« Finalement, grâce à une certaine mobilisation populaire, n’en déplaise à la complicité agissante de l’UGTA de Sidi Saïd, ce texte avait fini par être abandonné. Cela me ramène à aborder le second volet de ma réflexion ».
Par Mohamed Abdoun
Le projet de loi sur les hydrocarbures, censé être adopté aujourd’hui en conseil des ministres, mérite bien que l’on s’appesantisse dessus. Et, pour le faire, une approche de fonds, et une seconde de forme, s’avèrent plus que nécessaires. Sur le fonds, donc, il serait question d’accorder des concessions aux Majors d’une durée de plusieurs décennies. Une surexploitation de nos richesses en hydrocarbures n’est donc pas à exclure.
Chakib Khellil, du temps où il trônait à la tête de ce secteur, n’arrêtait pas de claironner que le nombre de puits au kilomètre carré chez nous était une dizaine de fois inférieur à celui qui existe aux USA. Or, une pareille éventualité, absolument pas exclue, hypothèquerait de facto l’avenir des générations futures, alors que le nôtre l’a déjà été, étant entendu que pas moins de 1000 milliards de dollars ont été dépensés en 20 ans sans que l’économie nationale ne décolle, ni que le pays ne soit véritablement placé sur orbite.
Ce n’est pas tout. Il m’en souvient, pour avoir été présent à la Maison du peuple –en 2005 ce me semble-, lorsque Bouteflika avait improvisé un discours de plus de trois heures à l’occasion du double anniversaire du 14 février. Celui-ci avait défendu mordicus son projet de loi sur les hydrocarbures, concocté par Chakib Khellil.
Pour Bouteflika, si on n’avait pas adopté cette loi, je cite, « il nous serait arrivé la même chose que ce qui se passe en Irak ». Sic ! Finalement, grâce à une certaine mobilisation populaire, n’en déplaise à la complicité agissante de l’UGTA de Sidi Saïd, ce texte avait fini par être abandonné. Cela me ramène à aborder le second volet de ma réflexion. Sur le plan de la forme, en effet, le gouvernement Bedoui ne jouit pas de la légitimité nécessaire, lui permettant de pondre une loi aussi lourde, engageant le devenir du pays pour plusieurs décades.
Ce gouvernement, ma foi, est chargé d’aider à organiser l’élection présidentielle –puisqu’il n’en a pas la charge directe-, mais aussi de gérer les affaires courantes. Et, comme aucune urgence n’est supposée commander une pareille initiative, on se surprend à se demander pourquoi un tel choix a été fait, et en un pareil moment ? L’idéal serait de laisser cette initiative au prochain président, légitimement élu, dont une des priorités consisterait sans doute à dissoudre le Parlement pour convoquer des législatives supposées donner corps à une APN autrement plus représentative.
Partant, la future loi sur les hydrocarbures se draperait de la légitimité nécessaire. Et, que le pays aille ou pas droit sur le mur, le peuple ne pourrait que se dire que c’est son choix à lui. En revanche, si les choses continuent d’être menées de la manière que nous constatons présentement, force nous serait de conclure à l’illégitimité de ce projet de loi d’abord, mais aussi et surtout à l’énorme responsabilité historique des actuels pouvoirs exécutif et législatif.
Les citoyens du hirak, dont la maturité politique force franchement l’admiration, rejettent donc globalement et dans le détail ce projet de loi. Ils le rejettent dans le fond et dans la forme, et ne se gênent pas pour le crier haut et fort. Pourvu qu’on les entende… à temps !
M. A.
La Tribune des lecteurs, 13 oct 2019
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