Quelques dizaines de Tunisiennes ont manifesté mercredi en marge de la première session du nouveau Parlement pour protester contre la présence d’un député accusé, images à l’appui, de harcèlement sexuel, une affaire ayant déclenché un déferlement inédit de témoignages sur les réseaux sociaux.
« Le harceleur ne légifère pas », ont scandé les manifestantes devant le palais du Bardo à Tunis, où les 217 nouveaux députés élus lors des législatives du 6 octobre s’apprêtaient à prêter serment, ce qui leur confère une immunité parlementaire pour les cinq ans à venir.
Parmi eux, le député Zouheir Makhlouf, que des images prises le 11 octobre ont montré, semble-t-il, en train de se masturber devant un lycée.
La diffusion virale de ces images a déclenché une vague inédite de témoignages de victimes de harcèlement et d’agressions sexuelles sur les réseaux sociaux, avec le hashtag #EnaZeda, « moi aussi », en référence au mouvement #Metoo qui avait libéré la parole de femmes victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles après l’affaire Harvey Weinstein en 2017 aux Etats-Unis.
M. Makhlouf, fraîchement élu à Nabeul (est) sous l’étiquette du parti Qalb Tounes de l’homme d’affaires controversé Nabil Karoui, a été déféré le 14 octobre devant le parquet de cette ville côtière à 60 km de Tunis.
Visé par une enquête pour « harcèlement sexuel et outrage à la pudeur », il a assuré qu’il était simplement en train d’uriner, en raison d’un diabète. Il est ressorti libre et siégeait à l’ouverture de la mandature 2019-2024, manifestement à l’écart des autres députés, a constaté un journaliste de l’AFP.
« L’immunité c’est pour tes missions parlementaires, pas pour tes désirs sexuels », était-il écrit sur une pancarte, tandis que des manifestantes brandissaient des portraits de M. Makhlouf.
L’article 68 de la constitution tunisienne prévoit qu’aucun député ne peut être poursuivi, « arrêté ni jugé en raison d’opinions (…) ou d’actes accomplis en rapport avec ses fonctions parlementaires », une immunité ne couvrant pas en théorie les crimes sexuels ou commis en dehors de ses fonctions.
Mais « la jurisprudence tunisienne fait que (le député) acquiert une immunité qui concerne tous les actes, y compris ceux commis avant l’exercice de ses fonctions », a déploré la juriste Nour Jihène, présente parmi les manifestantes réunies à l’appel d’associations ayant recueilli les témoignages d’#EnaZeda.
Elles ont réclamé une meilleure application de la loi qui, depuis juillet 2017, punit les agressions sexuelles et le harcèlement sexuel dans les lieux publics. Ce crime est passible d’un an de prison et de 3.000 dinars (environ 950 euros) d’amende.
Le Vif Weekend, 13 nov 2019
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