La mendicité au Maroc est plus qu’un métier, c’est un loisir. Les mendiants sont partout, tout le temps, tous les jours, profitant du laxisme des autorités face à une pratique criminalisée par la loi marocaine et qui nuit à l’image du royaume : la mendicité.
La mendicité, un métier prometteur au Maroc ?
Au Maroc, c’est impossible de s’asseoir dans un café, de marcher dans la rue, ou bien encore prendre le car sans être dérangé par un ou plusieurs mendiants quémandant l’aumône. Et ne soyez pas surpris si on frappe à votre porte pour vous demander de l’argent. En contrepartie, vous aurez droit à quelques prières. Et bien entendu, le nombre de louanges dépend de la somme de votre aumône.
En 2007, la première étude nationale sur le phénomène de la mendicité avait recensé 196.000 mendiants au Maroc. Il convient de signaler que 62 % ont fait de la mendicité un métier à part entière. Aujourd’hui, le nombre va certainement augmenter.
Si le recours d’une partie des Marocains à la mendicité peut être justifié, en raison de la rareté des opportunités d’emploi, surtout dans les grandes villes, cette pratique nuit également au travail des milliers de personnes travaillant dans le tourisme. En effet, la plupart des mendiants qualifiés de « professionnels » jettent leur dévolu sur les grands hôtels, les restaurants, les banques et les portes des centres commerciaux.
Le pire, c’est que les personnes qui se sont habituées au gain facile par le biais de la mendicité trouvent beaucoup de difficultés à exercer les métiers ordinaires comme le commun des mortels. En d’autres termes, elles ne peuvent pas faire autre chose que tendre la main à tout passant. Car tous les moyens sont bons pour obtenir un dirham, le prix d’un pain au Maroc.
Certes, sont nombreux les gens qui ont fait fortune rien qu’avec la mendicité. Mais malheureusement, la plupart des mendiants, surtout les enfants, sont exploités par les mafias de la mendicité. En janvier 2014, une mendiante arrêtée en flagrant délit a avoué avoir loué des enfants à 10 dirhams la journée afin de les exploiter dans la mendicité. Et un mendiant accompagné d’un nourrisson gagne la sympathie des gens, et par conséquent son bénéfice augmente par rapport à un autre mendiant exerçant seul.
Il ne faut pas rêver très haut, parce que le Maroc ce n’est pas le Danemark. La Norvège même, l’un des plus riches pays du monde, a renoncé à son plan d’interdire la mendicité. Pourtant, nous constatons que l’Etat marocain est conscient des effets négatifs de ce fléau. Cela se voit dans le durcissement des peines contre les mendiants professionnels dans l’avant-projet de réforme du code pénal. Rappelant que le nouveau code pénal a aggravé les peines contre les personnes utilisant les enfants de moins de 5 ans dans la mendicité.
Moi personnellement, je connais bien des gens qui ont assuré à leurs enfants une bonne éducation moyennant la mendicité. Il y a d’autres qui se sont fait opérer de maladie grave grâce à la générosité des Marocains. Ainsi, on peut comprendre l’initiative inédite d’un citoyen marocain en 2014 d’envoyer une lettre à la mairie de la ville de Casablanca, sollicitant une autorisation pour exercer le métier de mendiant. Dans cette lettre, le père racontait le calvaire de son fils souffrant d’un handicap total. Le but, ce n’était pas d’obtenir ladite autorisation, mais de sensibiliser les responsables quant aux souffrances des personnes à besoins spécifiques et de leurs familles, qui en l’absence de soutien du ministère chargé du développement social, des milliers des personnes vulnérables sont contraintes de faire la manche pour « survivre ».
La mendicité, une fatalité ou le fruit d’une injustice sociale ?
Je pense que la mendicité est due plutôt à la concentration des richesses entre les mains d’une élite et le manque d’une stratégie pour éduquer mes compatriotes aux valeurs de citoyenneté. À cela s’ajoute le non-contrôle d’un nombre important d’associations pour qui le détournement de fonds publics est devenu un jeu d’enfant. Sans oublier les dépenses inutiles du royaume. Prenons, à titre d’exemple, l’implication dans la guerre sans fondements au Yémen. Selon quelques activistes marocains, 1.350.000 dirhams serait le coût de chaque 10 h de vol des avions de chasse marocains engagés aux côtés des pays du Golfe au Yémen.
À mon avis , le durcissement des peines n’apportera aucun fruit sans penser à s’attaquer aux racines de ce phénomène social : la répartition inéquitable des richesses du pays, l’expansion de la corruption, entre autres maux. Eh oui ! On ne naît pas mendiant, on le devient.
Le Jeune Maghrébin, 22 mai 2015
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