Dans la presse marocaine et espagnole, une affaire fait pas mal parler: un VIP aurait profité d’une association de mineurs vulnérables marocains pour en détourner certains vers des actes pédocriminels. Le dénommé Félix Pedro Ramos leur promettait un job et des papiers en Espagne. A priori, nous n’en sommes qu’au début de l’affaire, qui laisse penser à l’existence d’un réseau pédocriminel.
Felix Pedro Ramos, star du petit écran en Espagne, venait souvent en vacances au Maroc. Comme en France, où nombreux sont les adeptes de ce pays, comme Pierre Berger par exemple. Mais alors qu’il tentait de repartir de Tanger par la mer le 20 juin dernier, il a été arrêté par les autorités marocaines suite à des accusations d’escrocquerie, à laquelle se sont greffées des accusations de pédocriminalité.
Trafic de breloques et jeunes éphèbes
La justice marocaine avait reçu des plaintes de la part de deux « entrepreneurs », un Français et un Marocain, au sujet d’escroqueries commises par Ramos: il avait demandé de l’argent au profit d’une association, les orphelins de la Garde Civile (la gendarmerie espagnole) à Marbella, et leur a présenté de faux certificats honorifiques (en gros, il disait être recommandé par les monarchies espagnole et marocaine, doté de titres de noblesse, et il a présenté de faux diplômes). Selon un média espagnol, Ramos aurait fait cela au nom de différentes associations bien connues.
Le système est bête mais marche très bien chez les VIP et les aspirants VIP: Ramos leur disait qu’il avait de grandes relations chez les nobles (la grande classe), et proposait aux pigeons de leur donner un titre dans une association, gérée par lesdits nobles (comme les orphelins de la Garde Civile) ou dans un institut où on trouve du gratin, comme « L’institut d’histoire des Baléares », le tout contre quelques milliers d’euros destinés à des oeuvres caritatives, ou encore son titre de l’ « ordre Impérial Byzantin de San Conatsantin Le Grand » (ordre qui existe vraiment).
Apparemment, il n’y a pas que les deux plaignants à déclarer avoir été manipulés par Ramos pour lui donner de l’argent. Une trentaine de personnes se seraient fait connaître, et l’escroc ciblait avec ce système plutôt les people, les gens « riches ».
Beaucoup de groupuscules fonctionnent de cette manière, avec souvent les breloques et costumes de cérémonie qui vont avec.
De fait, Ramos semble apprécier ce genre de « distinctions »: il est « chevalier » ou « grand prieur » de toute une liste de groupuscules, président ou médaillé d’honneur d’autres machins. C’est du moins ce qu’il affiche, certains de ces titres étant probablement des faux comme ceux liés aux « Orphelins de la Guardia Civil » ou sa « Grande Croix de l’Armée des Asturies ».
Ledit Ramos traînait aussi beaucoup dans les soirées « VIP – caritatives » sur le mode US, selon son fil Twitter (qui n’a que 551 abonnés depuis 2013, ce qui est assez étonnant pour un « journaliste » même local). Cet délire « VIP-charité », c’est comme Epstein qui aimait beaucoup les dons aux associations, écoles, universités, et surtout les soirées VIP.
Un jeune aujourd’hui âgé de 19 ans, « M.B », a également déposé plainte contre lui, en mai semble-t-il, expliquant que Ramos lui avait mis le grappin dessus en 2014 alors qu’il avait 14 ans et qu’il vivait dans un foyer tenu par une association de Tanger. Cette « ONG » est également dans la ligne de mire de la justice marocaine, Ningún Niño Sin Techo (« pas d’enfant sans toit »), et sa fondatrice a précipitamment quitté le pays.
Ramos avait fait venir ce jeune en Espagne, en lui promettant qu’il lui obtiendrait des papiers et lui trouverait un job dans le show biz.
Echanges de bons procédés ?
Apparemment, cela fait un moment que le centre ‘Al Amal », géré par l’association Ningún Niño Sin Techo pour accueillir une dizaine d’enfants des rues, est pointé du doigt à Tanger, de même que sa patronne.
Quand il l’a rencontré, Ramos a dit à ce jeune, qui vivait sans repères, qu’il était propriétaire d’une télévision de Marbella en Espagne, et lui a proposé de travailler avec lui. Mais avant, il l’a invité dans sa chambre d’hôtel: « Ce jour-là, il m’a violé, j’ai tellement souffert que je ne l’oublierai jamais. Il me disait que j’aurais de l’avenir en Espagne », a-t-il expliqué aux journalistes Marocains.
Quand Ramos venait au Maroc, où il tournait des émissions dans lesquelles il emmenait des people à la « découverte de Tanger », il faisait un tour par le foyer pour venir chercher M.B. Le jeune partait alors avec lui -sans que cela ne perturbe personne- et le suivait à travers ses pérégrinations, puis il l’a carrément suivi au Maroc (alors que ce jeune était mineur et sans papiers). Après cela, M.B a été viré du centre par la fondatrice et patronne, Maria Rodríguez Almendros.
