Le visage hideux de la Colonisation française en l’Algérie

Par Ali Djaâboub

En cette occasion du 1er novembre, jour de la commémoration du déclenchement de la glorieuse révolution armée pour la libération du pays des mains de l’envahisseur français, je tenais à honorer les martyrs en ayant une pensée pieuse pour eux qui ont sacrifié leur vie pour que nous puissions vivre en paix débarrassés des chaînes de l’oppresseur.

J’en profite pour rappeler aux oublieux et autres falsificateurs qui s’adonnent à un travail de sape et ceux qui veulent redorer le blason de leurs aïeux traîtres à la patrie et aux leurs, coupeurs d’oreilles et de têtes ainsi qu’aux adeptes, de l’autre côté de la Méditerranée, de la colonisation positive, combien leurs tentatives de voiler la vérité reste vaine et leur rappeler que l’Histoire finira par les rattraper, les confondre et ternir l’image qu’ils ont voulu et veulent redorer.

Je voudrais, également, que nos enfants et tous ceux qui n’ont pas vécu cette période sachent à quel point était néfaste toute colonisation et combien était méprisable le colonisateur qui envahit les territoires, usurpe les biens d’autrui et asservit d’autres êtres humains. Je tenais à ce qu’ils sachent que de toutes les colonisations, celle de la France en Algérie a été la plus inhumaine et la plus terrible pour le colonisé et le pays.

La France n’est pas rentrée en notre pays pour libérer ses habitants des mains des Turcs comme ils ont tenté de le faire croire par un mensonge éhonté, mais pour accaparer les trésors de la régence d’alors et anéantir les autochtones pour les remplacer par les chrétiens d’Europe et jouir des bienfaits de cette terre comme rapporté par les historiens. La France coloniale n’a pas fait que cela, elle a ruiné le pays qui était florissant sur tous les plans.

Jugez-en par vous-mêmes !

En 1830, l’Algérie comptait, selon Hamdan dans son Miroir confirmé par les recoupements des différents recensements effectués par les services de l’occupant, quelque 12 millions d’habitants. En 42 ans d’occupation, (1830/1872), il n’en restait que 2,1 millions. Elle en a décimé 10 millions en ce laps de temps seulement, sans aucun état d’âme. Est-ce que ce n’est pas ça l’extermination ? Et pour continuer dans la duperie et le mensonge, les parlementaires de cette puissance se permettent, il n’y a guère longtemps (2005), après près de 45 ans après l’indépendance, de voter des lois positivant leur présence chez nous et prétendre enseigner cette ignominie à leurs enfants dans leur cursus scolaire.

Le témoignage de leurs tortionnaires que sont les maréchaux, généraux et autres officiers, confirme que notre pays, à leur arrivée, était un véritable modèle de réussite dans tous les domaines. L’agriculture y était florissante. Et là où ils passent, ils rencontrent des terres travaillées qui s’étendent à perte de vue, des vergers plantés d’arbres fruitiers de toutes sortes, de véritables forêts d’oliviers et des troupeaux qu’ils n’arrivaient pas à compter. Ils qualifiaient cette terre de paradis jamais vu de pareil de leur vie.

L’enseignement était prodigué à l’ensemble des Algériens qui en 1830 savaient tous lire, écrire et compter disent les témoignages. «Et la plupart des vainqueurs, ajoute leur commission de 1833, avaient moins d’instruction que les vaincus». Les Algériens sont beaucoup plus cultivés qu’on ne croit note Campbell en 1835. Ces témoignages affirment qu’il y avait plus de cent (100) écoles primaires à Alger, (86) à Constantine et (50) à Tlemcen. Et qu’en est-il de Bejaia qui est certes moins grande que celles citées, mais qui pourtant, rayonnait de savoir, ou des autres villes que ces témoignages ne mentionnent pas ?

Alger et Constantine disent-ils avaient chacune six (6) à sept (7) collèges secondaires. Et l’Algérie était dotée de dix (10) zaouïas (universités). Chaque village ou groupe de hameaux avait son école rapportent ces mêmes auteurs. Notre occupation leur porta un coup irréparable notent-ils. Tous ces établissements où se prodiguait le savoir furent détruits ou confisqués et détournés de leur vocation.

Après leur passage ils ne laissaient que désolation et ruines. La France s’adonnait, par le biais de sa soldatesque, à une politique de la terre brulée et d’extermination condamnable non seulement par toutes les lois humaines mais aussi toutes les lois divines. Pour s’en assurer, il suffit de consulter le témoignage de leurs propres historiens, rapporté dans ‘Histoire d’un parjure’ de Michel Habart qui donne d’amples détails qui vous feraient dresser les cheveux sur la tête.

Les différents témoignages rapportent qu’après l’occupation les maisons détruites, les vergers saccagés et les récoltes incendiées donnaient une image de désolation complète et une zone d’affreuse stérilité.

A la question de savoir si ces établissements éducatifs avaient été remplacés, Mgr Dupuch répond, en déplorant, qu’en 1840 il n’ait trouvé que deux (2) ou trois (3) instituteurs pour la province d’Alger qui dit-il comptait à leur arrivée une population de quelque 117.000 habitants et plus de 30.000 renégats. En 1880, on ne trouvait que treize (13) écoles franco-arabes pour toute l’Algérie renchérit-il !!!! Les renégats qui vivaient avec leurs familles et notamment les Français refusèrent de retourner dans leurs pays d’origine où la misère battait son plein et l’ignorance touchait la presque totalité des habitants et préférèrent rester avec leurs familles ou leurs maitres et même les suivre dans leur exode malgré les pressions qui étaient exercées sur eux disent les historiens. En France, à la même période on comptabilisait 4 millions de mendiants, 4 millions d’indigents et 4 millions de salariés qui gagnaient de 3 centimes à ,5 franc par jour, et où 27.000 communes sur 38.000 n’avaient pas d’écoles, où la moitié des soldats étaient illettrés, où la classe ouvrière était massacrée dès qu’elle élevait la voix et où la détresse était telle que les enfants trouvés atteignaient par an le chiffre incroyable de 130.000, rapportent ces témoignages. Telle était la situation de la puissance qui était venue nous civiliser.

