par Abdou BENABBOU
A eux seuls, deux chiffres scandés et répétés comme un cri d’alarme mettent à nu mieux que n’importe laquelle des savantes lectures boursières la profondeur de la misère algérienne. Confondues, les créances dues par les usagers envers la Sonelgaz et le pourvoyeur national d’eau dépasseraient les 100 milliards de dinars.
Traduits en vocabulaire cuisinier, il s’agit de plus de mille milliards de centimes. Si ces dettes pèsent sur le dos des ménages, des organismes et des entreprises à parts presque égales, il n’est nul besoin de s’arrêter sur le détail des virgules.
Elles seraient d’un dérisoire flagrant car l’embarras des gestionnaires de ces secteurs névralgiques est supposé naître d’abord de la crise politique nationale et en cette période de dangereuses turbulences, il n’est pas conseillé de titiller une population échaudée. Entre les règles d’une gestion rationnelle et les impératifs discutables d’une tempérance politicienne, ils ont les mains liées et les calculatrices bloquées.
Un grand paradoxe s’affiche alors entre l’incontestable entrée de plain-pied dans la modernité pour une large majorité d’Algériens et l’impossibilité pour elle d’en payer le prix. Concilier le produit de la sueur de son front avec les nouvelles exigences de la vie contemporaine n’est plus un exercice aisé au point où on serait en passe de regretter le temps passé lorsqu’une galette de pain et une tasse de petit-lait pour dîner suffisaient à assurer le bonheur et la tranquillité.
Puérile consolation si elle devait l’être, en ce début de siècle, la majorité des peuples d’un monde bouleversé n’est pas en reste. Tout en distribuant aux consommateurs des servitudes imparables, les progrès technologiques réalisés exigent en même temps d’eux d’impossibles acrobaties financières. La nouvelle ère de la modernité se déclare encore plus foudroyante avec le tsunami de l’informatique et l’avancée perverse de la robotique.
C’est dans ce bain bouillant-là, et pas dans un autre, que s’annonce l’élection présidentielle algérienne. Se contenter pour les Algériens d’élire un farfelu prétentieux serait se conformer à un retour inévitable à avaler quelques dattes et à boire quelques gorgées de lait de brebis pour étouffer la faim.
Le Quotidien d’Oran, 23 sept 2019
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