D’autres « personnalités » (assez épiques) sont citées par ce jeune et par une autre victime qui a également déposé plainte, comme un chanteur transsexuel de fado. Des Marocains, notamment de l’association, et des Espagnols sont nommés dans la procédure, ainsi que d’autres victimes mineures, des garçons. En termes d’accusés, il y a notamment:
Felix Pedro Ramos, 39 ans, présentateur télé et VIP espagnol. Formé dans la finance, il est passé dans les médias, dans une télé de Marbella.
Manuela Vilches, une galeriste de Marbella qui posséderait de nombreuses propriétés au Maroc, dont certaines où des agressions ont eu lieu. Elle aime beaucoup exposer sa vie et ses amis VIP sur les réseaux sociaux.
Rafael Ojeda, alias Falete, le chanteur travesti espagnol. Ramos aurait demandé à M.B, lors d’un séjour à Tanger avec Ojeda, de « bien se comporter avec lui » car il pourrait l’aider dans sa carrière. Exactement le même discours que Ghislaine Maxwell et les autres rabatteuses lorsqu’elles cherchaient à attirer des mineures dans les filets d’Epstein. Ojeda a donc violé M.B plusieurs jours de suite, avant de lui donner 2000 dirhams (185 euros). Falete a aussi demandé à M.B de lui envoyer des vidéos pornos contre 60€.
María Rodríguez Almendros, la directrice -espagnole née à Tanger- de l’association Ningún Niño Sin Techo qui a fui en Espagne au début de l’été alors qu’elle vivait au Maroc depuis 1982. Pour raisons médicales dit-elle. N’empêche qu’elle est partie juste avant que la justice marocaine lui retire son passeport. Elle a cessé de payer le loyer du centre depuis plusieurs mois, était rarement sur place et ne se préoccupait pas beaucoup des conditions de vie des mineurs.
L’association Ningún Niño Sin Techo, où des jeunes sans abri étaient hébergés et manifestement pas vraiment aidés, a ouvert un foyer à Tanger en 2005. La justice marocaine a décidé la fermeture du centre et de l’association cet été.
Mais cela n’a pas dû beaucoup la perturber, puisque Maria Rodriguez Almendros aurait justement déclaré à ses copines qu’elle comptait mettre la clé sous la porte durant l’été.
Felix Ramos trainait autour du foyer depuis 2008 environ, et c’est María Rodríguez qui l’aurait introduit dans la bonne société marocaine. Et Ramos ramenait chez elle des people comme le présentateur télé José Manuel Parada Rodríguez, Agustín Bravo ou ledit Falete.
Car, pour assurer des rentrées financières l’association (ou son train de vie), María Rodríguez Almendros organisait des soirées de gala, où les VIP étaient attirés comme des mouches sur un papier collant. A ces « soirées », « participaient des célébrités et les enfants qui venaient de familles déstructurées. En outre, le centre a été maintenu avec des cotisations, des contributions d’amis et la solidarité de certains entrepreneurs », relatait El Espanol du 3 juillet 2019.
Cependant, quand l’affaire des viols a commencé à être connue, mi-2019, les donations ont commencé à se tarir.
Et puis, « M.B » a retiré sa plainte début septembre, probablement parce qu’il a été payé pour cela, lui qui se trouve toujours dans une situation précaire. Il a tout de même eu le temps de parler d’une soirée de nouvel an chez Vilches à laquelle il était présent, ainsi qu’un autre jeune du centre et un éducateur.
Les soirées de nouvel an de Vilches ont en effet ont l’air « festives ». M.B précise qu’un soir, elle a même laissé tout l’étage d’une de ses propriétés à Ramos pour qu’il l’agresse tranquillement.
Selon M.B, au moins un autre garçon de l’association a eu « une relation » avec Ramos (alors qu’il était majeur sur la fin), jusqu’à l’arrestation de Ramos en juin. Et les enquêteurs ont trouvé sur les réseaux sociaux des photos où Ramos s’affiche en présence d’enfants de l’association.
Quant à l’association Touche Pas à Mon Enfant, qui travaille sur cette affaire et suit « M.B » [1], elle signale qu’un autre type est actuellement incarcéré dans le cadre d’une procédure pour le viol d’un mineur de l’association Ningún Niño Sin Techo.
La presse espagnole mentionne d’autres victimes encore, et des rumeurs de violences sexuelles courantes dans le foyer. Vilches aurait évoqué devant les policiers le cas d’une éducatrice qui aurait eu une relation avec un des mineurs.
Bref, finalement Ramos risque d’être remis en liberté. A moins qu’il ne se suicide en prison? En tout cas, aujourd’hui, comme ce fut le cas pour Epstein, plus personne ne semble connaître Ramos. Même pas Falete.
[1] Mais depuis qu’il a retiré sa plainte, l’association n’a plus de contact avec lui, et il ne répond plus.
Source : Dónde vamos, 14 sept 2019
Tags : Maroc, pédophilie, Pedro Ramos, Ningún Niño Sin Techo, Maria Rodríguez Almendros,