par El Yazid Dib
La situation s’empire et va devenir de plus en plus dangereuse. Si au début, la chose n’était pour certains qu’un subterfuge pour déjouer la détermination du Hirak, maintenant la prise de conscience a gagné presque tous les cœurs y compris ceux des plus récalcitrants. Le danger est à la porte.
Le mardi, ils ont marché…vers les autres pour favoriser l’expansion. Malgré l’appel au report des habitués ou des détenteurs de leadership virtuel ; les rassemblements ont eu lieu, quoique en moindre densité. Ce « hirakicide » va non seulement disjoindre le noble Hirak originel et accentuer son essoufflement mais créera inutilement de la répréhension envers ceux qui le soutiennent. L’espoir pour le vendredi, sera dans l’établissement d’une interdiction ordonnée par le président et à imposée a tout rassemblement ou marche. Un mort n’a plus besoin de liberté et cette dernière n’est faite que dans la dignité de ceux qui aspirent à vivre heureux en laissant les autres le faire également.
Le monde est en guerre. L’ennemi, n’a aucun arsenal militaire ni domination économique. Il est là. Invisible, invincible, apatride. Il a brisé tous les accords d’union, violé toutes les frontières. Sans drones, sans agent-espions, sans nulle stratégie juste une sournoiserie biologique ; il a mis en échec toute les sciences humaines, les grands trusts et les puissantes nations, leurs divers modes protectionnistes, leurs murs défensifs, leurs réseaux d’intelligence. Rien ne semble lui résister. Peut-être une gousse d’ail, un peu de savon de Marseille ou quelques goûtes d’eau de javel. Du tout-venant. La panique au recours à du n’importe quoi. Devant le sauve-qui-peut, toutes les directions deviennent de bonnes destinations.
Le devoir humanitaire de décréter le confinement devient un impératif patriotique. Le président attend, le cas échéant la phase 3. Il ne s’agit plus de simple ordre public ou de quiétude ordinaire. Il y va de la vie de tout le monde. La constitution en son article 105 permet au président de la république, le haut conseil de sécurité réuni de déclarer l’état de siège ou d’urgence en cas de grave situation. Etat d’urgence, de siège ou d’exception nous ne sommes plus à quelques différences de définition théorique de concepts constitutionnels, mais à un infime micron d’un suicide collectif. Une tragédie nationale. Il y a péril imminent, nécessite impérieuse. Eh bien s’en est là, un cas. Ils tergiversent mais Ils finiront par le faire et ca sera un peu trop tard. A quoi rime, la sortie en vacances des écoliers et des étudiants tout en édictant des mesures de fermeture de tout établissement d’éducation public ou rivé. Certains walis ont pris des mesures similaires en procédant à la fermeture de certains endroits excessivement fréquentés tels que les centres commerciaux, les jardins publics, les salles des fêtes, avec la suspension de toute activité culturelle, sportive ou autres. Le wali de Sétif, devrait à son tour fermer le Park-Mall et le parc d’attraction, deux pôles vraiment attractifs de foules et encore de par d’autres wilayas.
Le monde s’isole. Chacun se renferme en ses frontières. Pire il emprisonne ses résidents pour leur bienfait, chez-eux. Seule tactique de pouvoir en attendant mieux, de contrecarrer la propagation de ce virus qui n’épargne personne, ne fait pas de différences de classes, de rang, de race, de religions ou d’ethnie. La rue, les cafés, les espaces publics enfin tout l’extérieur sont plus qu’une menace, ce sont des pièges mortels. Le président de la république hésite à annoncer sa décision de déclarer l’état d’urgence sanitaire et par la force de la loi et l’intérêt de tout un chacun contraindre les uns et les autres à se fixer bien chez-eux. Si tout le monde restait chez soi, obligeant ainsi l’Etat à décréter le confinement, le pays gagnerait toutefois à freiner le péril qui est déjà en la demeure. C’est un geste de citoyenneté que de ne pas sortir et de refuser d’aller travailler. Une espèce de grève forcée pour l’intérêt général. Ah quoi ! Procédures d’abandon de poste ? Ils ne pourront jamais les entamer. Bien au contraire, ce sera à ce pouvoir d’endosser la responsabilité d’abandon de peuple
Voilà un cri de cœur responsable qui m’est parvenu d’une amie outre-méditerranée « il n’y a pas d’autre solution que le confinement, Il ne faut pas attendre. C’est la guerre, la moitié des personnes contagieuses n’ont pas de symptômes et contaminent les autres. Tant pis, on ne voit pas ses enfants ni ses petits enfants ni ses amis, mais on ne peut faire autrement ». oui ; c’est une guerre menée autrement, sans escadrons armés, seule une infanterie virale.
