AA / Alger / Abbès Mimouni
Le président algérien, nouvellement élu, Abdelmedjid Tebboune, entamera ses fonctions avec comme lourd héritage sur son bureau une série de dossiers, au premier rang desquels figurent l’anarchie de la vie politique et la tension sociale générée par la dégradation des conditions de vie.
Tebboune a fixé trois priorités sur lesquelles il commencera à travailler, immédiatement après son investiture, en l’occurrence, l’amendement de la constitution, la révision de la loi électorale et le rétablissement de la réputation de ceux qu’il a qualifié de « victimes de la Bande ».
Le commandement de l’armée algérienne avait étiqueté, au début du mois d’avril dernier, de « Bande » les plus puissants parmi les hommes du régime du président démissionnaire, Abdelaziz Bouteflika, dont des hommes d’affaires, des chefs sécuritaires et des hommes politiques.
Victorieux au premier tour de la Présidentielle avec 58,13%, Tebboune a prêté serment jeudi dernier.
** Organisation de la vie politique
Le président élu a placé l’amendement de la présente constitution comme étant une des priorités de son programme électoral.
Lors d’un point de presse animé, le samedi 14 décembre, Tebboune a dit qu’il discutera avec des universitaires et des spécialistes du droit constitutionnel le brouillon d’une profonde révision du texte de la Loi fondamentale. Le draft final sera soumis, a-t-il ajouté, à l’approbation populaire via un référendum qui sera organisé à cet effet.
Tebboune n’a pas précisé la nature des changements qu’il envisage d’introduire sur le texte e la constitution. Néanmoins, il se dégage de son intention de soumettre cette révision au référendum populaire la possibilité de changer le régime de gouvernance de «présidentiel » voire « présidentialiste » actuellement à « semi-présidentiel », soit le retour à la formule d’un Chef de gouvernement avec de larges prérogatives, en remplacement d’un Premier ministre, coordinateur de l’appareil exécutif, ou encore au régime parlementaire.
Tebboune avait déclaré, lors de la campagne électorale qu’il veut un discours qui réduit les larges prérogatives attribuées en vertu de l’actuelle Loi fondamentale au président de la République, et qui traite les déséquilibres existants entre les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire.
Le dernier amendement de la Constitution algérienne date de l’année 2016. Cet amendement avait été approuvé par voie parlementaire seulement et non pas référendaire. Ledit amendement, qui n’a pas connu de modifications depuis, a renforcé les prérogatives du président de la République sans pour autant contenir des modalités de reddition de comptes ou de contrôle du chef de l’Etat dans l’accomplissement de ses missions.
Le président algérien élu a annoncé, également, son intention de réviser la loi électorale, dans le but affiché de « consolider la séparation des mondes des affaires et de l’argent de celui de la politique ».
Il a menacé d’infliger des sanctions exemplaires à l’endroit de « quiconque contre qui est prouvé l’achat de voix pour parvenir à occuper un poste élu », considérant que la prédominance de l’argent sur la pratique politique a privé les jeunes d’adhérer aux partis et d’occuper des fonctions, « dès lors que tout s’achète par l’argent», selon lui.
** Aménagement de la situation
L’atelier politique qu’envisage de lancer le président algérien passera par l’aménagement des conditions nécessaires. Le premier défi auquel il fait face dans ce domaine consiste en le traitement réservé aux marches populaires qui se poursuivent chaque mardi et vendredi depuis plus de dix mois.
Le Mouvement populaire a rejeté le processus électoral qui a acheminé Tebboune à la présidence de la République et insiste sur un changement radical du régime.
De son côté, Tebboune a rassuré le Hirak dans un discours prononcé après sa victoire, en lançant : « Mon élection n’est pas un cinquième mandat. Rassurez-vous, il n’y aura pas de continuité de l’ancien régime ».
Il a annoncé son intention de dialoguer avec le Mouvement populaire. Notre main, a-t-il dit, est « tendue au Hirak pour que l’on discute sans exclusion, pour que l’on s’écoute mutuellement, afin d’aboutir à ce qui sert les intérêts de l’Algérie nouvelle ».
L’analyste politique, Abdelali Rezzaki, a estimé que les marches hostiles au maintien du régime actuel se poursuivront.
Dans une déclaration faite à Anadolu, Rezzaki a souligné : « Le Hirak n’est pas un parti politique ou des associations structurées disposant de programmes. Il s’agit d’un Mouvement revendicatif de simples citoyens qui ont rejeté en bloc les cinq candidats, dès lors qu’ils sont considérés comme étant à la solde du régime ».
Il a ajouté que les « protestataires veulent le départ du Chef du gouvernement Noureddine Bédoui et le président de la République, Abdelkader Ben Salah ainsi que la dissolution du Parlement avec ses deux chambres, composées de députés des partis qui ont soutenu Bouteflika ».
« L’esprit du défi auprès des manifestants dans la rue est alimenté par certaines pratiques, telles que les pressions exercées par des éléments de la police, ce qui accentue leur détermination à manifester », a-t-il encore dit.
De son côté, le sociologue Mohamed Kara prévoit une « baisse progressive des marches populaires et un retour à la vie normale ».
Kara a indiqué à Anadolu que « l’Algérie dispose désormais d’un président de la République, élu par le peuple, dans un scrutin présidentiel dont rien n’a entaché la probité et la transparence et dès le début de l’application de son programme, cela se croisera avec les réclamations et aspirations populaires au changement et à l’amélioration de la condition économique ».
** Un lourd héritage
La troisième priorité du président Tebboune est celle de « rétablir la réputation de ceux injustement traités par la Bande », selon la terminologie qu’il a utilisé, et qui vise les hommes d’affaires et les différentes énergies nationales qui ont subi l’exclusion et les sanctions à l’époque de la cour de l’ancien président.
L’analyste politique Mohamed Tibi a relevé que cette priorité croise « le Mouvement populaire revendicatif et non pas le Hirak politisé fond sur projets mis en échec avec l’organisation des élections ».
« Ces élections ont fondé une légitimité constitutionnelle et populaire du nouveau président qui devrait se débarrasser de la rente, de la corruption et des forces occultes et douteuses qui ont gangrené l’économique et la politique », a-t-il poursuivi.
« Le traitement du Mouvement populaire ne sera pas en soi un défi s’il sera procédé à une séparation entre les forces revendicatives constructives et critiques pour un projet de changement national inclusif des forces qui se sont infiltrées et qui n’ont aucune relation avec les revendications légitimes », a encore argumenté l’observateur.
« Le nouveau président ne peut pas ignorer les forces revendicatives propres », a-t-il conclu. (Anadolou)
Tags : Algérie, Abdelmajid Tebboune, Hirak, dialogue,
Soyez le premier à commenter