Sale temps pour les escrocs français en Israël

Par Jacques BENILLOUCHE

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L’existence d’une délinquance à col roulé n’est pas nouvelle en Israël. Toutes les vagues d’immigration ont eu la leur. La vague russe en particulier a amené en Israël des oligarques véreux qui se sont enrichis de manière plus ou moins légales. Mais l’alyah française a fait exploser le nombre de ceux qui défient les autorités israélienne et française. Avec l’immigration fiscale des Français [1], des personnes en délicatesse avec la justice se sont insérées dans le flot de l’alyah, entachant ainsi la réputation d’Israël.

Des escrocs, qui ont fait leur coup à l’étranger, viennent se réfugier en Israël, une fois la nationalité israélienne acquise par la Loi du Retour. Ils s’estiment ainsi protégés de toute éventuelle extradition ou même incarcération. Les très nombreuses affaires douteuses révélées par la presse font désordre et donnent l’impression qu’Israël est devenu le havre de tous les escrocs juifs, en particulier français. Israël a donc décidé de mettre fin à cette dérive qui salit son image de marque.

Sans que cela n’ait été confirmé par les autorités françaises, des policiers de la brigade financière, épaulés par un juge d’instruction, tous français, opèrent en Israël avec l’accord de la police israélienne. Certains, qui parlent et lisent l’hébreu, sont directement installés à Bercy. Ils traquent ceux qui cherchent à échapper à la justice après leurs méfaits, une fois installés dans des somptueuses villas d’Herzliya Pitouah et de Ra’ananna, ville francophone en vogue, habitée par 6.000 binationaux.

Certains sont tellement voyants avec leurs grosses cylindrées qu’on se demande s’ils cherchent à se cacher. Ils aiment se montrer pour afficher leur «réussite», car effectivement ils sont partis de rien alors qu’ils étaient souvent incultes. Étaler les attributs de leur richesse devient un jeu qui laisse indifférents ceux qui les côtoient. Ils ne se rendent pas compte qu’ils deviennent facilement repérables, non seulement par les policiers français mais aussi par la mafia israélienne qui, ne perdant aucune occasion de voler un voleur, leur assure à grands frais une protection pour eux-mêmes, leurs épouses et leurs enfants. Tous ne circulent que flanqués de leurs gardes du corps. Ils acceptent cette vie sans intimité dans des villas bardées d’appareils électroniques et construites comme de vrais blockhaus, craignant tous les jours pour leur vie.

Ils sont assis sur un tas d’or mais ils ne semblent pas pour autant plus heureux. Ils restent méfiants vis-à-vis de tous ceux qui les entourent, inquiets d’être à la merci d’un sale coup ou de la vengeance de certains de leurs associés, pour certains bernés. On compte d’ailleurs en France de nombreux morts qui ont payé de leur vie parce qu’ils n’ont pas respecté la loi du milieu. Ils sont bloqués en Israël sans pouvoir se déplacer à l’étranger car Interpol les recherche, même après avoir adopté des noms israéliens.
Quelques pays africains les acceptent parce qu’ils ne sont pas regardant. On parle de familles qui se sont réinstallées discrètement en Tunisie et au Maroc, le pays d’origine de leurs parents. Quand on parvient à échanger avec eux, on constate que, malgré leurs comptes en banque bien garnis, ces millionnaires rêvent de goûts simples inassouvis, prendre un café à la terrasse des Deux Magots ou dîner à la Boule Rouge à Montmartre.

Devant cette vie d’ascète, souvent très dangereuse, certains ont préféré négocier leur retour en France avec le fisc français. Ils estimaient être vraiment en danger en Israël sous la coupe permanente des mafieux qui sont toujours exigeants : payer ou mourir. Alors, se rendant librement à la police en France, ils préfèrent négocier quelques années de prison pour retrouver ensuite leur vraie liberté et leur magot caché dans des banques pas très regardantes des pays de l’Est. C’est d’ailleurs en voulant faire le point de leurs fonds déposés en Ukraine que deux d’entre eux ont été arrêtés par la police et expulsés vers la France où ils purgent actuellement des années de prison. Mais ceux qui ne négocient pas au préalable leur retour, n’obtiennent aucune faveur de la part des juges qui se montrent alors inflexibles lorsqu’ils sont arrêtés et les amendes sont doublées.
Israël ne veut plus d’impunité pour ses ressortissants binationaux. Cependant, en tant qu’État de droit, il assure leur protection en exigeant un dossier bien ficelé juridiquement par les autorités françaises, pour autoriser l’extradition. La double nationalité ne les protège plus. La cellule secrète à l’Ambassade prend sa tâche avec sérieux et obtient de bons résultats qui alimentent les caisses de l’État français.

