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Exclu : les images de la villa de rêve des Balkany à Marrakech, Maroc

par David Servenay, Pierre-Antoine Souchard

gqmagazine, 29 août 2019

C’est la villa mystère, celle que les Balkany démentent avoir achetée. Elle a pourtant été au cœur du procès pour fraude fiscale et corruption qui a visé le couple et dont le jugement sera connu dans les prochaines semaines. En exclusivité, GQ vous fait visiter cette demeure de rêve à Marrakech.

Ces clichés sont inédits. Son auteur n’est pas un de ces agents immobiliers spécialisés dans les demeures de luxe à Marrakech. Non, il s’agit d’un des deux ­policiers accompagnant la juge ­Patricia Simon lors de la perquisition effectuée le 25 juin 2015. La chaleur est déjà étouffante ce jeudi matin à 10 heures dans la palmeraie.

Le parc de deux hectares d’un vert anglais fait ­ressortir l’éclat des ­rosiers et des bougainvilliers taillés au cordeau. Le ­majordome qui reçoit la délégation composée d’enquêteurs français et marocains s’excuse de l’absence du locataire des lieux, Alexandre Balkany, le fils d’Isabelle et de Patrick.

Il semble avoir été briefé pour étayer la version du clan de Levallois : cette villa, le couple n’en est pas propriétaire. Certes, il s’y rend en villégiature mais le bail est au nom de leur fils. Pourtant, de pièces en pièces, les indices s’accumulent : chemises et peignoirs brodés aux initiales de Patrick ­Balkany, caisses de vin, souvent des grands crus, annotées « Balkany » ou « PB », livres dédicacés à Isabelle ou à Patrick, caves à cigares… Aucun détail n’échappe aux policiers de l’office central contre la corruption. Ils vont prendre 208 photographies des lieux.

L’enjeu ? Prouver que cette maison, malgré le montage financier destiné à masquer l’identité du véritable ­propriétaire, ­appartient bien aux époux Balkany. Payée avec quel argent ? Celui de la corruption, soupçonnent les enquêteurs, via des commissions versées par des hommes d’affaires étrangers.

Ces photos pèseront lourd dans la réflexion des trois magistrats de la 32e chambre du TGI de ­Paris chargés de sanctionner ces fraudeurs hors norme.

Commençons par le prix de cette villa : 5 millions d’euros, négociés par Patrick en mai 2009, les yeux dans les yeux avec le vendeur, un pharmacien à la retraite. Puis il y a le nom de la propriété : Dar (maison en arabe) Gyucy. Gyucy ? La contraction de Gyula et Lucie, les prénoms de deux des petits-enfants du couple.

Passons maintenant au mécano complexe des sociétés-écrans mis en place par une fiduciaire suisse, Getrust. Dar Gyucy appartient à une SCI marocaine du même nom, elle-même détenue par une offshore panaméenne, Hayridge, dont le capital est composé de cent parts anonymes au porteur. Celle-ci est adossée à une autre société enregistrée au Panama, Himola, qui dispose d’un compte à la Commerzbank de Singapour.

Derrière ce montage sophistiqué, les policiers découvrent Jean-Pierre Aubry, homme de confiance de Patrick Balkany, qui a déposé les parts au porteur chez un notaire de Genève. En apparence, c’est donc lui le propriétaire de la villa.

Mais dans les dossiers financiers, la vérité des chiffres est reine et l’analyse des flux va parler. Car les acteurs ont décidé de cacher qu’une partie de la somme convenue à la vente avait été réglée par un dessous-de-table équivalant à la moitié de la transaction. Ce dernier provient du compte Himola, celui de Singapour : 3,6 millions de dollars (soit 2,5 millions d’euros) sont virés le 6 janvier 2010, deux jours avant la signature officielle de la vente, sur le compte ouvert par le vendeur au Liban.

Ces fonds proviennent d’une commission versée à Patrick ­Balkany par un aventureux homme d’affaires belge, Georges Forrest, dans le cadre d’une opération minière africaine. La part officielle de la vente (les 2,5 millions d’euros restant), provient, ­selon l’accusation, de deux sociétés égyptiennes en lien avec un homme d’affaires saoudien, le cheikh Mohamed al-Jaber.

Cet entrepreneur multicarte avait signé en 2008 un gigantesque contrat pour la construction de deux tours à Levallois-Perret… d’où les accusations de corruption qui les visent, lui et Patrick Balkany. Les deux hommes nient. Mais si le projet des tours n’a jamais vu le jour, il y a néanmoins eu d’intenses négociations entre la mairie et l’homme d’affaires.

Au procès, en juin, le maire de Levallois et son comparse Jean-Pierre Aubry ont affirmé, sans convaincre, qu’ils avaient acheté la villa pour le Saoudien menacé de mort dans son pays, version évidemment démentie par l’intéressé.

Qui dit vrai ? Qui ment ? Au tribunal de se forger une conviction. Au-delà des contradictions des uns et des autres, il pourra aussi se référer à la longue liste des invités de la villa de Marrakech – famille proche, people amis du couple… Mais aussi sur ces quelques factures étonnantes, comme les 41 000 euros de meubles achetés en juillet 2009 par ­Isabelle Balkany et payés… par la société Himola. Le diable est toujours dans les détails.

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