La zone CFA comprend quinze (15) Etats dont huit (8) en Afrique de l’Ouest, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.
Les Etats de la zone Franc des pays de l’Afrique centrale sont le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République de Centrafrique et le Tchad.
A cette liste, il s’ajoute les Comores.
En 1891, le colonisateur exige que l’impôt de capitation soit réglé en Franc français ; Excluant ainsi les monnaies locales et étrangères.
Après la crise économique des Etats-Unis d’Amérique en 1929, la production industrielle de la France baisse de 24% contre 1 % pour l’Italie et 11 % pour les Etats-Unis d’Amérique.
Affaiblie, la France décide de s’appuyer sur ses colonies pour relever son économie et son commerce extérieur.
Elle créé le 9 septembre 1939, la zone Franc et interdit les échanges des colonies avec d’autres pays extérieurs pour solidifier ses liens commerciaux avec ses colonies.
En 1939, l’unique monnaie qui circule dans les colonies françaises est le Franc français et pendant la deuxième guerre mondiale, il apparaît une autre monnaie liée au Marc allemand.
Cette dernière monnaie subit une dépréciation et entraîne deux valeurs distinctes du Franc dans la zone et lorsque la France décide d’adhérer au Fonds monétaire international (FMI), on lui demande de définir sa parité.
Lors de la ratification des Accords de Bretton-Woods le 26 décembre 1945, la France s’exécute et spécifie sa parité dans trois (3) zones.
En France métropolitaine, l’Afrique du nord et les Antilles, la parité est fixée à 1 Dollar pour 119,10 FF.
La parité équivaut à 50 FCFA pour 1 Dollar dans les colonies pacifiques. C’est la naissance du Franc CFP.
En Afrique subsaharienne et à Saint-Pierre-et-Miquelon en Amérique du nord, le Franc CFA voit le jour et la parité est fixée à 85 FCFA pour 1 Dollar.
La France a créé le Franc CFA pour ne pas qu’après la guerre, la dévaluation du Franc français affecte les marchés de ses colonies et mette fin à sa suprématie dans le commerce extérieur de celles-ci.
En 1948, le Franc CFA subit effectivement une dévaluation et la parité passe de 1 Franc CFA à 2 Francs français.
Pour prendre en compte les évolutions différenciées des prix durant la guerre, les parités du Franc CFA et du Franc CFP sont fixées respectivement à 1,7 et 2,4 Francs.
En octobre 1948, ces taux passent à 2 Francs pour le Franc CFA et 5,5 Francs pour le Franc CFP.
En septembre 1949, avec le nouveau Franc français, les parités sont fixées à 1 Franc CFA pour 0,020 Franc français et 1 Franc CFP pour 0,055 Franc français.
En 1949 au Togo, le Président du Togo, Sylvanus Olympio critique le Franc CFA et décide de sortir de cette zone à partir de l’année 1963 mais le 13 janvier 1963, il est assassiné.
En 1955, il est créé l’Institut d’émission de l’Afrique Occidentale Française et du Togo (AOF) ainsi que l’Institut d’émission de l’Afrique Equatoriale Française et du Cameroun (AEF).
Lorsque les pays africains débutent leur décolonisation en 1958, le général de Gaulle propose et obtient le changement de la dénomination de « Franc des Colonies Françaises d’Afrique » en « Franc de la Communauté Française d’Afrique ». Le sigle CFA ne change donc pas.
Le Président de la Guinée, Sékou Touré rejette l’offre et demande son indépendance.
La Guinée devient indépendante en octobre 1958, sort de la zone Franc en 1960 et frappe sa propre monnaie, le Franc guinéen.
Le Président Sékou Touré avait dit à l’époque : «Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage. » et beaucoup d’analystes jugent que si les autres Chefs d’Etat de la zone Franc avaient été solidaires et eu le courage de suivre l’exemple de la Guinée, l’Afrique aurait été libérée du joug colonial.
Considérant la position du Président guinéen comme un affront, le général de Gaulle et les Présidents successifs de la France ont œuvré pour que la Guinée ne connaisse pas le développement.
En 1959, l’Institut d’Emission de l’Afrique occidentale française (AOF) et du Togo est transformé en une banque centrale, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO).
L’Institut d’émission de l’Afrique Equatoriale Française et du Cameroun (AEF) se transforme en Banque Centrale des Etats de l’Afrique Equatoriale et du Cameroun (BCEAC).
La BCEAC devient le 13 avril 1973, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC).
Ces pays ont créé la BCEAO et la BEAC pour gérer leur monnaie commune, le FCFA.
Néanmoins, ces Etats africains ont été obligés d’ouvrir un compte appelé « compte d’opérations » au Trésor français conformément à une disposition de l’Accord de coopération.
En effet, en 1961, les colonies devenues dans leur grande majorité indépendantes signent avec la France un Accord de coopération monétaire.
