Par Andrew Korybko − Le 18 mars 2020 − Source cgtn.com
L’apparition soudaine du COVID-19 dans tout l’Occident a entraîné une série de décisions d’urgence prises par des dizaines de gouvernements qui auraient été impensables il y a quelques semaines à peine. De la fermeture de pratiquement toutes les entreprises, sauf les plus essentielles comme les pharmacies et les épiceries, aux quarantaines obligatoires pour des pays entiers, les Occidentaux n’ont jamais connu de mesures aussi extrêmes, même en temps de guerre.
Ces politiques nécessaires ont toutefois des conséquences indésirables de grande envergure dans les domaines social, économique et politique.
Les Occidentaux ont pour usage de se déplacer à leur guise, mais désormais la plupart d’entre eux sont obligés de rester chez eux, sauf pour se rendre dans les quelques commerces essentiels qui restent ouverts. De nombreuses personnes craignent aujourd’hui pour leurs moyens de subsistance parce qu’elles ont vécu au jour le jour et n’ont pas pu mettre assez de côté pour le proverbial « jour de disette » – ou dans ce cas, au moins « deux semaines de disette ».
D’autres encore craignent que leurs gouvernements n’exploitent à l’avenir ces décisions d’urgence pour des raisons politiques d’intérêt personnel.
Dans l’ensemble, la société occidentale semble avoir fondamentalement changé à la suite de COVID-19. Il semble impossible, du moins à ce stade précoce des tentatives de confinement d’urgence, d’imaginer que la vie puisse un jour redevenir ce qu’elle était.
Les étudiants suivent désormais des cours sur ordinateur plutôt qu’à l’école, des personnes qui pensaient vivre confortablement attendent désormais désespérément une aide gouvernementale pour les aider à joindre les deux bouts, et le scepticisme antigouvernemental croissant qui a marqué ces dernières années s’est encore accentué.
Qu’importe la durée qu’il faudra pour vaincre le COVID-19, l’humanité l’emportera certainement après que la Chine aura montré au monde que c’est effectivement possible – pourvu que chacun fasse sa part de sacrifices pour le bien commun, mais beaucoup de ces changements d’urgence pourraient devenir la nouvelle norme.
On peut comprendre que les gens deviennent réticents à avoir autant de contacts sociaux qu’auparavant, d’où la raison pour laquelle l’apprentissage en ligne pourrait devenir la norme. Ceux qui peuvent travailler à domicile continueront probablement à le faire pour la plupart, et les sceptiques envers le gouvernement pourraient être pris plus au sérieux.
Les ressortissants allemands ont été interdits de voyager pour les vacances. AFP
Le « bon vieux temps » qui consistait à ce que chacun aille où il veut (surtout dans l’UE), à ne pas trop se soucier de l’emploi et, d’une manière générale, à faire confiance aux gouvernements pour faire respecter les droits constitutionnels à tout prix semble presque être un rêve lointain après tout ce qui s’est passé au cours de ces deux dernières semaines.
On peut même dire que beaucoup sont nostalgiques de ces moments, appréciant enfin ce qu’ils auraient pu considérer auparavant comme acquis mais aussi peut-être en voyant les choses sous un jour nouveau comme étant beaucoup plus fragiles que dans leurs rêves les plus fous.
L’ennemi invisible qu’est le COVID-19 a littéralement entraîné des changements plus visibles que l’ennemi semi-invisible du terrorisme qui était considéré comme le principal ennemi de l’Occident. Tout comme le 11 septembre a transformé l’essence de la société occidentale, les deux premières semaines de mars 2020 pourraient avoir un effet similaire.
Tout s’est finalement calmé après ces terribles attaques terroristes, tout comme ce qui se passera avec cette épidémie virale. Cependant, il est naturel que les personnes les plus directement touchées dans les deux cas se souviennent de l’histoire en termes d’« avant et après » ces événements.
Certes, les changements sociaux resteront toujours flexibles dans une certaine mesure, mais il restera à voir quelle sera la profondeur des changements structurels dans les domaines économique et politique.
La nationalisation des hôpitaux et des établissements de santé en Espagne, ainsi que la possibilité tout à fait réelle de répéter ce modèle ailleurs en Occident, pourraient complètement transformer l’économie occidentale, sans parler des programmes de soutien gouvernementaux de plusieurs milliards de dollars (« renflouements ») qui sont en cours de discussion entre les citoyens pour les industries clés.
Sur le plan politique, il est encore trop tôt pour dire quels seront les changements, mais il est incontestable que le processus démocratique a été perturbé, au grand dam de quelques personnes qui ne comprennent pas la nécessité de ces mesures d’endiguement d’urgence ou qui craignent sincèrement que leurs gouvernements ne profitent du précédent qu’elles viennent de créer.
Quoi qu’il en soit, on peut conclure que COVID-19 pourrait changer fondamentalement la société occidentale de manière très radicale.
Andrew Korybko est un analyste politique américain, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
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