Bolton a quitté l’administration Trump la semaine dernière. Le départ du conseiller national à la sécurité a été bien accueilli par la plupart des gens, car sa position de faucon a été la source de conflits diplomatiques dans les principaux conflits internationaux. Pourtant, son expérience passée au Sahara Occidental et son impatience naturelle commençaient à secouer les choses là-haut, après quarante ans de conflit. Son départ réduit encore une fois les chances d’une résolution entre le Maroc et les Sahraouis.
Le 10 Septembre, le Président Trump a annoncé dans un Tweet la démission de John Bolton, son troisième conseiller national pour la sécurité (CNS) depuis son élection. La raison de la démission/licenciement de Bolton (cela reste flou) semble être une opposition de vues au sein de cette administration. Au cours des derniers mois, Bolton avait refusé de défendre certaines des positions les plus cruciales de Trump sur les questions étrangères, en particulier la Russie, et critiqué l’annonce du retrait des troupes américaines de l’Afghanistan.
Bolton était un personnage controversé. Il a été qualifié par la presse américaine et internationale de «Hawk» et même de « Uber-Hawk » en raison de sa propension à mobiliser les troupes pour résoudre les crises et de sa position unilatérale intransigeante. Le départ de Bolton a été accueilli de façon mitigée, certains, comme Bernie Sanders, faisant valoir que « un symptôme du problème a disparu ». D’autres regrettent cet événement parce qu’il a été le dernier gardien à empêcher le président américain de prendre des décisions potentiellement désastreuses en matière de politique étrangère.
Bien que les cas de l’Iran, de l’Afghanistan, du Venezuela, de la Russie et de la Corée du Nord demeurent des cas délicats pour lesquels la présence de Bolton a causé des problèmes diplomatiques, il y a un conflit sur lequel Bolton aurait pu avoir une influence durable et positive : Sahara Occidental.
Aperçu du conflit
Le Sahara Occidental est imprégné d’un conflit qui dure depuis le départ du colon espagnol en 1975. Depuis, le territoire a fait l’objet de dispute entre les forces marocaines qui ont revendiqué le territoire pour soi et qui contrôlent maintenant 85% du territoire, et le Front Polisario, les forces sahraouies qui exigent d’exercer leur droit à l’autodétermination. Le conflit a commencé par des affronts violents jusqu’à l’intervention des Nations Unies (ONU) en 1991. L’organisation a mis sur pied la Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara Occidental (MINURSO), dont la mission était d’imposer un cessez-le-feu et « d’organiser et d’assurer un référendum libre et équitable et de proclamer les résultats. »
En outre, le Conseil de sécurité a demandé au Secrétaire général d’assurer la médiation des négociations entre les parties. Mais malgré plusieurs cycles de négociations sous l’égide de quatre Envoyés personnels du Secrétaire général du Sahara Occidental, c-à-d. des personnes en charge des négociations au nom du Secrétaire Général de l’ONU, le conflit est toujours dans une impasse.
Le Sahara Occidental reste un territoire non autonome, les réfugiés sahraouis vivent toujours dans des camps de réfugiés et les parties semblent toujours incapables de trouver une issue. On espérait toutefois que les choses bougeraient au cours des deux dernières années. Tout d’abord, le dernier envoyé personnel, Horst Köhler, qui était connu pour sa bonne gestion des affaires internationales, avait réussi à réunir les parties en décembre 2018 et mars 2019, une première en plus de cinq ans. Malheureusement, il a dû démissionner de son poste à l’ONU en mai dernier en raison de problèmes de santé. La deuxième personne était John Bolton, le CSN de Trump.
Bolton aurait probablement été en mesure de guider Trump’s sur la question – après tout, le Sahara Occidental n’est pas une question aussi importante que les négociations avec les talibans, Poutine ou Kim Jung-un. Cela aurait donné à Bolton plus de latitude pour agir plus librement.
L’avantage de Bolton
Bolton aurait pu faire la différence grâce à son engagement personnel dans cette affaire. Il avait participé au processus de paix, travaillant bénévolement pour James Baker III, le premier envoyé personnel, entre 1997 et 2000. Il a fait un suivi à ce sujet en tant qu’ambassadeur des États-Unis à l’ONU pendant quelques mois en 2006. Il a également visité les camps de réfugiés. Dans l’ensemble, sa présence au sein de l’administration Trump semble avoir intensifié l’élan autour du conflit. La participation du CNS a même été surnommée « l’effet Bolton. »
Sa position sur la question a été toujours claire : la MINURSO devrait être dissoute si elle ne fait rien. C’est la position qu’il a appuyée en 2006 et encore une fois depuis sa nomination au sein du gouvernement de Trump. Il est à noter que Bolton est à l’origine du renouvellement non conventionnel du mandat court du Conseil de sécurité de l’ONU (d’un an à six mois) de la MINURSO qui a débuté en 2018 (Résolution 2414). Cette stratégie, qui visait à mettre fin à une mission inefficace de l’ONU, conformément au rejet par Trump des organisations internationales, visait à exercer plus de pression sur les parties. Cela a grandement contribué à la capacité de Köhler de rassembler les parties à deux reprises en quelques mois.
La raison de l’absence de résolution est d’abord et avant tout un contentement du statu quo, surtout de la part de la France et, dans une certaine mesure, des États-Unis. Après tout, le Sahara Occidental est un conflit gelé, et personne n’est mort depuis 1991. Mais cette acceptation des choses telles qu’elles sont est responsable de l’impasse – les raisons de s’attaquer au problème ne sont tout simplement pas assez pressantes par rapport aux autres crises. Si on veut que ce dossier soit clos, il faudrait que les acteurs internationaux en aient assez du conflit. Et c’est exactement ce que Bolton a apporté à la table – impatience et frustration face à un conflit qui est maintenant suivi par l’ONU depuis 29 ans.
La position de Bolton divergeait quelque peu de la position traditionnelle des États-Unis, centrée sur le soutien des efforts de l’ONU tout en favorisant une solution non particulière. Toutefois, ce faisant, Washington a indirectement soutenu l’intransigeance du Maroc et la stagnation du conflit. Bolton, cependant, a critiqué le comportement de Rabat, et l’a accusé de retarder les négociations pour sortir d’une solution, et est allé jusqu’à rejeter le plan d’autonomie du Maroc pour la région. Avec Bolton, le Front Polisario a trouvé un partisan au sein de l’administration Trump. En effet, l’ancien CNS a préféré l’option d’un référendum, le résultat préféré du Polisario, qui a été principalement mis de côté ces dernières années, poursuivant ainsi le travail de Baker. Il convient de noter que les plans de Baker auraient très probablement fonctionné s’ils n’avaient pas été rejetés par le Maroc.
Regard vers l’avenir
Le Maroc semblait croire que rien n’avait changé avec Bolton, et que la pression était inefficace parce que le gouvernement américain était trop proche de la monarchie marocaine, s’appuyant sur eux pour la stabilité du Maghreb. S’il est vrai que l’ancien CNS n’aurait pas pu forcer le Maroc à faire quoi que ce soit contre sa volonté, surtout si Trump s’est opposé à son plan d’action, Bolton a aidé à créer un sentiment d’urgence, et plus généralement, de remettre le conflit du Sahara Occidental sur la table.
Alors qu’Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, cherche un nouvel Envoyé personnel, et Trump un nouveau CNS, espérons que les deux nouveaux responsables oartagent l’engagement de résoudre le conflit par la voie d’une « solution politique mutuellement acceptable qui prévoirait l’autodétermination du peuple du Sahara Occidental. »
Source : Raison d’Etat, 18 sept 2019
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