Pour comprendre pourquoi le Maroc n’est pas et ne se développera jamais, et pourquoi l’éducation va mal

1968, On m’a demandé de préparer un rapport plus technique sur la valeur pédagogique de l’enseignement coranique dans les m’sids. Si je me souviens bien, la phrase qui concluait mon rapport, disait à peu près ceci : «l’enseignement dans les m’sids est l’une des causes principales de notre retard civilisationnel ». M. M’hamdi a été surpris à la lecture de ma copie. Il m’a demandé si je concevais de remettre un tel rapport avec de telles assertions à Amir Al Mouminine. J’ai répondu par l’affirmative. Il m’a alors proposé qu’on relise ensemble le texte, phrase par phrase. Au bout de trois heures, il me demanda si je maintenais tout ce que je disais. « Oui, je persiste et signe ». Il m’apprit alors, honnêtement, qu’il voulait juste tester mon degré de résistance. Après quoi, il l’a remis au Roi.

Une semaine plus tard, il me rappelle. Une fois dans son bureau, il éclate de rire et m’annonce qu’on m’ordonne d’envoyer une lettre au ministre de l’Education Nationale pour lui demander de généraliser l’usage des m’sids et de les répandre sur le territoire. C’est l’année où on est allé créer des écoles coraniques dans tous les coins de quartier.

Plus tard, une fois membre de l’Académie Royale, j’ai fait un exposé sur les m’sids en m’appuyant sur les témoignages de deux intellectuels égyptiens notoires, Taha Hussein et Mohamed Hassan Ziat, et d’un alem marocain, Thami El Ouazzani, qui expliquent comment cet enseignement écrase la personnalité. En fait, c’est le m’sid, avec ce qu’il inculque comme culture de soumission et manque de courage intellectuel, qui a fourni au Makhzen ses meilleurs serviteurs.

En d’autres termes, la philosophie du pouvoir makhzénien historique est en parfaite adéquation avec la philosophie pédagogique du m’sid. Celle-ci se concrétise entre autres par la nécessité d’avoir les yeux baissés une fois devant le chef pour lui parler ou l’écouter. Ceci vous montre culturellement ce que l’enseignement traditionnel a fait comme dégâts.”

Mohamed Chafik

Extraît de l’article  » Les dégâts de l’élite sont énormes « .

Tags : Maroc, enseignement, éducation, développement, Mohamed Chafik, Hassan II,

Visited 1 times, 1 visit(s) today