Leur commission d’enquête de préciser en mettant les points sur les i : « Nous apportions à ces peuples les bienfaits de la civilisation, et de nos mains s’échappaient les turpitudes d’un ordre social usé. Nous avons débordé en barbarie les Barbares qu’on venait civiliser ».

«Nous avons, dit leur grand orientaliste George Marçais, gaspillé l’héritage musulman à plaisir». En fait, ce fut une véritable extermination culturelle souligne à son tour Hamdan.

Cette extermination n’a rien épargné, elle a dévasté tout ce qui existait de beau avant l’arrivée de cette calamité qu’est la France.

Rovigo est aussi brutal dans son témoignage : «Notre seule supériorité sur eux, c’est notre artillerie, et ils le savent dit-il à l’époque. Ils ont plus d’esprit et de sens que les Européens, et on trouvera un jour d’immenses ressources chez ces gens-là, qui savent ce qu’ils ont été et qui se croient destinés à jouer un rôle». «Ce qu’il faut, dit à son tour Tocqueville, c’est donner des livres à ce peuple curieux et intelligent». Et d’ajouter: «ils savent tous lire ; et ils ont cette finesse et cette aptitude à comprendre qui les rend si supérieurs à nos paysans de France ». A la commission d’enquête qui lui demande ce qui manque le plus aux Maures d’Alger, Bouderba répondra: «des journaux». Et le général Pellissier d’ajouter : «avant notre arrivée, Alger était peut être la ville du monde où la police était le mieux faite…. Avec nous, les vols, naguère presque inconnus, se multipliaient dans des proportions effrayantes».

Laurence, directeur de la Justice d’alors dit : «L’Arabe tue son ennemi, il ne le détruit pas. Et d’ajouter, ne parlez pas de dévastations. Il les ignore. Une chose qu’on peut nous reprocher, c’est d’avoir importé en Algérie cet usage barbare, tradition sauvage de nos grandes guerres».

L’Algérie avait sa culture. Cet héritage méritait d’être préservé concluait un des témoins.

Toutes ces révélations qui émanent, de surcroit, de témoins français ou Européens, on ne peut plus crédibles, dénotent sans le moindre doute que l’Algérie dépassait de loin la France sur les plans éducatif, moral, administratif et en matière d’urbanisation, organisationnel. Or la France coloniale a tout mis en œuvre pour le détruire et effacer, à jamais, ces richesses pour que les générations futures ne trouvent aucun point de repère. Pire, elle a tenté de remplacer les autochtones par les chrétiens qu’elle voulait ameuter de toute l’Europe en pratiquant une politique d’extermination. Et je veux que mes enfants, que ceux de leur âge et ceux qui viendront après le sachent. Je tiens à ce qu’ils s’en souviennent et le transmettent à leurs enfants et aux enfants de leurs enfants. Je veux qu’ils sachent qu’en 1962, lorsque l’Algérie a recouvert son indépendance, la France coloniale a laissé, derrière elle, un peuple algérien illettré à 99%. Et par-dessus tout, je veux qu’ils soient toujours reconnaissants à leurs aïeux qui ont donné leur vie pour débarrasser cette terre de ce mal.

Aujourd’hui encore, les revanchards de tout bord tentent de complexer nos concitoyens en propageant des contre vérités comme celles qui prétendent que les Algériens n’avaient pas d’Etat alors qu’aussi bien cette puissance que l’Angleterre, les Etats-Unis d’Amérique et les autres entretenaient des relations d’Etat à Etat avec l’Algérie, à travers de multiples traités qui ne faisaient que constater l’existence et l’unité d’un Etat nation qui connaissait ses actuelles frontières depuis des siècles comme il est affirmé dans ‘Histoire d’un parjure ». Comme je tiens à rappeler que la France continue de détenir les restes mortuaires de nos Martyrs et de les exposer comme des trophées malgré les promesses faites par leur président actuel de les restituer, ou encore que les autres richesses matérielles et culturelles que la France coloniale a accaparé, durant sa longue présence chez nous, ainsi que les archives, pan important de notre mémoire collective continue d’être séquestrées à nos jours.

Afin d’armer notre jeunesse et de lui ouvrir les yeux sur les méfaits et les crimes de la France coloniale, leur révéler son visage hideux et la prémunir des effets de la propagande néfaste que véhiculent les ennemis de notre pays et notre peuple, je les invite à consulter ‘l’Histoire d’un parjure’ de Michel Habart qui retrace, on ne peut mieux, la vérité sur la présence française en notre pays ou ‘Miroir’ de Hamdan Khodja qui reste une des rares œuvres qui décrit, avec une précision chirurgicale, les conséquence de l’invasion de la France coloniale de notre Patrie, et invite les pouvoirs publics à réserver la place qui lui sied à l’histoire pour mieux armer notre progéniture.

Le Quotidien d’Oran, 4 nov 2019

Tags : Algérie, guerre d’Algérie, France, guerre de libération, colonisation,

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