L’article 21 de cet Accord dispose que les nouveaux Etats de la zone Franc doivent transférer 65% de leurs réserves de change dans le « compte d’opérations ».
De plus, pour 1 Franc CFA battu, la France demande 10 FCFA et en contrepartie, le Trésor français apporte sa garantie à la convertibilité du Franc CFA.
La somme appartenant à ces Etats africains stockée au Trésor français équivaut à ce jour à environ à 8.000 milliards de Francs CFA.
Avec ce « compte d’opérations », toutes les réserves d’or et de devises de l’Afrique noire de la zone Franc restent sous la surveillance de Paris.
De ce fait, toutes les opérations monétaires avec tout pays autre que la France, passent obligatoirement par le Trésor français.
Evidemment, la France profite de l’aide internationale accordée à ces pays africains de la zone CFA.
Pour le Docteur Séraphin Prao, spécialisé en théorie monétaire : « Le principe des comptes d’opérations est une escroquerie morale, financière de la France et les comptes d’opération auraient même une origine nazie. »
Quant au Professeur Nicolas Agbohou, il écrit : « La France applique actuellement aux Africains, les cruautés financières que l’Allemagne hitlérienne lui a infligées pendant l’occupation. En effet, l’Allemagne nazie a fait supporter des charges financières énormes à la France envahie. L’Allemagne avait organisé sous des apparences commerciales l’exportation chez elle, à peu près gratuitement, de toutes les richesses françaises dont elle avait besoin. Pour réaliser ce dernier projet, elle imagina d’instituer un accord de compensation franco-allemand qui, à la vérité, n’aurait d’accord que le nom et mettrait la production française à sa merci… »
A ce jour, la zone Franc et le CFA constituent le seul système monétaire colonial au monde à avoir survécu à la décolonisation.
Le 11 janvier 1994, la France décide unilatéralement de dévaluer le Franc CFA et pour avoir désormais 1 Franc français, il est exigé 100 FCFA au lieu de 50 FCFA.
Cette dévaluation a entraîné une hausse du prix des importations exprimée en monnaie nationale et une baisse du prix des exportations exprimé en monnaie étrangère.
En 2005, la réserve de change que les colonies transfèrent au Trésor français dans le « compte d’opérations » passe de 65 % à 50 %.
Depuis l’intégration de ces pays africains à la zone Franc, deux (2) tendances s’affrontent, les défenseurs et les détracteurs de la zone Franc.
Les défenseurs de la zone CFA estiment que les Etats de la zone Franc font de l’économie dans l’impression de la monnaie puisque la charge de la fabrication du Franc CFA incombe à la France seule.
Egalement, pour eux, le Franc CFA ne subit pas de fluctuation monétaire parce que l’Euro constitue l’élément de stabilité de cette monnaie et les règlements de change sont harmonisés.
De plus, la zone Franc comporte plusieurs Etats et permet la suppression des risques et coût de changes entre ces Etats.
Enfin, les investisseurs demeurent sereins parce qu’ils ne craignent pas de voir le taux du Franc CFA changer continuellement.
Un analyste africain, l’un des détracteurs du FCFA a fait ressortir quatre (4) grands principes qui protègent les intérêts français, la centralisation des réserves de change au Trésor public français, la fixité de la parité Franc CFA/Euro, la libre convertibilité du Franc CFA et la libre circulation des capitaux entre la France et les pays africains de la zone CFA.
Pour ce dernier, la centralisation des réserves de change au Trésor public français évaluées à 8.000 milliards de Francs CFA ampute le budget des Etats de la zone franc de leur richesse et cette somme aurait pu leur permettre de se développer et leur éviter l’endettement exagéré.
Le plus humiliant de cette pratique est que la France rémunère les banques centrales africaines en intérêts.
Or, lorsque la France place ces 8.000 milliards de Francs CFA appartenant à ces pays africains en banque, ce placement produit des intérêts qui profitent à la France seule.
Plus grave, la part d’intérêts versée aux banques centrales est comptabilisée dans l’Aide Publique au Développement.
Privés de la moitié de leurs recettes, les pays africains de la zone franc se retrouvent dans une situation économique et sociale très difficile, d’autant plus que la France leur impose une rigueur budgétaire telle que la baisse des dépenses publiques afin que l’approvisionnement du compte d’opérations soit garanti.
Lorsque le rapport entre les avoirs extérieurs nets et les engagements à vue de chacune des Banques centrales est demeuré, au cours de trois (3) mois consécutifs inférieur à 20 %, le Conseil d’administration de la Banque centrale concernée se réunit en vue d’adopter les mesures appropriées en relevant les taux directeurs et en réduisant les montants de refinancement.
