Après l’attaque des rebelles houthis ciblant des installations saoudiennes, il y a une dizaine de jours, le pétrole est revenu au premier plan de l’actualité, si tant est qu’il l’ait à un moment ou un autre quitté, notamment dans le tas de pays impactés directement par ce haut fait que constitue, désormais, la défaillance de l’offre saoudienne sur le marché mondial.
Mourad Preure, l’expert algérien dans tout ce qui est lié aux hydrocarbures, pense que le choc qu’a constitué l’attaque aux drones contre les deux usines saoudiennes, malgré l’effet induit sur les cours, n’a pas, toutefois, révélé toute son ampleur. Ce qu’il appelle «un événement exceptionnel», pour évoquer ce qu’ont subi les installations pétrolières saoudiennes, a été intégré comme donnée majeure par le marché mondial du pétrole et cela s’est matérialisé par la courbe des cours qui a pris acte de la défaillance de l’offre saoudienne.
«Mais, il n’y aura pas une baisse mécanique de l’offre parce que l’Arabie Saoudite a des «spare capacities», des capacités inutilisées, de 2 millions de barils par jour et détient des stocks pour 35 jours, donc elle est capable de supporter le choc dans l’immédiat», a affirmé Mourad Preure lors de son passage, hier dimanche, à l’émission «l’invité de la rédaction» de la chaîne 3 de la Radio nationale pour nuancer son propos.
Avant de faire état de sa conviction que les dégâts causés aux installations visées par les drones houthis sont plus importants que ce qui avait été annoncé et, se faisant, le marché intègre cette «forte incertitude» quant au retour à la normale de la situation sur les installations touchées par l’attaque menée par les rebelles yéménites.
La réalité de la donne est telle qu’aujourd’hui, la perte de production saoudienne va se traduire par une hausse des prix, d’une part, et stimuler le pétrole de schiste américain de l’autre, selon l’analyse de l’expert algérien qui affirme que la décision des Américains de recourir à leurs stocks stratégiques «a rassuré le marché». Le problème qui se pose aujourd’hui est que «la demande augmente de 1,4 million de barils par jour en 2019, le marché s’en retrouve équilibré», constate Mourad Preure tout en avertissant sur le fait que «l’appel aux stocks pourrait induire un effet pervers, c’est-à-dire que cela renforcera les prix».
D’autre part, Mourad Preure est de ceux qui, nombreux, croient fort que l’Iran, l’autre acteur majeur du monde du pétrole, ne sera pas frappé eu égard au poids de ce pays qui, par exemple, s’il lui arrivait de fermer le détroit d’Ormuz, «le pétrole monterait à 200 dollars le baril». Et puis les zones pétrolifères saoudiennes et émiraties sont «à la portée des missiles iraniens» pour assurer que frapper l’Iran «c’est plus compliqué que cela».
Plus près, comme d’autres experts et même les investisseurs notamment étrangers, Mourad Preure plaidera pour une «stabilité de la législation algérienne» qui permettra à Sonatrach de mieux tirer avantage de ses partenariats avec les compagnies internationales et de considérer finalement que «la puissance pétrolière de l’Algérie ne doit pas être perçue à travers le niveau de ses réserves ou de sa production, mais dans la puissance de Sonatrach». Ceci d’autant que l’Algérie, au titre des atouts, a encore un énorme potentiel pétrolier avec des gisements qui, avec un effort dans l’amélioration du taux de récupération, comme c’est le cas du gisement de Hassi Messaoud qui n’a été exploité qu’à 15%.
Mourad Preure l’assure : «L’Algérie en a encore pour des décennies de production, pour peu que l’on améliore le taux de récupération dans ses gisements.»
Azedine Maktour
Le Soir d’Algérie, 23 sept 2019
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