleil ultra torride du Mali.
Ils ont certes choisi le métier des armes. Mais c’était pour défendre leur pays, et non pour se mettre au service d’un mégalomane qui les utilise sans vergogne comme le ferait un bambin de soldats de plomb.
Les militaires Tchadiens devraient réaliser une fois pour toutes qu’ils ne sont rien d’autre que des marionnettes entre les mains d’un va-t-en guerre impénitent qui n’aime que la guerre et qui éprouve un plaisir jouissif à s’adonner à la guerre. La guerre au Mali, il y est. La guerre en Centrafrique, il y envoie de pauvres tchadiens qui ne pensent qu’à vivre et non à tuer ou se faire tuer à crédit. La guerre au Nigéria, il y songe déjà en s’impliquant dans un processus alambiqué concernant le bassin du Lac Tchad, où, c’est certain, il sera le premier à mobiliser des militaires.
Combien de centaines de militaires tchadiens encore perdront la vie pour que les autres, tous les autres, refusent d’aller faire des guerres qui ne sont pas les leurs ?
Par D.D | Ndjamena-matin
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