Les statuts de la BCEAO précisent que « lorsque les disponibilités en compte d’opérations présentent une évolution qui laissera prévoir leur insuffisance pour faire face aux règlements à exécuter, elle devra alimenter le compte d’opérations par prélèvement sur les disponibilités qu’elle aura pu se constituer en devises étrangères autres que le Franc, demander la cession à son profit, contre le Franc CFA, des devises détenues par les organismes publics ou privés des pays membres ». Cette pratique a été baptisée « ratissage ».
Par la suite, la France invite les Etats membres à exercer leurs droits de tirage sur le Fonds monétaire international.
Pour cet analyste, la fixité de la parité Franc CFA/Euro entrave la compétitivité des économies africaines dans le monde puisque la valeur du Franc CFA sur les marchés mondiaux dépend de celle de l’Euro.
Autrement dit, les pays africains de la zone Franc n’ont pas le contrôle de leur politique de change et subissent les fluctuations du cours de l’Euro.
Les recettes de leurs exportations doivent être converties en Euro avant de l’être en Franc CFA, ce qui signifie que si la conversion entre l’Euro et les monnaies étrangères fluctue, les recettes des pays africains de la zone Franc changent également.
Actuellement la valeur de l’Euro se renforce par rapport aux monnaies étrangères.
Par conséquent, la compétitivité des pays de la zone Euro, et donc de la zone Franc diminue par rapport au reste du monde. Une baisse de la compétitivité signifiant une plus grande difficulté à vendre ses produits sur le marché mondial, les conséquences pour les pays africains de la zone Franc d’un arrimage à une monnaie forte comme l’Euro sont considérables.
Les économies restent faibles et les populations se paupérisent car les matières premières qu’elles produisent ne peuvent ni être exportées ni être transformées.
Quant à la libre convertibilité du Franc CFA, elle ne s’applique que des pays africains de la zone Franc à la France et de la France vers ces pays africains.
La libre convertibilité du Franc CFA ne concerne pas les échanges entre les trois (3) zones du système CFA, Afrique de l’Ouest, Afrique Centrale et les Comores.
De ce fait, les investissements français en Afrique, le rapatriement des capitaux et l’importation de matières premières vers la France sont facilités alors que les échanges inter-africains restent bloqués.
La libre circulation des capitaux entre la France et les pays africains de la zone CFA ne constituent qu’un moyen mis en place par la France pour légaliser les fuites de capitaux de ces pays africains vers la France.
Les entreprises françaises installées dans les pays africains de la zone Franc peuvent rapatrier librement leurs liquidités vers la France et les transferts d’argent entre la France et l’Afrique s’opèrent sans entraves au profit des élites « françafricaines ».
Les ménages locaux qui se trouvent privés de cette masse d’argent rapatriés vers la France ne peuvent constituer d’épargnes.
Enfin, l’analyste estime que la France participe à la gestion des banques centrales africaines avec la nomination des administrateurs français qui siègent aux Conseils d’Administration des banques centrales africaines.
Dans les faits, la présence d’administrateurs français dans les banques centrales de la zone Franc confère à la France, un droit de veto lors des prises de décision.
Au conseil d’administration de la BCC, quatre (4) administrateurs sur huit (8) sont français alors que les décisions doivent être votées à la majorité.
A la BCEAO, seuls deux administrateurs sur seize (16) sont français, mais l’unanimité est requise pour toute décision majeure et notamment la modification des statuts, d’où le poids de ceux-ci dans ces banques.
La situation est la même à la BCEAC avec trois (3) administrateurs français sur treize (13).
La présence de représentants français garantit la mise en œuvre de tous les principes centraux du système CFA.
Enfin, la zone Franc constitue en tout point de vue, une entrave à la souveraineté des Etats africains de la zone Franc. Ces pays ne sont pas libres de la gestion de leur politique économique et monétaire.
Le Franc CFA est un lien qui cimente les relations économiques entre la France et ces pays africains bien que les autres pays du monde et même la France, ne reconnaissent pas le Franc CFA sur leurs territoires.
Or, la monnaie est un élément constitutif de la souveraineté d’un Etat.
En plus du développement instructif de cet analyste, plusieurs intellectuels africains se battent pour la disparition du Franc CFA.
Ainsi, nous avons le Docteur Séraphin Prao, Docteur en économie monétaire, Spécialiste des pays de la zone franc, Consultant en politique internationale et Président du MLAN – http://www.mlan.fr – contact@mlan.fr.
Le Professeur Nicolas Agbohou, Docteur en économie politique, est auteur de l’ouvrage « Le Franc CFA et l’Euro contre l’Afrique ».
Le Professeur Mamadou Koulibaly, agrégé en Economie est auteur de l’ouvrage « La souveraineté monétaire des pays africains » et Monsieur Serge Ikiémi, Enseignant Chercheur à l’Université de Marien Ngouabi de Brazzaville qui a sorti l’ouvrage : « Le Franc CFA d’ou vient-il? où va t-il? ».
Source : Le monde à l’envers, 23 jan 2015
Tags : Franc CFA, France, colonialisme, exploitation, servitude,