Des mineurs marocains bloquent des autocars à la frontière afin de les obliger à les transporter en Espagne. Ceux qui arrivent à passer en Espagne par la mer, dont beaucoup de Rifains fuyant la répression, jettent leurs leurs cartes d’identité et d’autres documents pouvant les identifier.
Le ministre de l’intérieur Abdelouafi Leftit a proposé à son homologue espagnol Fernando Marlaska d’accepter le retour des 14000 mineurs se trouvant en Espagne à condition que l’Espagne paye leur éducation et leur manutention au Maroc. Le gouvernement espagnol a refusé.
Les détails dans cet article d’El Confidencial
Des mineurs marocains se lancent sur les autobus des touristes pour pouvoir s’introduire à Melilla
Le président de la ville s’indigne de la passivité de la police marocaine. 1,55 % de la population de cette ville sont des garçons marocains sous tutelle.
Ignacio Cembrero
Ils essaient de s’infiltrer dans les bas-fonds de deux bus et de monter sur le toit. Ce sont des mineurs marocains qui essaient de se faufiler à Melilla. Pour ne pas leur faire de mal, les chauffeurs avancent à pas de tortue. Les touristes espagnols qui reviennent à bord des autobus d’une excursion au Maroc semblent avoir peur du harcèlement des garçons, parmi lesquels, à en juger par l’apparence physique, il y a aussi des adultes.
Les images de cette vidéo ont été enregistrées le week-end dernier à Beni Enzar, côté marocain de la frontière avec Melilla. Des douzaines de policiers et de douaniers marocains y sont en permanence déployés, mais ils ne sont pas intervenus pour stopper le blocage des autobus par les jeunes qui, une fois en Espagne, ils aspirent à devenir des mineurs non accompagnés (MENA).
La vidéo est devenue virale dans la ville autonome parce qu’elle prouve la passivité des forces de sécurité marocaines. L’assaut donné par les mineurs a également eu lieu à la même frontière alors que, souvent, ils essaient de pénétrer dans les véhicules dans des lieux plus éloignés —comme les airs de repos— et qui sont pas aussi surveillés par la police.
Nous dénonçons des faits très graves survenus à la frontière de Beni Enzar ainsi que l’inaction des autorités marocaines”, a écrit dans un tweet la Coopérative Omnibus, propriétaire des autobus. Ce n’est pas un cas isolé et nous nous sentons sans protection lorsque nous nous rendons dans le pays voisin”, conclut-il, exigeant également des solutions à la délégation du gouvernement de la ville.
“Où est la coresponsabilité de la police marocaine à la frontière? se demanda Eduardo de Castro, le président de Melilla, en conversation avec ce journaliste. “L’Espagne fait ce qu’elle peut pour contrôler son côté de la frontière, mais elle peut difficilement réussir si le Maroc ne fait pas de même”, a ajouté ce politicien de Ciudadanos qui gouverne en coalition avec le PSOE et avec Coalition pour Melilla, un parti local majoritairement musulman.
“Tout ce qui se passe depuis longtemps est très grave, étant donné la passivité absolue des autorités marocaines —ou avec leur complaisance— et le silence du gouvernement espagnol”, a dénoncé, pour sa part, Daniel Conesa, vice-président adjoint de l’Assemblée de la ville de Melilla.
Elle faisait notamment allusion à la fermeture par Rabat, il y a 14 mois, des douanes commerciales de Melilla, qui empêche toute exportation légale de la ville vers le Maroc. Les autorités marocaines ont fermé cette douane, ouverte au milieu du XIXe siècle, sans même en informer le Gouvernement espagnol, qui n’a pas protesté contre le fait accompli. Cette décision unilatérale contribue à l’asphyxie économique de la ville de 85000 habitants.
Eduardo de Castro craint également que le harcèlement des autobus par les mineurs “nuise au tourisme” de ceux qui, en séjournant à Melilla, veulent faire des excursions au Maroc. Qui va monter dans un bus que les mineurs bloqueront pendant un bon moment au passage de la frontière ?, s’est interrogé un policier espagnol qui, depuis le poste frontalier, a assisté de loin à l’assaut du bus.
En vue pallier le déclin du commerce dans la ville, Jaime Bustillo, vice-conseiller économique de Melilla, voulait maintenant renforcer l’arrivée de croisiéristes dont les passagers pourraient faire de brèves excursions au Maroc, mais le chaos frontalier et la présence des mineurs peuvent ruiner son projet.
À Melilla, 1322 mineurs étrangers non accomppagnés (MENA) ont déjà été accueillis, selon le rapport du Bureau du Procureur général de l’État publié le mois dernier. Ils représentent 1,55 % de la population de la ville. Dans toute l’Espagne, les mineurs étrangers placés sous tutelle sont environ 14000, selon la vice-présidente du Gouvernement, Carmen Calvo, lors de sa comparution devant le Congrès le 29 août.
La majorité relative (46% ou 6294 mineurs) est accueillie par la Junte d’Andalousie, suivie par Catalogne (1842), Melilla (1322), le Pays basque (990), Valence (730), Ceuta (553 ou 0,65% de la population), Murcie (490), Madrid) (390), Canaries (281), Aragon (175), Castille-La-Manche (160), Galice (113), Cantabrie (111), Asturies (103), Castille-et-León (102), Baleares (64), Navarra (58), Extrema (16). Certaines communautés autonomes, comme la Catalogne, assurent qu’elles prennent en charge plus de mineurs que ne l’a indiqué le parquet.
Le Bureau du Procureur n’a pas non plus fourni de données —à l’intérieur du pays sur les mineurs qui traversent les frontières de Ceuta et Melilla ou qui se cachent dans des véhicules à moteur. Il a, par contre, indiqué, en revanche, que l’augmentation des arrivées par mer avait été spectaculaire“” ces dernières années : elles ont augmenté de 3050 % depuis 2014, quand seulement 223 ont débarqué, en 2018, où 7026 ont mis pied sur les côtes espagnoles, surtout celles de l’Andalousie. 97 % étaient des hommes, 62 % étaient marocains et les autres étaient originaires de divers pays subsahariens.
Dans une autre vidéo mise en circulation le mois dernier, on voit les jeunes émigrés marocains, dont plusieurs apparemment mineurs, qui voyagent à bord d’un bateau en direction de l’Espagne jeter leurs cartes d’identité et de crédit à la mer, ces dernières étant inutiles hors de leur pays. Ils essaient ainsi de rendre difficile leur identification par la police espagnole et leur rapatriement au Maroc bien que, dans le cas des mineurs, il soit pratiquement impossible de les renvoyer.
Le Gouvernement espagnol a eu plusieurs contacts avec les autorités marocaines en vue de rapatrier une partie des mineurs accueillis en Espagne, mais aucun n’a donné de résultats. Il y a un an, le ministre marocain de l’Intérieur, Abdeloufi Laftit, proposait à Madrid à son homologue espagnol Fernando Grande-Marlaska, d’organiser leur “retour concerté” à conditions que l’Espagne assume les frais de leur éducation et leur entretien, une offre inacceptable tant qu’un grand nombre de mineurs continuent d’arriver. En avril dernier, l’Intérieur a lancé une expérience pilote pour, en collaboration avec le Bureau du Procureur, renvoyer 23 Marocains sous la tutelle de Madrid, mais aujourd’hui tous sont encore dans cette communauté autonome. La France et la Suède ont également essayé de rapatrier des garçons marocains, mais elles ont également échoué.
El Confidencial, 7 oct 2019
Tags : Maroc, Espagne, Ceuta, Melilla, MENA, migration,
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