Cette calamité imprévue que véhicule un fléau mondial croissant crescendo ne se combat pas avec des discours lénifiants ou de mesures inappropriées pour dire que l’on est là. Sans fouiller dans le passé qui nous fait encore miroiter la gabegie et l’incompétence par lesquelles toute notre pédagogie sociopolitique a été gérée ; le pays vit cet échec de gouvernance. Cet insalubre ministre de la santé qui nous disait que nous avons le meilleur système de santé au monde. L’autre qui déresponsabilisait le scorpion inoffensif en vantant sa gentillesse et louant sa légitime-défense. On n’a rien fait pour de tels cas, ni encore pour bien d’autres. Ils étaient, les membres de la « issaba » pris en charge par le budget de l’Etat et les impôts des citoyens bien soignés ailleurs, préférant l’hôtellerie hospitalière étrangère aux mouroirs hospitaliers universitaires nationaux. La justice vient, sur un autre propos condamner certains avec l’infliction d’amendes et de confiscations de biens. Il serait judicieux que toutes ces confiscations de biens immobiliers et financiers prononcées aillent alimenter un compte spécial « hôpitaux » et ouvrir ainsi à d’autres « bienfaiteurs généreux » habitués à l’édification des mosquées , l’appétit du devoir moral de s’en atteler. Un hôpital pour chaque wilaya selon sa dimension démographique équivaudrait à quelques dinars pour chaque résident et une contribution conséquente de ses nantis. C’est là, le sens de la solidarité sur terre.
Les décideurs et gouverneurs d’hier ne se sont jamais mis dans la tête qu’un sort funeste pourra les guetter en fin de vie professionnelle pour aggraver leur fin de vie biologique. Avec ce « meurtrier soldat » qui rode librement en l’air, éjecte silencieusement des salves et répand criminellement ses germes ; l’égalité dans la mort est garantie.
La santé n’était qu’un département ministériel que l’on coiffait pour plus de crédibilité et le plus souvent par des profils scientifiques ou des personnalités professorales. Ce n’est pas, parce que l’on est un imminent chirurgien que l’on peut aisément faire un bon ministre de la santé. Ou un excellent architecte, ministre de l’habitat. Ou tout récemment un bon professeur d’université, ministre de l’enseignement supérieur. Il y a la technique, la technicité et la technocratie. Là, seule la capacité managériale, la gestion rationnelle des aptitudes existantes peut en tenir lieu.
Tous ces responsables pourront dire leur calvaire, leurs obstacles, leurs contraintes, mais jamais leur échec. Personne parmi les ministres de Bouteflika n’a eu cette hardiesse, voire cet honneur de jeter l’éponge devant les embuches qu’il aurait eu à rencontrer. Il se tait, se complait et persévère.
A-t-on pris beaucoup de retard pour décider de certaines urgences ? Oui et énormément. La fermeture des mosquées n’était pas l’une des principales décisions par rapport à celles qui devraient être prises sur les transports publics et les grands rassemblements occasionnels. Nous avions signalé en son temps, qu’à défaut de pouvoir les fermer, il fallait au moins fermer les salles d’ablutions, enlever les fontaines réfrigérantes, officier la prière sine-die dès la fin de l’adhan en l’abrégeant, respecter la séparation des rangs en espaçant l’un de l’autre, se munir de son tapis de sol. Bon, l’affaire au lieu de rester dans son domaine originel de traitement s’agissant de santé publique, s’est transformée en une affaire religieuse, voire d’imams. Oui, la concertation est admissible, mais pas monopolistique ou es-qualité. Voilà que la raison vient de primer et le « gouvernement » décide de suspendre leur fonctionnement. Autre retard se confine dans ces transports en commun. J’ai vu des bus bondés à Alger. Des taxis collectifs inter wilaya à 6 places parcourant en promiscuité, en espace réduit parfois plus de 400 kilomètres. Un autre retard, l’un des plus déterminants, était cette absence d’arrêter le flux des voyageurs venant notamment de Chine, puis d’Europe particulièrement de France et d’Italie. Le malheur avait déjà pris possession des territoires encore vierges. C’est ce jour 19 mars que devra entrer en vigueur la suspension des navettes aériennes et maritimes.
Tous les gens qui ne peuvent s’auto-confinés, brandissent l’obligation de présence qui sur un lieu de travail, qui sur un magasin. N’est-il pas possible, c’est déjà fait au Canada ; de concevoir un système d’indemnisation, d’aide et d’assurances sociales ? Libérer les fonctionnaires dans les administrations en ne gardant qu’un noyau indispensable, mettre au chômage technique les unités industrielles importantes à grand personnel, les chantiers en jouant sur le fonds ou la caisse des calamites et catastrophes naturelles, des intempéries. Ayez de la conscience et adaptez les textes à la contrainte de la circonstance.
Nous convenons qu’à l’évidence, gérer une telle crise est tache complexe et difficile. Les plus grands de ce monde s’en démêlent encore. Néanmoins une communication franche, directe et immédiate aurait à modérer la panique et réduire les folles rumeurs. Le fait de s’inspirer des situations d’autres pays notamment la Chine et l’Italie nous aurait amplement aidés. Le président dans son allocution à la nation essayait de produire de la confiance et semer de la sérénité. On l’attendait ordonner le confinement. Rien. Rabi youster ! Cependant la stricte discipline citoyenne reste la meilleure des protections de ce dangereux virus.
Le Quotidien d’Oran, 19 mars 2020
Tags : Algérie, coronavirus, confinement, alerte,
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