Algérie : Histoire de la « chemma » (tabacs à chiquer)

La chemma, c’est un vrai roman d’amour, une leçon d’économie capitalistique. Son histoire est intimement liée au capitalisme patrimonial algérien avant de relever d’un monopole étatique une fois l’indépendance acquise.

Son destin était alors accordé à celui de la bourgeoisie traditionnelle, précisément à deux grandes familles de l’est algérien, les Bentchicou (Bentchikou)et les Benmalti.

Ces deux familles eurent le nez creux en pensant à transformer les feuilles de tabac à chiquer. Les Bentchicou créeront même le fameux label makla, littéralement, la nourriture, la bouffe.

Ce label sera repris par la Société nationale de tabac et allumettes (SNTA), monopole d’Etat qui le commercialisera sous les noms de Makla El Hilal et Makla Nedjma.

L’étoile et le croissant, signes distinctifs, seront affectés au tabac à chiquer et au tabac à priser. Plus tard, la famille Bentchicou fera un bras d’honneur à la SNTA en reprenant le label et en le faisant fructifier chez les Belges.

Pour le plus grand bonheur des chiqueurs immigrés et de leurs compatriotes restés au pays, les héritiers Bentchicou commercialisent 3 qabssa, des boites rondes portant les noms exotiques de Makla Ifrikia, Makla el Kantara et Makla El Hilal.

Source:   La Tribune Online – Un amour de chique!

MANAGE,PARADIS DES CHEVAUX…ET DES CHIQUEURS

ZONEMBERG,FRANCOISE

Page 20 Mardi 30 octobre 1990

Le tabac ne part pas nécessairement en fumée. Quel lien entre l’élevage des chevaux de race et le tabac à chiquer? A Manage, un homme conjugue les deux activités. Le tabac à chiquer, un produit répandu aujourd’hui surtout en Afrique du Nord? Sans doute… mais, depuis onze ans, une entreprise de la région du Centre, Sifaco Benelux, en assure la production en Europe.

A la base de cette activité qui rappellera aux anciens le bon vieux temps du «rolle», ces bâtons à chiquer que l’on découpait en morceaux, Abdelmadjid Bentchikou. Algérien d’origine, l’homme a choisi d’implanter son activité en Belgique après l’indépendance de son pays et la nationalisation de l’industrie algérienne du tabac.

Après avoir vécu quelques années à l’intérieur du système de monopole, Bentchikou a repris les rênes d’une activité qu’il connaissait sur le bout des ongles. C’est en 1978 qu’il a implanté son usine dans notre pays. UNE P ATE MAISON Pourquoi la Belgique? A l’heure du choix d’un lieu d’implantation en Europe, différentes propositions se sont trouvées rassemblées sur sa table.

La France, quoique prolongement naturel du marché nord-africain par la présence importante d’une main-d’oeuvre immigrée, n’était pas envisageable à l’époque en raison du monopole de fabrication du tabac également en vigueur outre Quiévrain. Restaient parmi les possibilités, l’Allemagne, la Suisse, Monaco, Andorre ou la Wallonie.

Si nos contrées ont été préférées aux paradis fiscaux c’est parce que le gouvernement belge, le plus accueillant à mes propositions, était aussi celui qui offrait alors le plus d’aides économiques, explique Bentchikou. Par ailleurs, une petite consommation de tabac à chiquer s’enregistrait déjà au niveau de la région de Mouscron-Tournai.

L’essentiel du «makla» (c’est le nom du tabac à chiquer de Manage, un terme signifiant manger) part néanmoins en France et au-delà de la Méditerrannée. Bon an mal an, quelque 350.000 tonnes de tabac serti dans des petites boîtes en fer sortent des installation de Sifaco, engendrant un chiffre d’affaires, en croissance annuelle de 5%, de deux cents millions.

Le secret de la réussite est caché dans la formule de préparation du «makla», un produit souvent imité mais jamais égalé, estime avec fierté son père producteur. Le tabac additionné de sels minéraux est lié par une «sauce» maison destinée à lui donner un certain degré d’humidité.

UN CHEVAL INTERMÉDIAIRE

Aujourd’hui, une quarantaine de personnes sont occupées au sein de sa PME dont l’autre versant, au coeur du zoning industriel de Manage est constitué… d’un haras. Outre celle du tabac à chiquer héritée de son grand-père paternel, Abdelmadjid Bentchikou a repris le flambeau d’une autre activité familiale, issue de sa branche maternelle celle-là, les chevaux de races.

Partagé entre ses deux passions, l’homme d’affaires algérien a réussi à les concilier à Seneffe. Le résultat? A un jet de chique du zoning pétrochimique de Feluy, des hectares de vertes prairies où paissent en toute quiétude une vingtaine d’étalons valant chacun leur pesant d’or. L’une de ses jument s’est récemment classée parmi les dix meilleures d’Europe: l’ancien secrétaire de la Fédération équestre algérienne ne fait pas dans l’amateurisme. C’est pour mieux surveiller ses trésors à quatre jambes qu’il a transformé en écurie les hangars de la société Mercator rachetée. On trouve aussi à l’intérieur du zoning de Manage une piste d’obstacles et un manège qui témoignent de la volonté du chef d’entreprise algérien d’étoffer son activité équestre.

A terme, les installations de Sifaco accueilleront une soixantaine de spécimens des deux races que Bentchikou a choisi d’élever, à savoir le pur-sang arabe et le cheval hanovrien de jumping. Le développement de son activité est lié à un important projet de haras en Algérie. Les pur-sang arabes «produits» là-bas seraient «travaillés» à Manage avant d’être vendus sur le marché américain. Objectif: parvenir à créer une race intermédiaire de cheval arabe, c’est-à-dire moins impulsif et un peu plus empâté (le climat et la nourriture ont tendance à le rendre plus corpulent) pour satisfaire la demande du marché. En principe, l’entreprise devrait être bien lancée pour 1992. La plus belle conquête de l’homme part aussi à l’asssaut du grand marché européen.

FRANÇOISE ZONEMBERG

Source : lesoir.be, 30 déc 2019

Tags : Algérie, tabacs, chemma, chiquer, Makla El Hilal, Makla Nedjma, Makla Ifrikia, Makla el Kantara,

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