A présent, la technique des escroqueries a évolué et s’est étendue car les voleurs font preuve d’une imagination débordante et leurs victimes d’une naïveté déroutante. La première grande arnaque, qui a pris le nom de CO2, consistait à acheter d’énormes quantités de CO2 à des pays qui en consommaient peu pour les revendre à ceux qui en avaient besoin. Ils achetaient hors tva mais facturaient en revanche cette tva qui n’était en revanche jamais reversée au fisc. Ce jeu a permis à quelques dizaines de personnes de détourner au fisc français 4 milliards d’euros en six ans.
Une fois épuisé le filon, ils se sont lancés, toujours à partir d’Israël, dans l’arnaque «au président» consistant à forcer des hauts directeurs financiers de grandes entreprises à virer des sommes colossales en se faisant passer pour leurs dirigeants. Il est vrai que la naïveté n’a pas de limite. Ne manquant jamais d’idées, ils ont ensuite créé des sociétés de Forex, achat et vente de devises, qui démarchaient des naïfs dans le monde, attirés par des gains rapides en jouant sur les taux de change des monnaies. Mais la plupart des investisseurs n’ont jamais revu leurs économies parties en fumée ou plus précisément dans les coffres de banques complices.
A Nice, 3.000 personnes ont été arnaquées et plus de 20 millions d’euros envolés dans la nature. Deux escrocs ont mis au point un plan machiavélique pour appâter leurs victimes, à partir de Tel Aviv. Ils ont créé des sociétés écran de référencement proposant des parutions dans des annuaires professionnels. Leurs cibles, des associations, des commerçants, un diocèse et même des banques.

D’autres ont usurpé l’identité du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian pour escroquer leurs victimes françaises de plusieurs millions d’euros : trois personnes ont été arrêtées fin février en Israël, en cours d’extradition.

Mais l’impunité semble à présent révolue. Israël a tranché en décidant de collaborer avec le fisc étranger. Un Français impliqué dans une fraude fiscale de 51 millions d’euros a été extradé au printemps dernier. En août 2019, un de ses associés, détenu depuis plus d’un an en Israël, le temps de constituer son dossier, a été extradé à la demande du gouvernement français. Bien avant eux, d’autres l’ont été et croupissent dans les prisons.
Quatre personnes, de nationalité française et italienne, viennent d’être arrêtées, piégées comme dans les films dans un lave-auto d’Herzliya, soupçonnées d’avoir frauduleusement détourné 15 millions d’euros auprès de plusieurs sociétés européennes. La justice se prononcera sur leur culpabilité ou non pendant leur séjour en prison après avoir confisqué leurs voitures de luxe.

Mais le fisc français veut faire d’une pierre, deux coups, ce qui inquiète les Juifs français. Il veut à présent non seulement traquer les escrocs mais aussi les exilés fiscaux, souvent de simples familles ayant des biens non déclarés en France. Depuis la dernière Grande Guerre, les Juifs craignent d’être contraints un jour de quitter leur pays, en urgence pour des raisons antisémites, et prennent donc leur disposition en achetant un appartement qui leur servira de lieu de vacances, de lieu de résidence pour leurs vieux jours ou de refuge. Peu d’entre eux ont déclaré en France ce qu’ils considèrent comme un bien pour les mauvais jours, souvent acheté avec de l’argent «blanc».

En compulsant les listes des propriétaires au cadastre israélien, ouvert à tout le monde sous internet, le fisc découvre quelques propriétaires français qui ont inscrit leur bien sous leur propre nom car ils se sentaient en sécurité en Israël. Pour eux, le pays des Juifs ne pouvait pas les trahir. Mais se retrouver sur le même plan que des escrocs chevronnés n’a pas l’heur de plaire à tout le monde. Le fisc français a démenti cette démarche mais de nombreuses victimes témoignent qu’ils ont été pris la main dans le sac et pénalisés avec une forte amende.

La France vient d’ailleurs d’annoncer qu’elle a récupéré cette année près de 6 milliards d’euros de fraude, certes pas uniquement en Israël.

L’administration fiscale a remis la main sur cette somme grâce notamment au croisement des données des professionnels et des particuliers et à la surveillance des réseaux sociaux. Cette cellule a déjà identifié plusieurs cas suspects portant sur des avoirs cachés à l’étranger, des affaires de blanchiment d’argent ou de domiciliation fiscale fictive. L’informatique est devenue la hantise des exilés fiscaux. La seule alternative pour eux consiste à déclarer avec retard leurs biens à l’étranger avec une pénalité négociable de 15 à 25%.

[1] slate.fr

Tags : Israël, France, offshore, paradis fiscal, fisc, fraude,

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